Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est toujours savoureux de goûter aux ascenseurs émotionnels que ce gouvernement nous permet de vivre. J’utilise le mot à dessein. Toutes les prises de position à la tribune, comme les travaux préparatoires – nous avons eu l’occasion d’en parler avec l’auteur de ce texte, Mme Micheline Jacques, que je tiens à saluer – nous laissaient penser que l’équilibre revendiqué et le bien-fondé de ce texte conduiraient le Gouvernement à émettre un avis favorable.
Malheureusement, cet élan d’espérance n’a eu d’égal qu’une déception, comme c’est trop souvent le cas.
Celles et ceux qui viennent de s’exprimer à cette tribune ont démontré à la fois le caractère équilibré, l’intelligence du recours à l’expérimentation, ainsi, comme l’a souligné M. le rapporteur pour avis Alain Milon, que la nécessité de donner des gages et, surtout, de permettre une continuité des soins, en répondant à de nombreuses problématiques, à commencer par celle des évacuations sanitaires.
Au fond, madame la ministre, j’ai parfois le sentiment de revivre ce que nous avons vécu à l’occasion de l’examen du projet de loi 3DS, auquel certains ont fait référence, avec un gouvernement toujours très allant pour demander aux collectivités de participer aux investissements. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait, confiants dans la parole de l’État. Mais celui-ci peine à partager les compétences. Cela a en particulier été le cas lorsqu’il s’est agi de faire des présidents de région les coprésidents des ARS.
En réalité, c’est : « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ». C’est assez triste ! Au-delà de ce texte, vous envoyez – nombre de collègues l’ont dit – un bien mauvais signal.
Je veux à mon tour rendre hommage aux initiateurs de ce texte. J’ai déjà évoqué Micheline Jacques et Michel Magras, qui a inspiré de nombreuses réflexions s’agissant de l’outre-mer. Je pense aussi à la première vice-présidente de la collectivité de Saint-Barthélemy, Hélène Bernier, qui a participé à ces travaux.
La seule justification qui vaille est de répondre aux aspirations très concrètes des habitantes et des habitants de Saint-Barthélemy, en permettant à la collectivité de participer. Quand j’entends vos propos, madame la ministre, j’ai l’impression que vous évoquez une autonomisation. Vous avez le sentiment que Saint-Barthélemy s’apprête à larguer les amarres, en gérant à elle seule la compétence.
Or ce n’est absolument pas le cas ! Nous avons simplement une collectivité qui dit vouloir partager l’effort et être au rendez-vous des attentes. Surtout, elle veut s’inscrire – sur ce point, je fais miens les propos tenus par nos collègues Victorin Lurel ou Stéphane Artano – dans un principe de différenciation.
Permettez-moi de revenir sur le texte 3DS. C’est bien beau que l’État nous invite à une plus grande différenciation. Mais quand l’occasion vous est donnée, madame la ministre, vous tournez le dos à cette différentiation. Encore une fois, c’est : « Faites ce que l’État dit, mais ne faites pas ce que l’État fait. » C’est bien regrettable !
Au fond, on le sait, la tentation est grande de renvoyer tout cela aux travaux du Ciom. Mais qu’attendre de ces derniers – sinon de vains espoirs –, alors que l’occasion vous est donnée de prendre la balle au bond et de saisir l’esprit d’initiative incarné par le texte de notre collègue Micheline Jacques et par la collectivité ? C’est un vrai sujet.
Notre groupe s’interroge sur la volonté réelle – nous avons déjà évoqué ce point dans le cadre de textes précédents, comme celui dont j’ai été le rapporteur avec Françoise Gatel – de travailler sur l’expérimentation, d’ouvrir le champ des possibles et de faire en sorte que des initiatives comme celles-ci soient possibles.
Malheureusement, notre espoir sera encore déçu aujourd’hui. Bien évidemment, nous voterons avec conviction ce texte, considérant qu’il permet de tracer un sillon. À cet égard, je regrette que M. le ministre chargé des outre-mer n’ait pas livré son avis. Je regrette aussi que le rapport voté dans le cadre du texte 3DS n’ait pas été rendu. Certes, j’ai compris que nous aurions tardivement les réponses à nos interrogations.
Madame la ministre, il y a aujourd’hui urgence à agir et à répondre aux aspirations des territoires, notamment celui de Saint-Barthélemy, qui fait preuve depuis longtemps d’un esprit d’initiative. Cela ne doit pas rester sans réponse de votre part.
Comme je l’ai indiqué, nous voterons avec conviction ce texte équilibré, qui permet de répondre de façon pragmatique aux interrogations des habitants et d’ouvrir la réflexion sur la question de la différenciation.
Je veux encore une fois rendre hommage à Michel Magras, ancien président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, qui a ouvert la voie sur le sujet grâce à des propositions inspirantes. Espérons que notre assemblée, qui a été souvent précurseur en la matière, le soit encore. J’ai noté, dans la tonalité des intervenants qui se sont succédé, une volonté de soutenir le texte. Madame la ministre, puissent ces interventions vous permettre de faire évoluer le plus rapidement possible votre avis.
Quoi qu’il en soit, vous l’aurez compris, nous voterons cette proposition de loi organique.