Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 12 décembre 2007 à 15h00
Avenir du fret ferroviaire — Discussion d'une question orale avec débat

Dominique Bussereau, secrétaire d'État :

Le défi est d'importance ; il est historique, au plein sens du terme. Pour le relever, il faut une SNCF qui fonctionne bien et des opérateurs de fret nationaux et de proximité fiables et compétitifs.

La SNCF, tout d'abord, est l'opérateur historique et l'entreprise la plus importante. Ses difficultés ne sont pas nouvelles : comme M. Reiner l'a rappelé, c'est pendant l'année 1974 que, pour la dernière fois, plus de la moitié des marchandises ont été transportées par le train.

Une série de plans de redressement se sont succédé. Voilà quelques années, j'ai eu l'occasion de défendre auprès de la commissaire européenne Loyola de Palacio, qui, malheureusement nous a quittés depuis lors, le plan Véron, destiné à restaurer l'équilibre de l'activité de fret ; approuvées, non sans difficulté, par la Commission européenne, ses dispositions furent financées pour moitié par l'État et par la SNCF.

Ce plan a permis, certes, de commencer à renouveler le parc de locomotives, qui sont pour partie des diesels, et de supprimer certains foyers de pertes. Toutefois, après deux années de redressement, Fret SNCF a décroché de nouveau en 2006, avec un résultat courant qui affichait un déficit de 260 millions d'euros.

Les nouvelles directions de la SNCF et de Fret SNCF ont alors élaboré un nouveau programme, qui visait des objectifs ambitieux : restaurer la qualité de service, industrialiser l'outil de production, en concentrant les efforts sur la productivité et en affectant spécialement au fret tous les personnels concourant à l'activité, y compris les agents de conduite, rechercher un schéma de production adapté, selon le fameux système du « haut débit ferroviaire », qui offre des trafics massifiés, réaliser l'intégration industrielle de l'activité de fret, en mettant en place un management spécifique et des filiales, selon une logique de branche, enfin susciter des gains de productivité de 20 % à 30 % d'ici à 2010, notamment en redéployant les effectifs.

Je le rappelle, au nombre des négociations sociales en cours à la SNCF, une est précisément consacrée à la détermination du cadre de l'organisation du travail, la polyvalence des équipes et les conditions d'emploi.

Un autre objectif était de développer des partenariats avec les clients, notamment en créant des pôles d'affaires spécialisés par secteur d'activité, mais aussi avec les opérateurs ferroviaires de proximité et avec les autres entreprises ferroviaires européennes, en particulier belges et allemandes.

Comme MM. Hubert Haenel et Francis Grignon l'ont rappelé, ces efforts avaient commencé à porter leurs fruits : au premier semestre de cette année, les résultats de Fret SNCF étaient, sinon très bons, du moins meilleurs, avec des pertes en baisse. La reconquête du trafic avait commencé. Toutefois, les récents événements sociaux ont remis en cause cette évolution. En lien avec la SNCF, nous devrons dresser le bilan complet des dégâts causés par la période où le trafic de fret a été complètement « calé », pour reprendre l'expression cheminote.

Certes, la SCNF a accompli cette fois d'importants efforts pour relancer le trafic de fret dès le retour au travail de ses agents : alors que, d'habitude, les trains restaient « calés » dans les triages pendant une dizaine ou une quinzaine de jours, l'entreprise a remis à quai tous les trains de fret en trois jours environ. Néanmoins, certains clients se sont tournés vers les opérateurs privés ou les transporteurs routiers, ce qui, naturellement, préoccupe la SNCF et l'État.

Par ailleurs, Mme Beaufils et M. Delfau ont fait part de leur inquiétude eu égard aux conséquences économiques et sociales que le programme élaboré par la SNCF pourrait avoir sur le territoire, notamment en raison de la fermeture de 262 gares à la desserte de wagons isolés.

Je rappelle, car la confusion se produit parfois, la presse elle-même n'étant pas toujours très précise, qu'il ne s'agit pas de fermer ces gares à l'activité de fret, car le traitement des wagons isolés ne représentait que 20 % de leurs activités et les 80 % restants seront maintenus.

Toutefois, nous devions tirer les conséquences de la diminution du trafic. Madame Beaufils, parmi ces 262 points de desserte, à peu près un tiers n'avaient traité aucun wagon isolé depuis longtemps et la moitié en géraient entre zéro et un par mois. C'était le cas, notamment, dans la région dont je suis l'élu, c'est-à-dire en Poitou-Charentes. Le trafic avait donc, malheureusement, à peu près disparu de ces gares.

Il faut naturellement examiner les raisons de cette décision : les pertes de la branche fret de la SNCF s'élèvent à 260 millions d'euros en 2006, soit 700 000 euros par jour ; le déficit cumulé s'élève à 850 millions d'euros pour la période 2004-2006, avec 40 milliards de tonnes-kilomètre, alors que la Deutsche Bahn a atteint la barre des 100 milliards de tonnes-kilomètre en 2006. Il est vrai que la structure industrielle de l'Allemagne est différente, mais d'autres pays européens plus proches de nous sur le plan industriel voient le fret ferroviaire progresser.

Le trafic de wagons isolés représentait seulement 2, 5 % des wagons chargés acheminés et 80 % des pertes d'exploitation de la branche fret : je comprends que la SNCF ne veuille pas supporter le poids de tels déficits. Les opérateurs ferroviaires européens disent tous que le mode ferroviaire est efficace surtout pour les flux massifiés. Il est donc logique que la SNCF se concentre sur cette activité. Faire tirer un wagon sur quelques kilomètres par une locomotive de fret, diesel ou électrique, ne présente aucun intérêt si la même locomotive peut tirer cinquante ou cent wagons sur une distance plus importante dans le même laps de temps.

Cela étant, certains territoires rencontrent des difficultés et nous avons demandé à la SNCF d'examiner les solutions les plus adaptées, en concertation avec les collectivités locales. Je suis bien d'accord, madame Beaufils, lorsque la SNCF a dévoilé ce plan, elle n'a pas informé les élus comme elle aurait dû le faire.

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