Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée examine cet après-midi une proposition de loi visant à permettre à la collectivité d’outre-mer de Saint-Barthélemy de participer à l’exercice de compétences de l’État.
Votre chambre est bel et bien la représentante et le porte-voix, si vous me permettez cette expression, de tous les territoires dans leur diversité. Le débat qui nous occupe aujourd’hui y a donc toute sa pertinence. Il permettra, je l’espère, de lever les incompréhensions qui pourraient persister et d’apporter des réponses aux interrogations soulevées. C’est en tout cas ma volonté et celle du Gouvernement.
Cette initiative sénatoriale s’inscrit, parmi les travaux de la Haute Assemblée, dans une histoire : celle d’une préoccupation légitime des parlementaires que vous êtes face aux difficultés et inquiétudes de nos compatriotes ultramarins. C’est toute l’action de Michel Magras qui se poursuit. Cette proposition de loi de la sénatrice Micheline Jacques en est l’illustration.
Avant d’en venir au texte, j’aimerais aborder plusieurs points qui ont été évoqués lors des débats en commission.
Vous avez regretté le manque d’adaptation des règles nationales aux réalités locales et une dégradation de l’offre de soins. Au-delà, votre commission a déploré un engagement financier insuffisant de l’État et la persistance de difficultés rencontrées par les habitants et les personnels soignants.
Je souhaiterais attirer l’attention de votre assemblée sur plusieurs points.
Le rapport de la commission souligne les difficultés des services de soins en matière d’évacuations sanitaires, faute d’éclairage des pistes des aérodromes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, ce qui entraînerait une perte de chance pour les patients.
Je puis d’ores et déjà vous dire que l’aéroport de Saint-Martin Grand-Case est en train d’être équipé sous l’égide du préfet pour permettre des atterrissages de nuit dans le courant de 2023.
Par ailleurs, une étude en cours vise à examiner les possibilités de recours à un hélicoptère pour assurer les trajets entre les deux îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin et améliorer le marché des Evasan actuellement en vigueur. Les conclusions en seront connues au mois de mai prochain, ce qui permettra d’avancer avec l’ensemble des acteurs concernés et de résoudre cette difficulté réelle que vous évoquez.
A également été soulignée la difficulté de réaliser certaines prestations et certains actes, comme le dépôt de sang, alors qu’ils sont indispensables au travail quotidien des personnels soignants et à la qualité des soins.
Face à ces problèmes du quotidien rencontrés par nos concitoyens, il nous faut trouver des solutions concrètes et apporter de la souplesse.
La parution d’un décret en Conseil d’État permettra l’adaptation des modalités de fonctionnement de l’offre de soins aux spécificités locales grâce au futur pouvoir de dérogation du directeur général de l’ARS.
C’est également dans ce cadre que certains obstacles réglementaires auxquels vous avez fait référence, comme la pharmacie à usage intérieur du CHU de Bruyn ou le fonctionnement des urgences sur l’île, pourront être levés.
Je m’inscris en faux contre le supposé manque de considération du Gouvernement s’agissant de la situation de l’île. Il faut le rappeler, face à la tragédie qu’a constituée l’ouragan Irma en 2017, la collectivité de Saint-Barthélemy et celle de Saint-Martin ont pleinement bénéficié de la solidarité de l’État et de la sécurité sociale. L’enveloppe globale consacrée au soutien face aux conséquences de l’ouragan a représenté près de 500 millions d’euros pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy, soit 11 000 euros par habitant.
En outre, l’État a soutenu les entreprises en facilitant le déclenchement du dispositif d’activité partielle et en proposant un moratoire sur les charges sociales patronales. Lors de la crise du covid, il a également pris toute sa part dans le soutien aux entreprises du territoire, versant près de 1, 4 million d’euros d’aides au paiement des cotisations.
Vous le voyez, face à aux difficultés, l’État est au rendez-vous et – je peux vous l’assurer, madame la rapporteure – compte continuer en ce sens.
Je veux également revenir sur la situation globale de l’offre de soins à Saint-Barthélemy et évoquer les supposés excédents des comptes de la caisse de prévoyance sociale locale, comme le laisse entendre l’exposé des motifs de cette proposition de loi.
Il faut le rappeler, les flux de cotisations et de prestations versés sont centralisés au niveau des caisses nationales de sécurité sociale, en particulier de l’Urssaf Caisse nationale (ex-Acoss) et de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), puisque le principe de solidarité s’applique. Il n’existe donc pas d’autonomie financière des caisses locales, celles-ci ne pouvant pas décider librement de l’allocation de leurs recettes tirées des cotisations.
La CCMSA du Poitou retrace dans un outil spécifique les recettes et les dépenses relatives à sa gestion de la sécurité sociale pour Saint-Barthélemy. La CPS de l’île elle-même n’indique pas toutes les dépenses de santé ; celles des établissements sociaux et médico-sociaux ou certains types d’aides apportées aux professionnels de santé échappent en particulier à son champ de compétence. Ainsi, le financement du centre hospitalier de Bruyn et des Evasan, qui s’élève à 8, 5 millions d’euros, est presque entièrement abondé au travers de dotations de l’ARS. De même, la CPS ne prend pas en charge toutes les recettes, car elle ne gère pas tous les cotisants de l’île en raison de la complexité de certains dispositifs. En outre, ses dépenses de gestion et d’autres, comme celles qui sont liées aux échanges de données, ne sont pas prises en compte.
Permettez-moi d’illustrer mon propos par quelques chiffres.
Le montant des prestations concernant la branche maladie versées à Saint-Barthélemy s’élève en 2021 à 18, 15 millions d’euros. Dans le même temps, les cotisations maladie et la contribution sociale généralisée (CSG) dues avoisinent les 19 millions d’euros. Ce dernier chiffre est à mettre en regard avec les dettes de cotisations restées impayées auprès de la caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de Guadeloupe, qui s’élèvent à 66 millions d’euros. Cette situation budgétaire complexe trouve son explication dans la multiplicité des plans de soutien liés aux différentes crises climatiques et sanitaires auxquelles a été confrontée l’île de Saint-Barthélemy. Loin de moi la volonté d’insister sur ces éléments chiffrés, mais il était nécessaire de rappeler que Saint-Barthélemy a bénéficié et bénéficiera encore, si le besoin s’en faisait sentir, de la plénitude de la solidarité nationale.
Vous évoquez légitimement la remise d’un rapport sur l’organisation du système de santé et de la sécurité sociale sur place. Je peux d’ores et déjà vous annoncer qu’il sera transmis au Parlement d’ici au mois d’avril.