directeur de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). - Nous avons peu investi le champ de la psychiatrie des mineurs ces dernières années. Nous avons fortement investi un certain nombre de problématiques sur la question des majeurs au sens large et sur le suicide en particulier. A la demande de la ministre des affaires sociales et de la santé, nous pilotons l'observatoire national du suicide depuis quatre ans. Il y a des sujets à l'interface avec les mineurs, en particulier les adolescents, tout particulièrement le suicide, sur lesquels nous avons mené des travaux. Mais nous ne pouvons pas travailler sur toutes les thématiques en même temps. La mission que vous menez nous oblige à nous poser des questions sur nos futurs travaux. Lorsque nous envisageons nos futurs travaux, nous établissons la liste des différentes données disponibles et de leurs limites. De manière générale, quelles que soient les pathologies, il est de toute façon toujours difficile d'estimer des besoins de soins. Les économistes de la santé ont des difficultés à aborder la question sous le prisme des besoins au motif que dans le domaine de la santé le besoin est toujours infini. Cela vaut d'autant plus pour la santé mentale que le diagnostic est compliqué. Sur des données parfois partielles, on a quelques fois des prévalences qui peuvent être assez variables dans la littérature. Cela étant, il nous paraît tout de même important de ne pas uniquement se pencher sur le recours aux soins mais de s'interroger également sur la prévalence des pathologies. Pour avoir une vision transversale, le facteur d'entrée retenu par les études doit être la personne. C'est ce qu'on appelle les travaux en population générale. Cela est assez compliqué pour les enfants. Nous avons des travaux en cours pour mener une grande enquête sur la santé mentale en population générale dans deux ou trois ans. Cela n'a pas été fait en France depuis quinze ans. Mais cela sera probablement ciblé sur les adultes. Même si on voulait intégrer les adolescents, on se heurterait assez vite à la difficulté liée aux relations avec les parents, à la question de savoir s'ils doivent être informés de tout ce qui figure dans le questionnaire et à toutes les implications que cela peut avoir sur la qualité de l'information obtenue. C'est une question à laquelle la Drees s'est confrontée l'année dernière dans des enquêtes relatives à la périnatalité et une autre en cours sur la santé à l'école des élèves de troisième. Nous avons inclus dans cette dernière un auto-questionnaire avec quelques questions sur les pensées suicidaires, les automutilations, etc.
Le deuxième type d'entrée par laquelle la prise en charge des mineurs peut être évaluée est le recours aux soins, soit par les établissements de santé, soit par la ville et le libéral. De plus en plus, ces données sont chaînées, ce qui permet d'étudier les parcours des personnes, y compris maintenant un peu dans le secteur médico-social. Cependant, les enfants qui consultent en ambulatoire dans un établissement ont un numéro anonymisé qui diffère du numéro qui leur sera attribué lorsqu'ils seront hospitalisés. On sait donc compter les recours aux soins en ambulatoire en établissement mais on ne sait absolument pas d'où viennent les enfants et où ils vont après. Il y a certainement ici des choses qui pourraient évoluer, sachant que l'anonymisation se fait aujourd'hui dans des conditions de sécurité élevées.
L'autre manque dans les données est celui des diagnostics en ville. Lorsqu'on essaie d'évaluer comment se forment les parcours, par exemple le recours au psychiatre en aval du médecin généraliste, on ne sait pas quels sont les diagnostics établis chez les médecins généralistes. Des systèmes d'information plus riches existent maintenant à l'étranger. Nous aurons également accès à ce genre d'outils dans une dizaine d'années lorsque les dossiers médicaux alimenteront des bases de données de recherche. Aujourd'hui, on ne sait pas quel est le motif d'un recours aux soins d'un médecin généraliste, ni pour les adultes, ni pour les enfants. Pour avoir cette information, il faut passer par des enquêtes et des cohortes spécifiques, et donc à des outils lourds et coûteux.