J'avais posé cette question à l'occasion de l'ouverture d'un plan stratégique qui devait redonner du tonus et du dynamisme au fret ferroviaire.
Trois ans après et quelques milliards de tonnes de marchandises transportées par le rail en moins, je m'interroge toujours sur la réelle volonté de votre gouvernement de sortir le fret de l'impasse dans laquelle il a été résolument engagé depuis quelques années.
Quelles sont les données du problème ? Ce sont les mêmes, en plus préoccupantes, que celles qui étaient évoquées dans le rapport de Hubert Haenel et François Gerbaud, intitulé « Fret ferroviaire français : la nouvelle bataille du rail », qui avait marqué le Sénat et dont les derniers mots étaient : « Il faut engager la bataille du rail ».
La première de ces données est la baisse presque continue des volumes de fret transportés par le rail depuis 1974. À l'époque, rappelons-le, près de la moitié des marchandises transportées en France l'étaient par le rail. Très récemment, cette proportion a baissé jusqu'à 20 %. Elle est, aujourd'hui, de 12 % ou 13 %. Cette chute s'est donc accentuée de façon colossale. Nous sommes ainsi passés de 55 milliards de tonnes en 2000 à 40 milliards de tonnes-kilomètres en 2006.
Le précédent plan devait permettre de remédier à cette situation et d'apporter des réponses.
Or, s'agissant du volume, comme je viens de le dire, ce n'est malheureusement pas le cas. Quant à l'aspect financier, Fret SNCF a perdu, en 2006, 260 millions d'euros. Il affiche donc toujours un déficit extrêmement élevé, qui avait été réduit au cours des années précédentes, mais qui s'est de nouveau creusé l'année dernière ; il est vraisemblable qu'il sera encore présent cette année. L'objectif du plan de redressement n'a donc pas été atteint.
Nous avons débattu du budget des transports pour 2008 voilà huit jours. J'ai dit, à cette occasion, que la loi de finances ne permettrait pas d'améliorer la situation. Il s'agit, en effet, d'un budget de stagnation alors que, à l'évidence, il fallait donner un souffle nouveau.
Cette situation est paradoxale, dans la mesure où l'opinion publique - le Grenelle de l'environnement a été très révélateur de ce point de vue - est très favorable au transport ferroviaire et au report modal de la route vers le rail, qui correspondent à une réalité objective, même s'il ne faut pas en attendre monts et merveilles : le fret ferroviaire permet de faire diminuer le taux de pollution et les nuisances provoquées par le transport routier.
Une telle évolution répond donc à des préoccupations d'ordre écologique et environnemental, mais aussi à une attente des entreprises. En effet, aussi étrange que cela paraisse, les entreprises et les chargeurs sont prêts à faire confiance au fret ferroviaire. Mais entre « être prêt » à faire confiance et « faire » véritablement confiance, il y a une différence !
Enfin, dans d'autres pays d'Europe, le dynamisme du fret ferroviaire s'est renforcé. Ce dynamisme a toujours été présent en Suisse, pour des raisons géographiques, mais c'est également le cas en Grande-Bretagne et en Allemagne, où la situation de la Deutsche Bahn est enviable, même si quelques grèves ont eu lieu récemment.
Au vu de ces données - la réussite du fret ferroviaire à l'étranger, l'attente de l'opinion publique -, pourquoi la France ne réussirait-elle pas ?
Le premier plan de redressement n'ayant pas fonctionné, il fallait s'attendre à en voir apparaître un deuxième, qui vient d'être annoncé. Il paraît, si l'on en croit les responsables de Fret SNCF que nous avons rencontrés, qu'il s'agit non pas d'un plan, mais d'une nouvelle organisation. Or celle-ci, tout comme le premier plan, m'inquiète.
L'idée de fond, déjà dénoncée dans le rapport de MM. Haenel et Gerbaud, est en effet toujours la même. Elle est fondée sur le raisonnement simplificateur suivant : le transport ferroviaire étant pertinent sur des distances de 500 ou 600 kilomètres, il ne saurait fonctionner que sur des flux dits « massifiés », faisant intervenir des trains entiers. Pour le reste, il serait inopérant.
Le deuxième plan reproduit le même schéma. Il réorganise le territoire autour de trois grandes gares de triage, dénommées hubs, par analogie avec le transport aérien : l'une est située dans la région parisienne, la deuxième près de Lyon, et la troisième en Lorraine, c'est-à-dire dans les trois zones essentielles de fret. Il prévoit ensuite une trentaine ou une quarantaine de gares fret, vers lesquelles seraient acheminés -on ne sait pas trop par qui, mais je poserai la question plus tard ! - des wagons isolés, qui seraient ensuite dirigés vers les hubs, afin d'être redistribués.
Les auteurs de cette nouvelle stratégie appellent cela « le haut débit ferroviaire », un système fondé sur celui qui existe en Allemagne et qui est utilisé, notamment, par la Deutsche Bahn. Or, en Allemagne, non seulement le territoire n'est pas le même, mais la massification se fait au départ des ports, ce qui n'est pas le cas en France.