Intervention de Maryvonne Blondin

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 1er février 2017 à 15h10
Audition du professeur marion leboyer directrice de la fondation fondamental et responsable de la recherche à l'hôpital chenevier-mondor de créteil

Photo de Maryvonne BlondinMaryvonne Blondin :

Je découvre cette absence de financement et de prise en compte de la recherche. Je salue votre combat, votre dynamisme et votre volonté. Vous avez dit quelque chose qui me parait essentiel, à savoir que les maladies mentales sont des maladies comme les autres. Or, dans l'esprit des gens, ce n'est pas tout à fait le cas. Il faudrait que cet état d'esprit change, ce serait un changement d'ordre culturel.

2 % du budget de la recherche biomédicale, c'est véritablement peu. Je pensais que dans des instituts tels que le CNRS, l'Inra, existaient des services dédiés à cette recherche-là.

Êtes-vous plusieurs à vous battre là-dessus ou êtes-vous seule ? Quelles batailles avez-vous pu mener vis-à-vis des élus ? Avez-vous déjà été auditionnée par des élus nationaux ?

Vous avez parlé des polluants, des prises de médicaments. Les perturbateurs endocriniens ont-ils un impact sur la santé mentale ?

Lorsque vous évoquez la corrélation entre les troubles intestinaux et l'autisme, il me revient en mémoire le débat, voire la bagarre entre les psychanalystes traditionnels et un médecin de mon département, qui était en avance, et avait détecté cette corrélation entre l'intestin et le trouble mental, et la vessie.

Avez-vous suivi les études cliniques sur les bactériophages ?

J'aimerais par ailleurs que vous développiez ce que vous entendez par « prise en charge personnalisée ».

Pr Marion Leboyer. - Sur le manque de connaissances du grand public et des décideurs, je pense que c'était la même chose il y a trente ans pour le cancer ou pour l'épilepsie. Je pense qu'il y a trente ans, si un jeune homme faisait une crise d'épilepsie dans la rue, on l'emmenait au poste de police et non à l'hôpital. Il y a un retard en France en matière d'information. Si on exigeait de nos jeunes collègues qu'ils lisent la littérature internationale, qu'ils aillent en congrès et qu'ils publient une thèse de médecine s'ils ont écrit un papier eux-mêmes, cela les obligerait à se tenir au courant de l'évolution de la science. Cela nécessite qu'on se forme, puisque la vérité d'aujourd'hui ne sera pas la vérité de demain. Plus tôt on apprend à avoir un esprit critique, mieux c'est.

C'est la même chose pour nos concitoyens. On s'est donné beaucoup de mal à la fondation FondaMental pour communiquer auprès de la presse, on voit bien que les choses changent assez vite. Il faut qu'on ose parler des maladies mentales. Aujourd'hui, on dit presque facilement qu'on a un cancer ou une épilepsie, mais dire qu'on a dans sa famille un schizophrène reste encore tabou. Pour que les plus jeunes aient accès aux soins, pour que le dépistage et le diagnostic soient effectués tôt, il faut qu'on ait une représentation de ces pathologies comme étant des maladies comme les autres, qui nécessitent un diagnostic le plus précis et précoce possible, et l'accès à l'ensemble des stratégies thérapeutiques.

La question de savoir s'il faut recourir à la psychanalyse, qui est toujours en débat mais malheureusement spécifiquement française, est à mon sens totalement fausse puisque nous, médecins, nous nous devons d'utiliser toutes les stratégies thérapeutiques qui sont les plus efficaces pour un patient donné à un moment donné de son parcours. La médecine personnalisée consiste à se donner tous les outils possibles pour faire un diagnostic exhaustif (psychiatrique, somatique et neuropsychologique) de manière à pouvoir prescrire l'ensemble des stratégies thérapeutiques, qu'elles soient médicamenteuses, psychosociales ou qu'elles concernent le style de vie. Quand on soigne un patient diabétique, on ne se limite pas à lui prescrire de l'insuline.

Puisqu'on n'arrive pas à obtenir cette représentation-là, c'est peut-être au législateur d'imposer qu'il y ait des recommandations de la part des hautes autorités de santé, que nous, les sociétés savantes, puissions fournir des recommandations thérapeutiques, et qu'il y ait des soins imposés. Il y a une évolution des stratégies qui est parfaitement appliquée partout dans le monde, je ne vois pas très bien pourquoi elle ne pourrait pas l'être en France. Et c'est cela l'essence de la médecine personnalisée, ce n'est absolument pas de faire des clivages entre médecins généralistes et psychiatres ou entre psychanalystes et d'autres disciplines. Certains patients peuvent bénéficier de thérapies cognitivo-comportementales ou de psychanalyses, d'autres pas.

Vous m'avez ensuite demandé si j'étais seule. Non. La fondation FondaMental a été créée par le ministère de la recherche à l'issue d'un concours international il y a dix ans. Le nombre des équipes médicales et de laboratoires de recherche nous rejoignant augmente chaque année. Nous avons aujourd'hui près de quarante centres experts sur l'ensemble du territoire. Nous recevons beaucoup de demandes d'associations d'usagers d'une part, et de psychiatres d'autre part, pour déployer le réseau des centres experts diagnostiquant les troubles bipolaires, la schizophrénie, la dépression résistante et l'autisme de haut niveau.

Nos collègues nous demandent qu'on les aide à développer la même chose pour l'hyperactivité, le trouble des conduites alimentaires, le suicide, ce qui permettrait d'offrir aux patients une évaluation diagnostique. Le bilan diagnostique est ensuite adressé au médecin qui nous a envoyé le patient de manière à ce qu'il puisse avoir une évaluation complète et standardisée de la pathologie de son patient et des recommandations thérapeutiques personnalisées. Cette extension permettrait de compléter l'actuelle offre de soins de la psychiatrie de secteur, qui est une psychiatrie beaucoup plus généralisée et qui se sert de ce dispositif de centre experts.

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