Intervention de François Crémieux

Commission d'enquête Hôpital — Réunion du 18 janvier 2022 à 14h30
Audition de M. François Crémieux directeur général de l'assistance publique — Hôpitaux de marseille ap-hm

François Crémieux, directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) :

La notion de responsabilité populationnelle existe au moins dans trois domaines que sont les infarctus du myocarde, les AVC et les transplantations, même si on n'utilise pas cette terminologie. On donne à un CHU d'une région, compte tenu de la population desservie, des objectifs à atteindre en termes de capacité de soins à mettre en place ou de durée d'accès à une salle de soins. Il y a 800 000 habitants à Marseille, nous avons des objectifs et nous rendons des comptes régulièrement à l'ARS. La question est de décliner ces objectifs non pas seulement sur des soins techniques mais aussi sur des objectifs de santé publique et d'accès aux soins. Dans certains cas, le CHU sera impropre à répondre à la question parce que trop gros, trop loin, trop spécialisé. Dans d'autres cas, nous serons des partenaires utiles, en s'adossant par exemple sur nos services d'urgence ou sur un service de gynécologie-obstétrique, et nous serons en appui d'associations qui auront comme mission, en lien avec l'ARS, d'atteindre des objectifs de santé publique. J'insiste sur cette notion de responsabilité. Qui est responsable de quoi sur un territoire par rapport à la santé des habitants ? L'État et les élus sont responsables de la définition d'objectifs et d'éléments qui concourent à la santé et qui ne relèvent pas du système de soins. Les acteurs du système de soins devraient être responsabilisés sur le fait d'atteindre des objectifs de prévention, d'éducation, de vaccination ou d'accès aux soins... Les incitations financières ne suffisent pas. Au lieu de nous dire qu'on est responsable, par exemple, de la prévention des maladies sexuellement transmissibles sur les adolescents d'un quartier, on nous a donné des moyens pour créer des équipes mobiles en pensant qu'en apportant une offre de soins cela répondrait à la question de l'accès aux soins pour les populations concernées. Cela fait des décennies que l'on travaille avec cette logique et le résultat à Marseille est une inégalité aux soins que le covid a révélé de façon évidente.

S'agissant des soignants, c'est un enjeu majeur compte tenu de leur rôle et de leur mission. Alors que le Ségur a traité certaines questions catégorie par catégorie, la communauté des cadres considère avoir pour partie été oubliée. Une infirmière qui bénéficie, outre sa rémunération de base, d'heures supplémentaires et de surrémunérations de week-end ou autres, et qui progresse dans son parcours professionnel et devient cadre peut alors gagner moins. La mécanique de la rémunération des cadres est moins favorable que celle des soignants. C'est un enjeu de niveau national à la fois systémique autour de la formation, de la valorisation et de l'accompagnement des carrières des cadres. J'ai évoqué l'attractivité et de la fidélisation des soignants. Le turn over est très important. Une fois le personnel formé, une partie du personnel de santé a tendance à repartir rapidement. Nous avons une déperdition de compétences liée à ces départs et d'énergie de la part de ceux qui les ont formés au sein des équipes. On atteint les limites du système ! En cette période, la crise a entraîné une partie des soignants à prendre des tournants dans leurs projets professionnels.

La délégation doit bien sûr inclure celle d'enveloppes budgétaires, mais les enjeux ne se résument pas à cela. À Marseille, ils sont plus larges. Nous cherchons à mettre autour de la table l'ensemble des protagonistes - médecins, soignants, direction - et des problématiques, qu'elles portent sur le degré de liberté de choix sur les investissements, les questions de temps de travail et d'organisation des horaires ou les projets stratégiques. Notre défaut est de traiter toutes ces questions de manière segmentée avec chacun de nos interlocuteurs. Or, pour le bon fonctionnement d'une équipe, il faut prendre en compte tous les éléments. Cela peut conduire à des délégations d'enveloppe ou un droit de tirage sur des projets d'investissement. La question de la marge de manoeuvre ne doit pas se limiter à cette seule délégation financière. Il ne s'agit d'ailleurs pas de la demande principale, car les questions d'investissement peuvent être débattues en mont sans nécessairement recourir aux délégations. Donner à une équipe la possibilité de négocier l'organisation des horaires de travail est tout aussi important pour le collectif.

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