Intervention de Vinton Cerf

Mission commune d'information sur la gouvernance mondiale de l'Internet — Réunion du 10 décembre 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Vinton Cerf vice-président de google

Vinton Cerf, vice-président de Google :

Louis Pouzin a tout mon respect, mais la notion de racines ouvertes ne me semble pas nécessaire. Le système actuel de l'Icann, qui fonctionne avec une racine unique s'est montré efficace depuis la création de l'Internet, il y a quarante ans, pour conserver des informations précises et homogènes facilitant le routage ou l'utilisation des adresses IP. Une plus grande participation du gouvernement dans le développement des politiques au niveau de l'Icann lèverait la plupart des inquiétudes de Louis Pouzin. Le système actuel me convient : nous avons treize opérateurs de racine, des centaines d'imitations de leurs serveurs. Cependant, le gouvernement américain n'est jamais intervenu auprès de Jonathan Postel, par exemple, ni émis de requête négative concernant le système à racine unique, laissant à la communauté technique le soin de décider sur ces questions.

J'aime l'idée d'ouverture portée par Tim Berners Lee. La notion de liens profonds invite à découvrir les informations noires de l'Internet. De la même manière que l'univers est composé dans sa majeure partie de matière noire, l'Internet comporte de nombreuses bases de données invisibles. Les liens profonds sont des puits d'informations cachées auxquelles l'on pourrait donner une visibilité toujours souhaitable.

La notion de propriété intellectuelle est à repenser. Par exemple, en cessant de rendre ceux qui gèrent les brevets aux États-Unis responsables de leur application, on éviterait des poursuites judiciaires extrêmement coûteuses qui font la richesse des « patent trolls ». L'économie numérique n'est pas l'économie réelle. Il nous faut trouver de nouvelles activités, des modèles d'entreprises alternatifs pour rémunérer les créateurs de propriété intellectuelle. Nous devons également élargir notre point de vue sur la propriété intellectuelle, à l'instar de Larry Lessig qui propose, pour élargir le mécanisme trop étroit des droits d'auteur, de faire des inventions des biens communs, en les mettant dans le domaine public, comme Bob Kahn et moi l'avons choisi quand nous avons créé l'Internet.

La signature numérique est essentielle pour identifier les dispositifs, contrôler l'accès aux contenus et aux contrôles. Il serait bon d'encourager sa reconnaissance internationale dans le cadre de la signature de contrats. Vous le savez, de faux certificats de Google ont été récemment émis en France et ailleurs. Quand nous les avons découverts, nous avons fait en sorte qu'ils soient rejetés par Google. L'exemple montre cependant que le système actuel d'authentification des certificats est vulnérable. Une manière de le renforcer consisterait à utiliser la signature numérique au niveau des noms de domaine.

Les conceptions non propriétaires sont bienvenues. L'absence de monopole sur les données de l'Internet est essentielle, parce qu'elle favorise la concurrence, toujours bénéfique. Le manque de choix de FAI empêche la création d'un environnement compétitif. Quand la concurrence manque, il est nécessaire de créer un cadre règlementaire protégeant le consommateur d'un monopole qui serait insupportable.

Si nous nettoyions les informations du jour au lendemain, nous ferions faillite. Qu'adviendrait-il si nous le faisions accidentellement ? Nous prenons des mesures incroyables pour l'éviter. Nous avons construit un réseau de centres de données où nous conservons de multiples copies des informations que nous stockons. Nous faisons tout pour nous prémunir d'une défaillance systémique. L'objectif de Google est de proposer un service gratuit et fiable en échange de publicités qui intéressent ses utilisateurs : nous réalisons ainsi un chiffre d'affaires de cinquante milliards.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion