Intervention de Laurence Cohen

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 25 janvier 2017 à 14h35
Audition conjointe sur la détection précoce des troubles psychiatriques : professeur diane purper-ouakil chef du pôle psychiatrie au centre hospitalier universitaire chu de montpellier et responsable de la médecine psychologique pour enfants et adolescents à l'hôpital saint eloi professeur jacques dayan vice-président de l'association waimh france world association for infant mental health et professeur manuel bouvard chef du service universitaire d'hospitalisation pour enfants et adolescents suhea au centre hospitalier universitaire chu de bordeaux

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Je vous remercie de votre exposé qui éclaire notre mission. Les troubles de l'enfant mettent souvent en évidence des dysfonctionnements d'origine familiale. Comment s'organisent concrètement l'accompagnement de la famille et éventuellement, la prise en charge de la mère si c'est elle qui est en souffrance ?

Vous avez également insisté sur la notion de partenariat qui implique l'intervention d'équipes pluridisciplinaires extrêmement bien formées et disposant du temps et du budget nécessaires à l'échange d'informations.

En outre, au-delà de la pédopsychiatrie et de la psychiatrie, votre conception de la continuité du parcours de soins remet en cause la conception même de la médecine en générale où le patient est très morcelé en fonction de ses symptômes.

Pr Jacques Dayan. - Pour être moins schématique, les troubles d'un enfant sont liés à des facteurs tant externes qu'internes. La réponse des familles varie également selon le degré de précarité sociale, selon le trouble de l'enfant et la bonne santé mentale ou non de la famille. La prise en charge de l'environnement et du trouble de l'enfant s'avère toujours fort complexe. Pour des questions éthiques et d'efficacité, la mise en accusation des parents est maintenant refusée, quel que soit le cas de figure.

A partir de là, les prises en charge diffèrent selon les cas. Ainsi, si un enfant présente un trouble sensoriel évident ou une maladie physique, l'accompagnement des parents va être organisé, même s'il ne me paraît pas assez pensé dans notre pays à un stade précoce, faute d'une réflexion et d'une harmonisation globales.

Il y a ensuite la question des difficultés des parents. En psychiatrie périnatale, il existe des difficultés aigues. Des personnes, qui sont en bonne santé mentale, peuvent se trouver aller mal à l'idée de devenir parents. Loin d'être une famille dysfonctionnante, il s'agit d'individus qui doivent être aidés dans leur parentalité par un accompagnement. Celui-ci n'est pas du même type que l'accompagnement classique qui peut être prévu en cas de trouble chronique, où la pathologie interne de l'enfant et prépondérante, ce qui nécessite un travail avec les parents. Au-delà d'un certain niveau de « dysfonctionnalité », l'alliance avec les parents pose un problème. Il faudra choisir entre l'intérêt des parents et celui des enfants. A cet égard, contrairement au Royaume-Uni, où des moyens conséquents sont déployés lorsqu'on décide de séparer, après une observation longue prise en charge par la justice, etc., en France, pour les stades précoces, nous n'avons pas ces moyens.

Pr Diane Purper-Ouakil. - Je souhaite insister sur les modalités d'accompagnement et différencier l'accompagnement du soin. Ce que l'on demande à la pédopsychiatrie est plurifactoriel, cela va du soin à des choses qui relèvent de l'accompagnement d'un parcours. Il faut penser en termes de continuité dans le développement, qui ne doit pas correspondre à une succession de surspécialisations étanches les unes par rapport aux autres en fonction des tranches d'âge. Je suis plutôt pour une continuité de la prise en charge avec suffisamment d'articulation entre les équipes afin de prévenir les ruptures successives pour les enfants présentant des troubles chroniques et des besoins de prise en charge de long terme. Un projet européen, qui porte sur la transition de la psychiatrie des adolescents vers la psychiatrie adulte, est en cours. La question des transitions se pose également dans les autres pays européens. Certains dispositifs, comme la désignation de référents, qui seraient des professionnels suffisamment formés à l'accompagnement dans les parcours de soins pour les parents les plus en difficulté au niveau psycho-social, pourraient être envisagés. Ces référents faciliteraient par exemple l'articulation du parcours de soins avec les parcours éducatifs et de rééducation et aideraient les parents à s'y retrouver dans cette organisation.

Pr Manuel Bouvard. - Nous devons aujourd'hui acter ensemble qu'il existe des troubles de l'enfant. Il ne s'agit pas toujours de troubles liés au contexte ou à l'environnement. Les troubles du spectre autistique ont longtemps été compris comme étant liés aux mères. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Mais l'idée a encore un peu cours. Cela renvoie à l'enjeu de l'évaluation des compétences et du développement de l'enfant ainsi que des facteurs familiaux et de contexte. L'accompagnement débute au moment où l'on dit aux parents quels sont les troubles de leurs enfants, que ces troubles ne sont pas apparus de leur faute et selon quelles modalités le travail de prise en charge pourra être réalisé. Cela renvoie à la notion d'aide aux aidants. Les programmes d'aides aux aidants, comme ceux dont nous pilotons la mise en oeuvre en Aquitaine, fournissent les outils de cet accompagnement et permettent aussi de rendre les parents acteurs de cet accompagnement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion