Ainsi, l'essentiel du volume de fret est transporté à partir de Hambourg ou des ports secs de Rotterdam ou d'Anvers, c'est-à-dire à partir de la façade de la Mer du Nord. Ce n'est pas le cas en France, car il n'existe pas de débit ferroviaire à la sortie de Dunkerque, du Havre ou de Marseille. Ou alors, il faudra nous le montrer !
La stratégie consistant à concentrer les flux sur quelques lignes fortes ne fera, selon moi, qu'encourager la concurrence, ce que je ne rejette pas. Il faut être réaliste : la concurrence est déjà présente et elle le sera encore davantage dans l'avenir. Les entreprises concurrentes ont d'ores et déjà gagné, assez rapidement du reste, quelques parts de marché, ce qui tend à prouver que la qualité de Fret SNCF n'est pas au rendez-vous et que l'attente des entreprises peut se manifester par le désir d'aller voir ailleurs.
La concurrence pénètrera d'autant plus facilement le marché que ces lignes de force existeront. Que deviendra alors Fret SNCF ?
Il ne s'agit pas pour moi de défendre à tout prix Fret SNCF ou le fret ferroviaire de manière générale. Je constate simplement que la somme des deux frets est, pour l'instant, toujours en diminution et que nous n'avons pas progressé en la matière.
J'ai eu le sentiment, à un moment donné, que nous avions l'ambition de faire de la SNCF - une entreprise performante dans plusieurs secteurs, comme le transport de voyageurs ou le transport régional, et qui assure, en plus, une activité de fret - un acteur majeur du transport européen. De tels acteurs sont relativement peu nombreux : la Deutsche Bahn en est un et il y avait de la place pour une autre entreprise. Il revenait à la SNCF de se préparer à prendre cette place. Pour l'instant, ce n'est pas le cas ; elle a même tendance, à l'inverse, à « se défiler » sur ce marché.
Je souhaite interroger le Gouvernement sur ce point, car l'entreprise SNCF n'est pas responsable de tout. Elle fait ce qu'elle peut avec l'environnement, la réglementation européenne, le réseau, le personnel et les moyens financiers dont elle dispose. L'État a un rôle déterminant à jouer, dès lors qu'il est, à la fois, l'actionnaire et le régulateur, le « développeur », selon la formule employée à une époque.
Lors du Grenelle de l'environnement, des propositions assez merveilleuses sont apparues en matière de mobilité et de transport, en particulier s'agissant du fret ferroviaire. Je ne parle pas des 2 000 kilomètres de lignes à grandes vitesse, les LGV, dont je me demande comment on pourra les réaliser d'ici à 2020 !
Comment, par exemple, pourra-t-on augmenter de 25 % la part du fret ferroviaire d'ici à 2012, alors que cette même part vient de perdre 25 % au cours des trois dernières années ? Il faudra se doter d'autres moyens que ceux qui sont prévus dans la loi de finances pour 2008 !
On a proposé la libération de sillons. Or les sillons de bonne qualité sont saturés et l'état actuel du réseau ne permet pas d'en dégager de nouveaux. Il est vrai que le fret ferroviaire exige des sillons propres, de qualité, voire même « dédiés ». Vous connaissez la « coutume » en matière de fret ferroviaire : dès qu'un problème apparaît sur un sillon, on fait passer le train de voyageurs et on « cale » ensuite le train de fret. Il faut en finir avec cette pratique, car les chargeurs attendent une qualité maximale.
Quant aux autoroutes ferroviaires, ne rêvons pas, elles représentent surtout une « niche ». L'une d'elles est actuellement en cours d'expérimentation, et les résultats ne sont pas fabuleux. Dans ces conditions, comment les promouvoir, comme vous souhaitez le faire ?
Je connais bien l'autoroute ferroviaire qui relie le Luxembourg à Perpignan. Elle fonctionne depuis quelques mois et transporte, à ma connaissance, une dizaine de camions par jour. Les chargeurs nous disent que les camions sont faits non pour être transportés sur des trains, mais pour rouler !
En revanche, le transport combiné, qui consiste à transporter des caisses sans roues, me paraît tout à fait utile.
Toutes ces questions sont posées et mises en débat. Personne, ici, ne peut se satisfaire de l'évolution actuelle du fret ferroviaire au regard de l'attente de report modal.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez déclaré au mois de septembre, dans le journal Les Échos, qu'il n'y avait pas de raison pour que la situation du fret ferroviaire ne se redresse pas. Comment l'État jouera-t-il son rôle dans ce redressement ?
En conclusion de leur rapport de février 1993, voilà donc plus de quatre ans, mais les choses n'ont pas progressé depuis, nos collègues Hubert Haenel et François Gerbaud s'interrogeaient : « Alors, le fret ferroviaire peut-il être relancé ? », question à laquelle ils répondaient par une série de « oui » assortis de « si » de toute nature parmi lesquels, je retiens ceux-ci : « Oui ! Si l'État actionnaire, développeur, régulateur, remplit ses missions et si le Parlement l'y incite et y veille. »
C'est dans ce but que j'ai voulu, en posant cette question orale, ouvrir le débat.