Madame la présidente, mes chers collègues, je vous l’avoue, après avoir entendu les propos de Mme la ministre, qui ont remis en cause tous mes a priori favorables, je suis un peu gêné pour commencer mon discours.
J’ai entendu égrener un ensemble de chiffres impliquant l’inexistence de la différenciation du point de vue de la comptabilité, faute d’autonomie, avec une impossibilité de connaître exactement les résultats au sein des différentes caisses. Toutefois, j’ai également cru comprendre que la branche maladie serait légèrement excédentaire à Saint-Barthélemy : 19 millions d’euros de recettes contre 18 millions de dépenses. Mais il faut ajouter une dette de 70 millions d’euros.
Malgré cette dette, une collectivité, refusant de se défausser, demande pour la première fois, au nom du principe – si j’ose dire – presque sacré de solidarité nationale, à financer à la place de l’État. Et vous refusez, madame la ministre ! C’est assez étonnant.
Pour ma part, j’étais tout à fait satisfait – je ne suis pas le seul ici – de l’excellent travail réalisé par la commission des affaires sociales, qui était saisie pour avis, pour trouver le bon périmètre et les réponses pertinentes. Pourtant, en face, le Gouvernement vient nous assurer qu’il a toujours agi, promettant de mettre en place une liaison par hélicoptère. Voilà vingt ans que je suis parlementaire, dont dix ans comme député de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, et voilà vingt ans que j’entends la même chose !
Cette proposition de loi a l’air de satisfaire tout le monde sauf le Gouvernement, malgré l’excellent travail de la commission. Puisque notre rapporteure a été franche, je le serai aussi. Comme je l’ai précisé à Micheline Jacques, nous connaissions les difficultés posées par le texte, qui a été réécrit, et bien réécrit.
L’idée d’une expérimentation me laisse un peu dubitatif. Comment généraliser ensuite ? La collectivité de Saint-Martin demandera-t-elle à bénéficier de la même chose, surtout après l’expérience de la Polynésie française, qui a dû se tourner vers l’État pour lui faire assurer la gestion de la crise covid, reconnaissant qu’elle n’avait pas les moyens de ses compétences ? Et quid des autres territoires qui bénéficient d’une autonomie, même s’il s’agit d’autonomies à géométrie variable ?
Comment généraliser une expérimentation ayant seulement vocation à rester cantonnée à Saint-Barthélemy ? Envisagez-vous une généralisation dans le temps, par exemple pour cinq ans, afin de voir s’il convient ensuite de pérenniser ou non ? Ce sera déjà une déformation de l’esprit de l’expérimentation. Je suis un peu sceptique.
La commission a fait preuve de prudence. Compte tenu des incertitudes liées au caractère monosectoriel de l’économie concernée, il est difficile de savoir si la collectivité sera capable de dégager des excédents à l’avenir. Saint-Barthélemy souhaite remplir une fonction qui n’est pas la sienne, la santé étant une compétence exclusive, quasi régalienne, de l’État. Elle demande à cofinancer sans partager la responsabilité. Ce serait un pouvoir de proposition et de cofinancement.
Comment atteindre un tel objectif ? La proposition de loi organique a circonscrit les compétences au seul périmètre de l’assurance maladie, dont les comptes sont tout juste équilibrés. La formulation première élargissait les compétences à toute la CPS, une caisse qui porte ce nom tout en étant seulement, disons-le clairement, une CPS croupion. En effet, elle se réduit à un comité de suivi adossé à la CCMSA Poitou et ne tient même pas de comptabilité analytique.
Se pose un problème de compréhension de la loi organique. Nous croyons en la différenciation. C’est ce qu’a rappelé avec quelque ardeur, en lettres de feu, le président Larcher lors de son récent déplacement en Guadeloupe et en Martinique. Et cette différenciation, vous la refusez, madame la ministre.
Pourtant, l’organisation territoriale et des professions de santé relève de votre compétence ! Cela dit, je ne vous cacherai pas que j’ai été étonné de ne pas voir le ministre délégué chargé des outre-mer dans cet hémicycle. Certes, vous le représentez, car cette proposition de loi organique s’inscrit dans le champ de vos compétences. Mais si c’est pour vous entendre dire ce que vous avez dit…
Nous pensons tous, me semble-t-il, que la proposition de loi organique est un bon texte. C’est un texte prudent, qui a été pesé et soupesé, équilibré. Pour être plus franc encore, peut-être les élus de Saint-Barthélemy caressent-ils d’autres projets. Peut-être veulent-ils étendre davantage leurs compétences au niveau des GHT ?
Il n’en demeure pas moins que le texte élaboré par la commission est de nature à faire émerger un consensus solide. De fait, une expérimentation vise bien à observer si une délégation est solide, pertinente et efficace. Or vous récusez tout.
Je ne vois pas ce que vous proposez à la place. Pour avoir réalisé des appels un peu partout, je pense savoir que vous attendez pour vous prononcer la réunion du Ciom, en disant qu’il est urgent d’attendre. Hâtons-nous lentement : festina lente !
La réunion du Ciom était prévue pour le mois d’avril prochain. Créé en 2009, ce comité doit normalement être dirigé par le Président de la République ou, à défaut, par la Première ministre. Attendre la réunion du Ciom pour observer s’il y a consensus sur cette proposition n’apportera rien au texte. Sa formulation est déjà la plus prudente et équilibrée, de nature à rassurer l’État.
Par ailleurs, ce texte aura peut-être vocation à essaimer, à imprégner et à imprimer, inspirant d’autres territoires, mais pas dans le sens que vous imaginez.
J’attendais une vraie réponse de l’État. Au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je vous indique que nous voterons en faveur de cette proposition de loi, parce que nous estimons qu’elle est fondée, pertinente, bien écrite, prudente et qu’elle répond aux besoins urgents de Saint-Barthélemy.