Intervention de Hélène Sallon

Commission d'enquête menace terroriste après chute de l'Etat islamique — Réunion du 18 avril 2018 à 15h00
Audition de Mme Hélène Sallon journaliste au monde

Hélène Sallon, journaliste au quotidien Le Monde :

L'exemple de Mossoul est intéressant pour comprendre la montée en puissance de Daech et la reprise de la vie après la libération de la ville.

Mossoul était la plus grande ville détenue par Daech. La chute de Mossoul ne s'est pas faite en quatre jours de bataille militaire - en juin 2014 -, mais par un grignotage progressif. Toutefois, on a eu l'impression d'une chute brutale car plus beaucoup de journalistes étaient sur place et nos yeux étaient tournés vers la Syrie.

Daech est une organisation issue d'Al-Qaida. En Irak, beaucoup de membres de Daech sont d'anciens officiers baasistes et proviennent d'une partie de la population marginalisée. Les sunnites ont en effet perdu le pouvoir à la suite de la chute de Saddam Hussein.

Sur cette fracture, des groupes ont réussi à s'implanter. Mossoul était un lieu important du financement de Daech. On estime qu'au sommet de sa puissance, Mossoul rapportait 8 millions de dollars par mois à Daech. Après le retrait américain en 2011, on a constaté une déliquescence de l'État irakien et une contestation des autorités locales et fédérales par la population en raison d'une corruption importante et d'une politique discriminatoire envers la population sunnite. Par exemple, on constatait des arrestations arbitraires. La situation sécuritaire était également préoccupante : les communautés étaient mises dos à dos et ne coopéraient plus avec les autorités. Ce contexte explique la chute très rapide de Mossoul.

Initialement, la population a accueilli favorablement Daech. En effet, en juin 2014, on ne savait pas ce qu'était l'État islamique. Il y avait d'ailleurs un certain dénigrement de cette organisation. Pour rappel, Barack Obama, interrogé sur le groupe djihadiste en Irak et en Syrie, avait minimisé le danger en faisant cette comparaison : « Si une équipe de jeunes met le maillot des Lakers, ça ne fait pas d'eux Kobe Bryant pour autant ». La population a accueilli Daech pour se débarrasser des autorités. Or, dans la période actuelle, on pourrait revenir à la situation d'avant la prise de Mossoul par Daech.

En outre, la Syrie connaît actuellement sa vraie première déstabilisation. Le régime syrien sur place a reconquis son territoire, mais on peut se demander quel est l'état de ces territoires. En outre, on est loin d'une réconciliation nationale. Le régime n'est en effet pas en phase de réconciliation avec les populations de ces territoires d'opposition. En outre, le pouvoir syrien n'a pas de prise sur les territoires. Des groupes profitent de cette situation. On est ainsi dans un régime de chefs de guerre. Le régime a perdu beaucoup d'hommes et n'a pas les moyens de stabiliser les zones.

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