Intervention de Hubert Haenel

Réunion du 12 décembre 2007 à 15h00
Avenir du fret ferroviaire — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Hubert HaenelHubert Haenel :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon absence au début de ce débat. J'étais en effet retenu par mes fonctions de président de la délégation pour l'Union européenne.

Cher collègue Daniel Reiner, je vous remercie d'avoir, une nouvelle fois, fait inscrire à l'ordre du jour de nos travaux la question de l'avenir du fret ferroviaire. Le 26 janvier 2005, vous aviez déjà été à l'origine d'un débat sur ce sujet, au cours duquel notre collègue François Gerbaud était intervenu dans le prolongement du rapport que nous vous avions remis, monsieur le secrétaire d'État, sur le fret ferroviaire français, et que nous avions alors intitulé La nouvelle bataille du rail. Ce débat de 2005 faisait lui-même suite à un autre débat, en date du 29 mars 2001, sur le fret ferroviaire et la politique des transports, au cours duquel j'étais intervenu en tant que président de la délégation pour l'Union européenne pour constater, à l'époque, que la situation des transports en Europe était critique, quels que soient les modes concernés.

Aujourd'hui, beaucoup de choses ont évolué et de très nettes améliorations sont intervenues, notamment dans les domaines du transport de voyageurs - je pense particulièrement au TER -, de la qualité du service public et de l'ouverture des marchés. Nous devons nous en réjouir !

Pourtant, l'avenir du fret ferroviaire, et plus particulièrement celui du fret ferroviaire SNCF, demeure hypothétique, le constat que nous faisions en 2003 restant toujours, à bien des égards, d'actualité. Les causes de cette situation sont connues : réduction d'activité de l'industrie lourde ; accroissement de la « volatilité » des marchandises transportées et du fractionnement des lots de marchandises ; passage à un mode logistique de plus en plus complexe ; segmentation du secteur entre les autoroutes ferroviaires, le transport combiné et le transport conventionnel par trains complets ou par wagons isolés.

Nombreux sont ceux qui plaident, depuis longtemps, pour une stratégie de rupture. Dans notre rapport de 2003, nous formulions avec François Gerbaud plusieurs propositions mais, je le regrette, elles sont loin d'avoir trouvé leur traduction concrète.

Certes, de lourds moyens financiers, humains et techniques ont été mobilisés par la SNCF pour inverser cette tendance. Je citerai seulement deux mesures : d'une part, le plan « Fret 2006 » qui, en novembre 2003, fixait comme objectif un équilibre pour le fret à l'horizon 2006, mais nous sommes loin du compte ; d'autre part, l'aide exceptionnelle accordée par Bruxelles en 2004, d'un montant global, tout de même, de 1, 5 milliard d'euros.

Ces mesures n'ont toutefois pas enrayé la chute, oserais-je dire « inexorable », du fret ferroviaire SNCF, alors même que le ministre des transports Gilles de Robien déclarait dans Les Échos, en mars 2005, que le plan d'aides consenti à Fret SNCF était celui de la dernière chance. En effet, entre 2000 et 2006, la part modale du fret ferroviaire est passée de 17, 4 % à 11, 5 %, les volumes transportés diminuant, en l'espace de six ans, de 55 milliards à environ 40 milliards de tonnes-kilomètre. Cette chute, en six ans, n'est pas seulement inquiétante ; elle est dramatique !

Ce rappel historique nous oblige à nous demander aujourd'hui quel est l'avenir du fret ferroviaire et dans quelles conditions il est raisonnable d'envisager une reconquête par la SNCF de son activité de fret.

Comme notre collègue Francis Grignon le soulignait précédemment, le paysage du fret ferroviaire a connu des évolutions qui montrent que ce mode de transport a un réel, et même un bel avenir, mais sous certaines conditions.

Le fret a d'abord un avenir écologique, qui ne lui a jamais été contesté mais que le présent gouvernement a décidé de placer au premier plan de ses préoccupations. Son bilan carbone est, en effet, extrêmement positif, avec une consommation par tonne-kilomètre transportée de 6 grammes pour un train entier et de 10 grammes pour un train assemblant des wagons isolés sur les liaisons plus massifiées, contre 133 grammes pour la moyenne des poids lourds et 1 200 grammes pour un avion-cargo.

Les premières propositions du Grenelle de l'environnement sont claires, et nous les reprenons à notre compte. Il s'agit de libérer des sillons au profit du fret, de mettre en place une autorité de régulation, de promouvoir le transport combiné et de créer des autoroutes ferroviaires, sur le modèle de la liaison Perpignan-Bettembourg, qui marque le début de ce processus.

Dans cette perspective, le Président de la République a fixé un ambitieux objectif de croissance de 25 % de la part de marché des modes non routiers de transport de marchandises, d'ici à 2012 ; de même, il a proposé de construire 2 000 kilomètres de lignes nouvelles de TGV, les voies ferroviaires dégagées étant affectées au fret.

Ainsi, lorsque le premier tronçon du TGV Rhin-Rhône sera achevé, nous disposerons le long du Doubs d'une voie ferrée qui pourra faire circuler bien plus de trains de fret qu'il n'en passe aujourd'hui.

Parallèlement, le fret ferroviaire a un avenir économique - la prochaine taxe sur les poids lourds devrait conforter sa compétitivité - mais également un avenir à l'échelle européenne, grâce au plan d'action destiné à augmenter l'interopérabilité des modes de transport et à simplifier la vie administrative des entreprises de logistique qu'a présenté, en octobre dernier, le commissaire européen aux transports, Jacques Barrot.

Enfin, le fret a un avenir du fait même de l'ouverture à la concurrence du marché de transport de marchandises, depuis le 1er avril 2006, et de l'arrivée de nouveaux entrants, qui suscite un effet d'entraînement et stimule la croissance du fret ferroviaire en général.

Par conséquent, monsieur le secrétaire d'État, nous apportons notre entier soutien au Gouvernement, qui a la ferme volonté de dynamiser à court terme le transport ferroviaire de fret.

Une véritable réforme se prépare, me semble-t-il, qui doit permettre d'améliorer l'efficacité du fret ferroviaire, de favoriser l'ouverture à la concurrence et de garantir le bon fonctionnement du système ferroviaire dans son ensemble.

Nous serons attentifs aux précisions que vous nous apporterez sur la manière dont vous comptez atteindre ces ambitieux objectifs, en particulier en termes de financements, d'organisation ferroviaire et d'infrastructures. À ce titre, il serait judicieux d'élaborer un programme détaillé des investissements nécessaires à l'échelon tant national qu'européen.

En 2003, François Gerbaud et moi-même suggérions, notamment, le lancement d'un grand emprunt garanti par l'Union européenne, mais personne ne nous a jamais indiqué si cette piste était bonne ou mauvaise, et elle n'a jamais été étudiée, ce qui est dommage.

Dans ce nouveau contexte général, comment se porte le fret ferroviaire de la SNCF, en particulier ? Ne nous cachons pas la vérité. Cette activité connaît une situation très critique et enregistre des résultats déficitaires depuis une décennie, malgré la multiplication des plans, aides exceptionnelles et mesures de redressement. Ainsi, Fret SNCF a perdu en 2006 quelque 260 millions d'euros !

Certes, les premiers mois de l'année 2007 ont marqué un net frémissement : à la fin mai, Fret SNCF enregistrait une augmentation de trafic de 4 % par rapport à 2006, ce qui mérite d'être souligné, et le transport combiné progressait de plus de 15 %.

Malheureusement, les grèves de novembre ont eu raison de cette amélioration ; elles auraient coûté entre 80 millions d'euros et 90 millions d'euros à Fret SNCF et elles ont compromis les prémices de redressement que j'évoquais. Le résultat du chiffre d'affaires de l'année devrait donc être en légère baisse.

Nous savons que la direction de la SNCF a aujourd'hui la ferme volonté de sauver ce qui peut encore être sauvé et de faire de Fret SNCF un acteur européen à part entière. Car tel est bien le défi auquel nous sommes confrontés : la SNCF doit rester, sinon la première ou la deuxième entreprise de fret ferroviaire d'Europe, du moins l'une des plus grandes du continent, et son activité a vocation à dépasser largement les frontières de l'Hexagone.

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