D'emblée, je souhaite remercier M. Francis Giraud et ses collègues d'avoir déposé cette proposition de loi relative aux personnels enseignants de médecine générale. Elle vient, à point nommé, consacrer la reconnaissance des études de médecine générale, auxquelles, vous le savez, je suis très attachée.
Comme M. Francis Giraud et M. le rapporteur l'ont très justement rappelé, cette initiative va parachever un cycle de réformes entamé voilà longtemps déjà. Je crois qu'il n'est pas inutile que j'en rappelle à mon tour la chronologie, tant elle montre bien l'enjeu que représente le texte qui vous est soumis aujourd'hui.
En 1958, la France, sur l'initiative du professeur Robert Debré, a créé les centres hospitaliers universitaires, les CHU, et un corps de personnels qui leur était attaché, les personnels enseignants et hospitaliers.
En associant enseignement, recherche et soins, universités et hôpitaux, cette réforme a permis à notre pays de former des praticiens de grande qualité et de faire progresser, dans le même temps, la recherche médicale.
Toutefois, la médecine générale est restée à l'écart de cette organisation. Pendant de très nombreuses années, les futurs médecins généralistes ont eu un accès limité à la recherche, n'effectuant que des stages de courte durée dans des services souvent peu formateurs.
Une première réforme est intervenue en 1982, avec la loi relative aux études médicales et pharmaceutiques. Destinée à améliorer la formation des médecins généralistes, elle a mis en place une formation pratique hospitalière, une formation théorique de troisième cycle et une spécialisation en médecine générale avec le résidanat.
En dépit de ces aménagements, et comme le rappelle fort justement le rapport de la commission des affaires culturelles, « les insuffisances de notre système de formations médicales devenaient de plus en plus criantes : sélection par l'échec à l'entrée des études, enseignement inadapté, non prise en compte des technologies nouvelles, dévalorisation de la médecine générale, incompatibilité avec les normes européennes... »
C'est ainsi qu'est apparue la nécessité de créer une véritable filière de médecine générale au concours d'internat, disposant d'une formation spécifique et de qualité.
La première étape de cette prise de conscience est intervenue en 1996, avec le rapport des professeurs et députés Jean-François Mattei et Jean-Claude Étienne ; ce dernier a désormais rejoint votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs.
Leurs recommandations, notamment en faveur de la création d'une filière « médecine générale » au concours d'internat, sont, au terme d'un long processus, à l'origine du texte qui nous rassemble aujourd'hui.
Elles ont tout d'abord donné lieu, en 2000, à un arrêté réorganisant le deuxième cycle des études médicales, puis, en 2002, à l'adoption, dans la loi de modernisation sociale, d'une disposition réformant le troisième cycle des études médicales.
Désormais, tous les étudiants souhaitant poursuivre un troisième cycle d'études médicales sont tenus de se présenter aux épreuves de l'internat et de choisir une discipline en fonction de leur rang de classement. La médecine générale est ainsi devenue une discipline universitaire sanctionnée, au même titre que les autres spécialités de l'internat, par un diplôme d'études spécialisées, un DES.
On pouvait croire que la réforme était achevée. En réalité, elle était au milieu du gué. Il restait encore à donner corps à des dispositions très largement restées à l'état de coquille vide, faute d'avoir été accompagnées des moyens nécessaires pour produire leurs effets.
Les participants à plusieurs colloques et à l'élaboration de différents rapports, issus d'horizons très divers allant de la conférence des présidents d'université aux inspections en passant par des experts, se sont ainsi accordés sur la nécessité de renforcer la filière de médecine générale pour encourager les vocations, pour dynamiser la recherche scientifique et le transfert de ses résultats, en résumé, pour faire du troisième cycle des études de médecine générale une véritable formation « à » et « par » la recherche, à l'instar de tous les troisièmes cycles universitaires.
L'enjeu, vous le savez, est de taille. Face à une demande de soins croissante, dont nous ne pouvons que nous réjouir tant elle traduit un allongement de l'espérance de vie et le progrès des thérapies, il devient nécessaire et urgent de renforcer l'attractivité des formations de médecine générale.
La filière attire la moitié des étudiants en médecine, soit plus de 2 000 étudiants chaque année. Pour toute cette jeunesse, animée par une vocation sincère, ce choix doit être vécu non comme un choix par défaut - comme cela a trop longtemps été le cas -, mais comme un choix voulu, conscient, assumé, fondé sur les compétences et les goûts de chacun.
Pour ce faire, un préalable est indispensable : les étudiants qui ont choisi de s'engager dans l'étude de la médecine générale doivent y trouver une formation de même qualité que celle qui est dispensée à leurs camarades qui suivent d'autres voies.
C'est pourquoi, dès mon arrivée au ministère, j'ai soutenu la création de 20 emplois destinés au recrutement de chefs de clinique de médecine générale. J'ai décidé également d'augmenter les effectifs prévus de 8 emplois de maîtres de conférences associés supplémentaires. À ces postes s'ajoutent 20 autres emplois de médecine générale. Nous aboutissons ainsi à 48 nouveaux postes - chiffre conforme aux voeux de la communauté médicale -, ce qui était une nécessité pour assurer la qualité de la formation de nos futurs médecins.
Toutefois, la création de ces postes est désormais subordonnée à celle de nouveaux corps de personnels enseignants en médecine générale, car leurs futurs titulaires effectuent leur activité de soins non pas à l'hôpital, mais en ville, dans leur cabinet. Les médecins généralistes ne peuvent, en effet, relever du statut des personnels enseignants et hospitaliers.
Tel est précisément l'objet de la proposition de loi qui vous est fort heureusement soumise aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs. Elle tire les conséquences de la création d'une filière de médecine générale et répond à une nécessité et à une urgence, à savoir offrir aux 6 000 étudiants qui, à l'heure où je vous parle, suivent une formation de médecine générale, un encadrement de qualité, conforme aux ambitions qui sont les miennes, qui sont les nôtres, pour la médecine française.
Le statut que propose M. Francis Giraud prend exemple sur celui des personnels enseignants et hospitaliers. Il en reprend ce qui, selon la formule du rapporteur Jean-Léonce Dupont, en fait la force, à savoir une triple mission d'enseignement, de recherche et de soins, chaque tâche venant enrichir l'autre, et lui apporte les adaptations nécessaires, liées à un exercice des activités de soins hors de l'hôpital.
En résumé, il s'agit tout simplement, mesdames, messieurs les sénateurs, de faire profiter la médecine générale d'une organisation qui a fait ses preuves et de permettre aux étudiants d'enrichir leur formation des dernières avancées de la recherche, elles-mêmes nourries du contact quotidien des malades.
Nos concitoyens seront ainsi en mesure de bénéficier au plus vite des derniers progrès de la connaissance et des innovations thérapeutiques qui en résultent. La mise en place de ce continuum enseignement-recherche-valorisation de cette dernière s'inscrit pleinement dans le cadre des réformes initiées par le pacte pour la recherche, avec, notamment, la mise en place des centres thématiques de recherche et de soins, les CTRS, et poursuivies par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.
L'intégration renforcée des formations médicales au sein de l'université, votée cet été, doit en effet permettre aux UFR de médecine de se fondre pleinement dans la stratégie globale de l'établissement - M. le rapporteur l'a fort bien rappelé - et, ce faisant, de mieux tirer profit des dernières avancées scientifiques qui ont été réalisées dans d'autres disciplines.
Décloisonner les savoirs pour enrichir la connaissance : la proposition de loi du sénateur Francis Giraud apporte une pierre à cet édifice qui nous rassemble tous.
Pour l'essentiel, le texte qui vous est soumis pose des principes et renvoie à un décret en Conseil d'État le soin d'en fixer les modalités d'application.
Je souhaite à cet instant, mesdames, messieurs les sénateurs, porter à votre connaissance quelques éléments d'information supplémentaires, afin que votre vote puisse être éclairé par l'ensemble des tenants et des aboutissants de cette réforme.
Sur ce point, je tiens à préciser que, dès que la proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour de votre assemblée, j'ai demandé à mes services de travailler à la rédaction d'un avant-projet de décret, qui a été porté à la connaissance de votre rapporteur. Je pense, en effet, que cette méthode, qui ne préjuge en rien le vote du Parlement, est de nature à améliorer le travail législatif en permettant à la représentation nationale de se prononcer en toute connaissance de cause et à la loi, une fois adoptée, de s'appliquer dans les meilleurs délais.
J'ajoute que cette méthode sera de nouveau utilisée pour le projet de loi relatif aux opérations spatiales, qui sera très prochainement soumis à l'examen de votre assemblée, sur lequel je travaille avec le président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, M. Henri Revol.