En effet, il semblerait que M. le rapporteur, pour établir ses estimations, soit parti du principe que la totalité de la cohorte d'étudiants inscrits en diplôme d'études spécialisées se destine à l'exercice de la médecine générale.
Or, ce n'est malheureusement pas le cas. En effet, seuls 30 % des étudiants ayant choisi de passer ce diplôme se destinent à devenir omnipraticiens. Les 70 % restants sont composés d'internes souhaitant valider un diplôme d'études spécialisées complémentaires pour des spécialités aussi diverses que la gériatrie, les urgences ou encore l'angiologie, ainsi que d'étudiants n'aspirant pas à exercer la médecine, mais qui comptent mettre à profit ce cycle d'études somme toute assez court, puisqu'il est de trois ans - alors qu'il est de quatre ans pour toutes les autres spécialités - afin d'enrichir leur curriculum vitae et de pouvoir ainsi, par la suite, être recrutés, par exemple, par la presse médicale, les industriels du médicament, l'assurance maladie ou les collectivités locales.
Il faut vraisemblablement, pour mieux circonscrire la question du déficit de généralistes qui pourrait intervenir dans un avenir proche et celle de la multiplication des zones rurales et urbaines sous-médicalisées qui en résulte, considérer que le nombre final de généralistes s'installant d'ici à dix ans se situe entre 20 % et 40 % de la cohorte initiale, celle-ci étant en elle-même déjà inférieure à la moitié des étudiants en médecine de troisième cycle.
Ainsi, pour 2 000 postes d'internes en médecine générale pourvus cette année, il faut compter que seule une partie d'entre eux, entre 400 et 800 étudiants, s'installera en qualité d'omnipraticiens.
C'est un constat qui, mes chers collègues, est révélateur du malaise, voire du mal qui ronge la médecine générale dans notre pays. Comment, en effet, imaginer que cette filière d'enseignement puisse, en l'état actuel des choses, susciter des vocations et attirer très majoritairement des étudiants dont l'objectif, en obtenant le DES de médecine générale, est d'exercer dans cette discipline ?
Actuellement, les étudiants choisissent dans leur très grande majorité toutes sortes de spécialités, à l'exception de la médecine générale, celle-ci résultant d'un choix par défaut à l'issue d'épreuves classantes nationales, de telle sorte que l'on dénombre 3 172 postes non pourvus dans cette spécialité à l'issue de cet examen au cours des quatre dernières années.
En n'ayant pas ouvert aux médecins généralistes les carrières universitaires en 2004 concomitamment à la mise en place d'une formation universitaire spécifique d'interne en médecine générale, les pouvoirs publics ont très probablement contribué à dévaloriser le diplôme de médecine générale. C'est ainsi que les enseignants médecins généralistes ne sont toujours pas représentés dans les commissions et jurys de thèse, alors qu'en 2007 se présente la première génération d'étudiants en médecine générale issue de la réforme de 2004.
En outre, la profession de médecin généraliste reste méconnue des étudiants. L'obligation de suivre un stage d'externat au cours du deuxième cycle de leur formation en médecine générale, pourtant inscrite dans la loi depuis 1997, aura été budgétisée pas moins de dix années plus tard, en 2007, et ce de façon partielle, puisque seuls 25 % des financements nécessaires à la mise en oeuvre de la totalité des stages pour 2008 sont inscrits au programme 171 du budget de la santé.
Les quelques expériences de mise en oeuvre de stages de deuxième cycle qui ont été menées jusqu'à présent ont été financées par les facultés de médecine elles-mêmes ou grâce à des reliquats issus du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins.
Au final, rares sont les étudiants qui ont suivi ce stage de trois mois hors de l'hôpital, chez un médecin généraliste. Cette situation est d'autant plus dommageable que la médecine générale se pratique, s'appréhende et s'apprend très précisément en dehors de l'hôpital.
C'est là tout l'intérêt et toute la nouveauté de cette proposition de loi de prendre en considération cette spécificité en sortant l'enseignement de la médecine générale d'un strict contexte hospitalo-universitaire.
Songez, mes chers collègues, que l'on compte aujourd'hui 120 enseignants associés pour enseigner la spécialité de médecine générale à quelque 6 000 étudiants alors que, pour l'ensemble des spécialités, on dispose de 5 200 praticiens hospitaliers professeurs des universités pour un nombre d'étudiants à peu près équivalent ! Il arrive même que, dans certaines spécialités, il y ait autant d'enseignants que d'étudiants dans un certain nombre de facultés...
Le contraste est saisissant et rend compte sans aucun doute de la situation peu enviable dans laquelle se trouve aujourd'hui la médecine générale dans notre pays.
Il faut espérer que, même si ce texte n'est pas d'initiative gouvernementale, il sera, une fois adopté, suivi rapidement d'effets. En tout cas, madame la ministre, vous pouvez être assurée de mon soutien et de celui du groupe CRC. Vous l'aurez compris : nous observerons avec beaucoup d'attention votre action ainsi que les moyens que vous consacrerez effectivement à l'enseignement de la médecine générale pour lui donner ses lettres de noblesse.