J'ai aujourd'hui une pensée pour ceux qui ont investi dans la méthanisation. En France, 70 % des méthaniseurs sont en cogénération et environ 10 % en injection. Pour cette dernière technologie, les investissements requis sont très importants. J'ai entendu précédemment des propos sur l'évolution de la méthanisation mais, pour ma part, je m'interroge sur les moyens de soutenir les méthaniseurs qui sont déjà installés. Je rejoins ici M. Baroni sur la nécessité d'étudier les revenus que les agriculteurs tirent de l'injection avant de définir une politique sur les méthaniseurs de demain. Je conseille également au rapporteur de recevoir des exploitants allemands, en particulier ceux qui continuent la méthanisation en injection et ceux qui l'ont arrêtée, après des changements de réglementation intervenus dans leur pays.
La Coordination rurale suit de gros projets de méthanisation, surtout en Île-de-France, qui souffrent d'un manque de rentabilité, à la suite de l'évolution du cadre juridique applicable. S'y ajoutent le problème de l'acceptabilité sociale, car l'odeur du digestat pose aussi des difficultés avec les riverains, ainsi que la question des rejets dans l'atmosphère. À terme, on évoque la méthanation, consistant à incorporer de l'hydrogène au CO2 pour faire du CH4, mais cette technique n'est pas encore bien maîtrisée. Si la question d'investissements obligatoires en méthanation devait se poser, la rentabilité des projets s'en trouverait affectée.
Protégeons les méthaniseurs en activité, qui craignent de ne pas pouvoir rembourser leurs emprunts avec le chiffre d'affaires généré par le gaz ! En Seine-et-Marne, certains méthaniseurs ont investi 6 à 7 millions d'euros et il est indispensable de les « épauler ». Par ailleurs, la méthanisation joue un rôle sur le prix des terres. Un méthaniseur de 250 kWh nécessite environ 600 hectares. En l'absence de regroupement, les agriculteurs vont chercher de la surface agricole et paient les terres entre 15 000 à 20 000 euros par hectare, en versant 5 000 euros aux cédants et en mettant les 15 000 euros restant dans le méthaniseur, assortis de 5 % de rémunération, tout en s'endettant auprès de leur banquier. La Coordination rurale appelle à soutenir ceux qui ont beaucoup investi, afin éviter des faillites et des suicides.
Les cultures de maïs présentent également un impact sur l'apport de matière sèche aux méthaniseurs, tandis que les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) nécessitent un arrosage. Si l'irrigation était remise en cause demain dans l'alimentation des méthaniseurs, elle doit se limiter aux futurs méthaniseurs et épargner ceux qui sont déjà en fonctionnement.
Pour les futurs méthaniseurs, il faut prendre le temps d'étudier l'action du digestat dans les sols. Le carbone du digestat, qui revient dans les sols, c'est du charbon. Il n'y a donc aucun intérêt à utiliser le digestat dans les sols, sauf pour assurer leur équilibre minéral. Le digestat minéral va remplacer la plante extraite du sol. Si celle-ci était restée dans le sol, elle aurait été dégradée par les micro-organismes et le carbone serait toujours dans le sol. La méthanation permet de récupérer le carbone pour produire du CH4 mais il présente un impact sur la fertilité des sols. J'invite la mission d'information du Sénat à entendre des agronomes pour approfondir cette question.
L'ancien ministre de l'agriculture, M. Séphane Le Foll, avait défendu l'objectif d'accroître de 0,4 % par an la séquestration du carbone dans les sols, afin d'arrêter la tendance à l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère, mais la méthanisation retarde l'atteinte de cet objectif. Certains observateurs estiment que les racines vont compenser le carbone issu de la méthanisation, mais ils oublient que si vous n'irriguez pas vos CIVEs, vous n'aurez pas de racines dans les sols. Il est important que toutes ces questions soient débattues et de ne pas mettre les agriculteurs devant le fait accompli. On entend dire qu'un méthaniseur dégagerait un chiffre d'affaires de 7 000 euros par jour, soit 210 000 euros par mois : si l'interdiction de l'irrigation ne permet plus de l'alimenter, la perte sera colossale pour les exploitants.
Il faut donc sauver ceux qui ont investi dans la méthanisation en injection ! Les responsables politiques doivent prendre conscience des difficultés auxquelles ils sont confrontés, au niveau de l'eau, du soufre et du CO2. Gaz Réseau Distribution France (GRDF) est un partenaire exigeant pour les agriculteurs : avant de l'accepter dans le réseau, le gaz issu de la méthanisation est analysé. S'il ne respecte pas les normes, il est brûlé par l'exploitant et le méthane est perdu. L'agriculteur est seul responsable de la qualité de son gaz.