Intervention de Valérie Boyer

Réunion du 14 mars 2023 à 14h30
Compétences de la collectivité de saint-barthélemy — Adoption d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Valérie BoyerValérie Boyer :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chère Micheline Jacques, la proposition de loi organique que nous examinons aujourd’hui entend répondre à un problème qui mérite toute notre attention : les inacceptables difficultés que rencontrent au quotidien nos compatriotes de Saint-Barthélemy dans l’accès à une offre de soins complète et adaptée aux particularités de leur insularité.

L’île de Saint-Barthélemy, située à 25 kilomètres au sud-est de Saint-Martin, 230 kilomètres du nord-ouest de la Guadeloupe « continentale » et 6 500 kilomètres de Paris, est très dépendante des territoires voisins de Saint-Martin et de la Guadeloupe pour la prise en charge des cas graves ou complexes.

Le problème est pourtant connu de longue date. Les élus locaux, et particulièrement les sénateurs de Saint-Barthélemy – je pense à notre ancien collègue Michel Magras, qui a été cité, et à Micheline Jacques, qui lui a succédé –, ont régulièrement alerté sur le manque d’adaptation des règles nationales aux réalités locales et sur la dégradation de l’offre soins préjudiciable aux habitants de l’île.

Lors des auditions que j’ai menées avec Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, nous avons pu constater que les difficultés rencontrées par les habitants et les personnels soignants persistaient aujourd’hui encore et étaient de quatre ordres.

Premièrement, certaines prestations et certains actes pourtant indispensables pour le fonctionnement quotidien d’un hôpital ne sont aujourd’hui pas réalisés sur l’île ; je pense en particulier au dépôt de sang.

Deuxièmement, les services de soins font face à des difficultés techniques et opérationnelles qui nuisent à la prise en charge optimale des assurés de Saint-Barthélemy. Ainsi, faute d’éclairage des pistes des aérodromes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, les évacuations sanitaires ne peuvent pas avoir lieu la nuit.

Troisièmement, des obstacles réglementaires empêchent la pleine adaptation de l’offre de soins au territoire, malgré les demandes répétées des élus et des acteurs locaux de la santé. En effet, en application d’une disposition réglementaire nationale, la pharmacie de l’hôpital Irénée de Bruyn ne peut être gérée aujourd’hui que par un pharmacien universitaire, alors que l’établissement ne dispose que de dix lits… Faute d’adaptation de cette règle aux réalités locales, l’activité de la pharmacie hospitalière est aujourd’hui menacée.

Quatrièmement, les services de soins peinent aujourd’hui à fidéliser les praticiens hospitaliers sur le territoire, en raison, d’une part, des contraintes d’exercice sur celui-ci, d’autre part, du coût exorbitant des logements pour ces personnels. Ce point a été évoqué par Micheline Jacques.

La proposition de loi organique apporte une première solution pragmatique et équilibrée à cet ensemble de difficultés en prévoyant de confier à la collectivité de Saint-Barthélemy un pouvoir de proposition dans les domaines de l’assurance maladie et du financement des établissements et services de santé qui relèvent de la compétence de l’État.

Reposant sur une approche « ascendante », que je sais chère à notre assemblée, ce texte atteint un point d’équilibre satisfaisant entre l’exigence d’adaptation, trop longtemps attendue, des normes aux réalités locales et la nécessité de conserver un cadre garant des grands principes de la sécurité sociale sur l’ensemble du territoire national.

Lors de son examen en commission des lois, nous avons retravaillé la proposition de loi organique, afin de recourir à l’expérimentation pour cette modification, certes limitée, mais novatrice, du partage des compétences en matière de santé entre l’État et la collectivité de Saint-Barthélemy.

D’une durée de cinq ans, une telle expérimentation permettra de mesurer les effets de ces dispositions et de les évaluer avant d’en envisager la pérennisation. Les outils doivent être pleinement mobilisés tant ils permettent une réelle différenciation des normes, particulièrement pour des territoires comme les outre-mer qui doivent trouver, dans notre cadre juridique, les moyens concrets d’une adaptation des normes nationales à leurs réalités si spécifiques.

Aussi, il importe que la collectivité puisse disposer de nouvelles procédures organiques pour renforcer la prise en compte par l’État des spécificités de l’île sans pour autant battre en brèche le principe d’une compétence étatique en la matière. C’est pourquoi nous avons, à l’occasion du travail en commission, souhaité renforcer les garanties applicables en la matière aux initiatives qui seraient prises par la collectivité.

À ce stade de mon propos, je me dois néanmoins, mes chers collègues, d’être franche : si cette proposition de loi marque une première avancée salutaire, elle ne pourra pas régler à elle seule l’ensemble des difficultés rencontrées sur l’île en matière d’offre de soins.

Je déplore malheureusement l’inertie de l’État sur ce sujet particulier. À titre d’exemple, à la suite de l’expérimentation concluante visant à accorder aux directeurs généraux d’agences régionales de santé (ARS) un pouvoir de dérogation pour adapter certaines normes aux réalités locales de leur territoire lancée en 2017, le Gouvernement s’est engagé au mois de novembre 2021 à la pérenniser en généralisant ces dispositions à l’ensemble du territoire national.

Comment expliquer que le Gouvernement n’ait toujours pas pris le décret qui avait été pourtant annoncé, alors même que l’ensemble des élus et des acteurs locaux de la santé auditionnés en ont souligné l’importance pour améliorer l’offre de soins de Saint-Barthélemy et ont insisté sur leur souhait de s’en saisir sans plus attendre ?

Madame la ministre, l’État doit se montrer à la hauteur des enjeux et jouer pleinement le rôle qui lui incombe en la matière : vous pouvez compter sur notre vigilance. J’espère qu’une date de parution du décret nous sera donnée.

Pour finir, et c’est un point sur lequel je souhaite insister tout particulièrement, nous avons dû mener nos travaux sans disposer, d’une part, des conclusions d’un rapport demandé par le Parlement voilà plus d’un an sur l’organisation du système de santé et de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy, d’autre part, des chiffres de la consommation de soins par les assurés de Saint-Barthélemy, que le Gouvernement s’obstine à ne pas publier.

Cela n’est ni compréhensible ni acceptable par les législateurs que nous sommes, et illustre le peu de considération porté par le Gouvernement à notre endroit. Lorsque nous demandons des chiffres, la moindre des choses serait de nous les donner ! Sinon, comment pouvons-nous jouer notre rôle ?

Indépendamment de ces remarques de méthode, la présente proposition de loi est nécessaire. Je souhaite remercier Micheline Jacques, auteur de la proposition de loi, et Alain Milon, rapporteur pour avis, avec qui j’ai eu le plaisir de travailler, comme nous l’avions déjà fait par le passé.

Cette proposition de loi, qui a été négociée, est équilibrée et consensuelle. Elle me semble à même d’emporter, sur un sujet d’une particulière importance, une large adhésion aujourd’hui. J’espère que le Gouvernement accompagnera favorablement et soutiendra ce texte, imaginé et rédigé, après consultations, par notre collègue Micheline Jacques pour le territoire ultramarin de Saint-Barthélemy.

J’ai confiance, mes chers collègues, dans le fait que ce texte équilibré recueillera votre assentiment.

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