Intervention de Pierre Bordier

Réunion du 12 décembre 2007 à 15h00
Personnels enseignants de médecine générale — Adoption des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Pierre BordierPierre Bordier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout, bien sûr, à remercier notre collègue Francis Giraud de son initiative.

Cette proposition de loi répond, en effet, à une demande pressante des professionnels de santé et des étudiants en médecine générale. Elle va permettre de créer de nouveaux corps de personnels enseignants et, donc, de consolider la filière universitaire de médecine générale, dans une période où l'exercice de cette discipline doit être fortement encouragé.

Cela a déjà été souligné, la médecine générale est le pivot de notre système de santé, ce qui a été confirmé au travers de la réforme de l'assurance maladie, qui a institué le parcours de soins.

L'enseignement de la médecine générale a connu de fortes évolutions. Plusieurs étapes ont été nécessaires pour lui permettre d'occuper une place institutionnelle dans les facultés de médecine.

La réforme des études médicales de 1982 a, pour la première fois, affiché une spécialisation en médecine générale. Le troisième cycle incluait alors un premier stage de sensibilisation à la pratique de vingt demi-journées en cabinet, ce qui entraîna un premier recrutement de maîtres de stage.

Ensuite, en 1997, le troisième cycle de médecine générale comprenant quatre semestres de stages hospitaliers s'allongea d'un cinquième semestre en cabinet. La médecine générale prit, à cette occasion, véritablement pied à l'université. Les recrutements de médecins généralistes comme enseignants associés se développèrent.

Enfin, en 2002, la médecine générale devint une spécialité, sanctionnée par un diplôme d'études spécialisées, lui-même mis en place en 2004.

L'aboutissement de cette évolution est, très logiquement, la demande de création d'une filière universitaire de médecine générale, avec des corps de personnels enseignants en médecine générale.

Cette question des personnels enseignants a fait l'objet d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, présenté en février dernier.

Les auteurs du rapport ont relevé que les différents statuts existants, de type « hospitalo-universitaire », sont inadaptés aux spécificités de la médecine générale. En effet, celle-ci n'étant pas une spécialité hospitalière, elle ne s'exerce pas dans les hôpitaux et ne porte pas sur les mêmes soins. Aussi préconisent-ils un statut spécifique de type « universitaire » pour les enseignants.

Dans la proposition de loi, Francis Giraud et ses collègues s'inspirent des conclusions de ce rapport, notamment en imposant, à bon escient, un lien entre enseignement, recherche et soins, comme cela a déjà été souligné plusieurs fois. En effet, l'articulation entre une activité d'enseignement et une activité de soins constitue le fondement du profil de l'enseignant en médecine générale. La légitimité à intervenir sur un plan pédagogique s'appuie sur la pratique professionnelle.

Il restera à déterminer par décret quel doit être le « volume » de l'exercice de l'activité de soins. Prévu au dernier alinéa de l'article 1er, ce décret aura une très grande importance, puisqu'il fixera également le statut des personnels enseignants, les conditions de leur recrutement et d'évolution de leurs fonctions. Nous vous faisons toute confiance, madame la ministre, pour que ce décret voie le jour rapidement, conformément d'ailleurs à ce que vous nous avez indiqué.

Il sera nécessaire, en outre, d'accompagner la montée en charge de la filière universitaire de médecine générale par des moyens budgétaires importants, notamment en termes de postes, d'autant que, selon le rapport précité, les effectifs sont actuellement faibles dans les départements universitaires de médecine générale, avec de fortes disparités selon les UFR.

Comme l'a relevé M. le rapporteur, l'un des enjeux de la réforme est d'améliorer la formation des étudiants. Il s'agit, d'une part, d'harmoniser l'enseignement de la médecine générale dans les UFR, et, d'autre part, de permettre le développement de la recherche, aujourd'hui trop limitée, ce qui n'est possible qu'en créant des postes d'enseignants-chercheurs.

À ce sujet, je m'associe au souhait de M. le rapporteur de voir se développer une recherche de haut niveau en médecine générale, laquelle occupe en effet un positionnement particulier au sein du système de santé. Le médecin généraliste est ainsi amené à prendre en charge des affections que ne voient pas, ou voient rarement, les autres intervenants du système de santé.

Il faut développer la recherche portant sur les problèmes de santé rencontrés par les médecins « de première ligne » et sur les actions de prévention qui peuvent être menées du fait de cette position de premier contact. La recherche en médecine générale est indispensable pour améliorer et garantir la qualité des soins prodigués par les médecins généralistes.

Bien évidemment, l'adoption de la présente proposition de loi, en permettant une réforme importante pour le troisième cycle de médecine générale, va contribuer à renforcer l'attractivité de la filière. La médecine générale pâtit, en effet, d'une désaffection inquiétante chez les étudiants, au moment même où un nombre plus important de généralistes serait nécessaire pour faire face au vieillissement de la profession et au rôle pivot du médecin traitant.

Dans un rapport publié en 2006, l'Observatoire national de la démographie des professions de santé a rappelé que, lors de l'examen classant national, une part significative des postes de médecine générale ouverts - 33 % en 2004 et 40 % en 2005 - n'ont pas été pourvus.

Pour l'Observatoire, trois explications peuvent être avancées : la méconnaissance du métier, sa pénibilité liée aux conditions de travail et aux horaires, et son manque de perspectives.

Pendant la plus grande partie de leurs études, les étudiants en médecine ne sont pas suffisamment incités à rejoindre la médecine générale.

Il a fallu attendre un arrêté du 23 novembre 2006 pour que les étudiants de deuxième cycle se voient proposer des stages dans les cabinets médicaux, leur permettant ainsi d'entrer en contact avec des enseignants généralistes. Jusque-là, les étudiants du bloc commun des six premières années ne pouvaient s'identifier qu'au seul modèle qui leur était présenté : le médecin spécialiste hospitalier.

Je me réjouis de l'avancée permise par la mise en place du stage de deuxième cycle, car il est temps de sortir du « 100 % CHU », afin que les étudiants bénéficient d'une véritable approche de la médecine générale.

Madame la ministre, envisagez-vous d'autres mesures pour inciter les étudiants à choisir la filière de médecine générale ? Ne l'oublions pas, le manque d'attractivité de la profession aggrave le problème actuel de démographie médicale. Notre collègue Jean-Marc Juilhard, dans un récent rapport d'information de la commission des affaires sociales du Sénat, présente certaines pistes pour réduire la fracture territoriale. Il propose, par exemple, d'encourager les stages en médecine générale en zone sous-médicalisée.

Pour conclure, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis que cette proposition de loi puisse être adoptée, car elle est de nature à contribuer au renouveau de la médecine générale, maillon essentiel de notre système de santé. Bien évidemment, notre groupe la votera !

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