La question de la répartition de la valeur est économique. Etant ingénieur, je n'y apporterai sans doute pas une réponse satisfaisante. Quand je parle d'écosystème, j'utilise une métaphore biologique pour décrire des entreprises qui ne cessent d'évoluer en modifiant la portée de leur activité. Google a commencé comme un moteur de recherche ; il propose aujourd'hui des services. Il est très difficile de donner une formule magique. L'essentiel est de créer un cadre règlementaire au sein duquel s'inscrit cette dynamique, tout en veillant à ne pas inhiber les entreprises par une surrèglementation.
La Chine et la Russie possèdent des concurrents redoutables, détenant 70% du marché. L'Internet favorise la concurrence globale, car les communications dépassent les frontières. Cette concurrence est bonne et il serait fatal d'en limiter la portée pour protéger les entreprises nationales. Grâce à cet outil d'ouverture qu'est l'Internet, les sociétés proposent leurs services ou produits aux consommateurs du monde entier. Pourquoi se limiter aux marchés européen ou américain quand le marché international est ouvert ?
Si quelqu'un découvrait une séquence génétique dans un organisme se reproduisant naturellement, je m'opposerais à ce qu'il revendique la propriété de cet organisme : ce qui est naturel appartient à tout le monde. J'accepte pourtant l'idée de breveter des séquences d'ADN produisant une bactérie capable de digérer le plastique pour le transformer en pétrole. Ce qui m'inquiète davantage, ce sont les organisations qui achètent des brevets sans rien en faire d'autre que des procès. Voilà pourquoi une réforme des brevets est nécessaire.
Google est une société globale, dont certains gouvernements voudraient taxer le chiffre d'affaires. Nous sommes une société multinationale, qui crée ses filiales selon les lois fiscales de chaque pays. L'Irlande, votre partenaire au sein de l'Union européenne, a une fiscalité attrayante, Google en tire avantage. Il n'y a rien là de surprenant. En moyenne, nous payons 20 % de notre chiffre d'affaires en impôts. N'est-ce pas raisonnable ? Les pays qui veulent plus d'uniformité devraient promouvoir des discussions au sein de l'OMC ou envisager de se doter d'une fiscalité semblable à celle de l'Irlande.
Les technologies de l'Internet entrent en contradiction avec des mécanismes de propriété intellectuelle plus anciens qui limitent la copie de certains produits. Reproduire du papier ou des DVD coûte cher, reproduire des informations numériques ne coûte rien. Il faudrait repenser la manière de faire du commerce : iTunes est un bon exemple, qui privilégie le consommateur en lui proposant d'acheter une chanson plutôt que l'album entier. Cela fonctionne : au lieu de pirater les chansons, les consommateurs préfèrent désormais les acheter. Dans notre laboratoire Google pour la culture, nous aimerions ouvrir une discussion entre les ingénieurs, les juristes, les artistes, afin de trouver les moyens de mieux rémunérer chacun.