Intervention de Alain Milon

Réunion du 14 mars 2023 à 14h30
Compétences de la collectivité de saint-barthélemy — Adoption d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Saint-Barthélemy n’est pas ce que l’on désigne parfois sous la dénomination un peu malheureuse de « désert médical ». Néanmoins, des lacunes persistantes ont été identifiées en matière de santé.

Ainsi, certaines spécialités médicales ne sont pas représentées sur l’île – je pense à la cardiologie – ou sont d’un accès limité. Surtout, l’offre hospitalière est fragile, puisque l’hôpital, qui compte dix lits de médecine de courte durée et qui est le seul établissement de santé de l’île, peine à pourvoir les postes ouverts et à recruter, notamment des urgentistes, en nombre suffisant. D’ailleurs, c’est malheureusement le cas un peu partout en ce moment.

C’est au demeurant l’une des préoccupations de notre collègue auteure du texte, qui alerte sur les ruptures dans la continuité des soins. L’attractivité médicale est, comme ailleurs en France, une préoccupation majeure, alors que le coût des logements sur l’île est assurément incompatible avec les rémunérations proposées ou les moyens de l’hôpital.

Au-delà de l’offre présente, c’est bien davantage l’offre manquante sur laquelle les élus ont régulièrement interpellé le Gouvernement. Ils continuent de le faire aujourd’hui.

Alors que le territoire est dépendant de Saint-Martin et de la Guadeloupe pour la prise en charge des patients dans les cas les plus graves, et particulièrement les urgences, les évacuations sanitaires, les fameuses Evasan, cristallisent pour partie des revendications maintenant anciennes. Ces évacuations, au nombre de 183 en 2022, doivent se faire par voie aérienne et sont parfois compromises. Les pistes des aéroports de Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont impossibles à utiliser de nuit, et l’envoi d’un hélicoptère de la Guadeloupe réduit les moyens de celle-ci pendant plusieurs heures. Une étude est annoncée sur la question, mais le problème est identifié depuis vingt ans…

Ces différentes questions, à l’instar d’autres problématiques d’inadaptation du droit commun à la configuration de l’île de Saint-Barthélemy, tardent à trouver des réponses. Je pense ici à la prise en charge des Evasan au regard des lignes régulières disponibles, mais aussi, par exemple, à la question du dépôt de sang sur le territoire, que Valérie Boyer a évoquée. Ces problèmes pourraient pour partie trouver une solution grâce aux services de l’État. Ainsi, un décret en Conseil d’État a été maintes fois évoqué, mais n’a toujours pas été publié.

Je rappelle que la commission des affaires sociales avait, à la suite de la mission à Mayotte en 2022, appelé à donner aux directeurs généraux d’agences régionales de santé outre-mer des pouvoirs de dérogations accrus pour adapter le droit aux réalités ultramarines. Encore faut-il que les textes réglementaires suivent et répondent aux demandes des services sur place.

Or on constate trop souvent une inertie des gouvernements pour apporter des solutions concrètes aux problèmes posés par l’insularité ou l’éloignement de ces territoires. À titre d’exemple, le rapport prévu par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, sur l’organisation des soins outre-mer, en particulier à Saint-Barthélemy, n’a pas été produit à ce jour, soit plus de six mois après l’échéance prévue !

La proposition de notre collègue Micheline Jacques est présentée comme un moyen d’apporter des solutions à des problèmes structurels qui appellent des réponses urgentes et durables. Par cette participation à une compétence de l’État, il est ainsi organisé ce que nous pourrions qualifier de « droit de proposition » formel de la collectivité à l’adresse de l’État, en laissant à ce dernier la pleine compétence.

J’insiste sur ce point, auquel la commission des affaires sociales est très attachée : la santé et la sécurité sociale demeurent et doivent demeurer des compétences de l’État. Il n’y a ici aucun transfert ou partage proposé. J’ai d’ailleurs insisté en commission sur le fait que de telles revendications ne sauraient être recevables au motif que certains territoires seraient hypothétiquement des « contributeurs nets » de la sécurité sociale. S’il est nécessaire que les territoires puissent intervenir et proposer des adaptations locales au droit commun, c’est à l’État d’assumer ses responsabilités.

Pour une île comme Saint-Barthélemy, un tel principe est d’autant plus fondamental que l’offre de soins ne peut se concevoir qu’en cohérence avec celle qui est disponible à Saint-Martin ou en Guadeloupe, où – je le rappelle – un nouveau centre hospitalier universitaire (CHU) est en construction.

C’est en ayant à cœur d’accompagner l’amélioration nécessaire du système de santé de Saint-Barthélemy par la garantie de la cohérence de l’offre de soins à l’échelle régionale et la continuité de la prise en charge des patients que la commission des affaires sociales et la commission des lois vous invitent, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi, sous réserve d’une transformation du dispositif envisagé en une expérimentation.

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