Intervention de Francis Grignon

Réunion du 12 décembre 2007 à 15h00
Avenir du fret ferroviaire — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Francis GrignonFrancis Grignon :

Entendons-nous bien : je suis convaincu que, dans les années à venir, le fret ferroviaire va se développer, amplifiant la tendance déjà observée cette année. En revanche, l'activité fret de la SNCF est pour sa part très fragile, et doit impérativement se redresser pour survivre. C'est là, je crois, la première réponse à apporter à notre collègue Daniel Reiner lorsqu'il s'interroge sur l'avenir du fret ferroviaire : oui, le fret ferroviaire a un avenir, et j'oserais même dire un bel avenir, mais le fret ferroviaire doit être moderne et compétitif pour recueillir tous les fruits de ce potentiel !

Naturellement, j'ai bien perçu, derrière l'interrogation de notre collègue sur le fret ferroviaire en général, une question relative à la situation du fret SNCF en particulier. De ce point de vue, j'ai relevé deux éléments encourageants : en premier lieu, le contexte général particulièrement propice au fret ferroviaire, au niveau tant national qu'européen ; en second lieu, la réorganisation de l'activité fret engagée par l'équipe dirigeante de la SNCF, qui semble devoir commencer à porter ses fruits.

Naturellement, il subsiste la question de la réorganisation de l'entreprise autour du concept de haut débit ferroviaire, avec à la clef la suppression de certains des points de collecte des wagons isolés. Je comprends la préoccupation des élus locaux qui redoutent la disparition de la desserte de leur ville par le fret ferroviaire. Toutefois, si cette réorganisation permet effectivement de réaffecter des moyens au développement de trafics plus denses, l'essentiel aura été atteint, à savoir l'augmentation de la part du ferroviaire dans le transport de marchandises.

Ces éléments positifs, qui se traduisent par des résultats meilleurs que prévus pour l'activité fret de la SNCF au premier semestre 2007, ne doivent pas faire oublier l'incidence très grave qu'auront les grèves d'octobre et de novembre sur le résultat du deuxième semestre. Alors que la SNCF était partie pour améliorer sensiblement le résultat du fret en 2007, elle risque d'avoir des difficultés à tout simplement le stabiliser. En outre, au-delà de la perte d'activité, ces mouvements ont dégradé l'image de l'opérateur auprès des entreprises clientes, qui auront sans doute à l'avenir d'autant plus de réticences à s'en remettre à ce mode de transport pour assurer leurs échanges.

Mes chers collègues, après ces éléments d'analyse sur la situation actuelle du fret ferroviaire, je voudrais également réfléchir avec vous à ce qu'il conviendrait de faire pour assurer son avenir. En effet, la compétitivité du fret dépendra non seulement de la capacité des opérateurs à disposer de matériels modernes et de personnels réactifs, mais aussi de la présence d'une infrastructure de qualité, avec des sillons attractifs pour les clients.

La qualité de l'infrastructure, c'est tout d'abord des voies ferrées en bon état. La situation du réseau est connue, nous l'avons du reste évoquée la semaine dernière dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances. Je voudrais simplement rappeler que les améliorations doivent être faites même lorsqu'elles ne sont pas visibles par le grand public. Il en va ainsi de la modernisation des systèmes d'aiguillages ou de la réalisation des contournements ferroviaires des grandes agglomérations, particulièrement ceux de Nîmes, Montpellier, Paris et Lyon.

Parallèlement, la collectivité nationale doit également tirer toutes les conséquences de sa volonté de développer le trafic de fret ferroviaire. Ayons le courage de le dire : il faudra parfois faire des choix entre le fret et d'autres investissements, par exemple le développement ininterrompu des lignes à grande vitesse. De la même façon, nous savons tous ici que le fret est en concurrence avec le transport de voyageurs pour les sillons.

Il convient donc de défendre les sillons dont le fret a besoin pour survivre et je voudrais profiter de notre débat pour en donner quelques exemples.

Le premier concerne la réalisation de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, qui va libérer des sillons sur la voie conventionnelle utilisée jusqu'alors. L'opportunité de réserver ces sillons au trafic de fret devrait être examinée très sérieusement.

Le second exemple, plus décisif encore, concerne la tentation qui existe chez certains élus locaux de récupérer des sillons de la voie dédiée au fret sur la rive droite du Rhône pour faire passer des trains de voyageurs. Soyons clairs, une telle évolution aurait des conséquences dramatiques pour le fret. Naturellement, je comprends les efforts déployés par les élus locaux pour améliorer le transport de leurs administrés, mais il faut aussi conserver à l'esprit les exigences de l'intérêt national qui commande, en l'espèce, de développer le transport de marchandises par voie ferrée.

Pour conclure sur ce thème, je répondrai à notre collègue Daniel Reiner que l'avenir du fret ferroviaire ne dépend pas tant de la somme d'argent que l'État est prêt à y injecter que de la capacité de notre société à changer de regard sur le fret ferroviaire : elle doit réellement reconnaître son importance et, surtout, en tirer toutes les conséquences pratiques. Si cette évolution des mentalités a bien lieu, le soutien accru de l'État que vous appelez de vos voeux s'intégrera tout naturellement dans un mouvement plus large. En revanche, si les collectivités locales ne sont pas prêtes à intégrer les exigences globales de l'existence d'un réseau de fret ferroviaire actif, et si les personnels de l'opérateur historique ne sont pas convaincus de la nécessité de faire évoluer les modes de production de l'entreprise pour gagner en compétitivité, aucune intervention de l'État, quelle que soit son importance, ne suffira à sauver le fret ferroviaire.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, recueillir votre avis sur cette autre appréciation de la problématique du fret ferroviaire dans notre pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion