Intervention de Rachida Dati

Réunion du 12 décembre 2007 à 15h00
Rôle d'eurojust et du réseau judiciaire européen — Discussion d'une question orale européenne avec débat

Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France présidera l'Union européenne à compter du 1er juillet 2008. La France s'y prépare, tout comme mon ministère. La justice aura en effet une place importante dans le cadre de la présidence française.

L'espace judiciaire européen est une belle idée ; cette dernière, lancée voilà trente ans, doit aujourd'hui devenir une réalité, comme vous l'avez tous souligné.

Des réalisations concrètes ont été enregistrées. Elles ont fait progresser l'Europe judiciaire. Je pense, par exemple, au mandat d'arrêt européen ou aux équipes communes d'enquête. Il faut aller plus loin. Il faut rendre l'Europe de la justice plus accessible et plus efficace.

Vous l'avez souligné dans vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, la coopération judiciaire est une question centrale. Elle est essentielle pour l'avenir de l'espace judiciaire européen.

Je vois avec plaisir, monsieur Haenel, que, sous votre présidence, la délégation pour l'Union européenne du Sénat s'empare de ces questions.

Je partage largement les observations qui ont été exprimées. Le renforcement du rôle d'Eurojust et du Réseau judiciaire européen sera l'un des enjeux de la présidence française de l'Union. J'ai choisi d'en faire l'une de nos priorités dans le domaine de la justice pénale.

Avant de développer ce point, je répondrai aux questions que vous avez soulevées.

Vous m'avez d'abord interrogée sur le bilan de la coopération pénale européenne.

Aujourd'hui, notre coopération repose notamment sur deux outils : Eurojust et le Réseau judiciaire européen.

Eurojust est une agence permanente implantée à La Haye. Cette agence, mise en place en 2002, se compose de vingt-sept magistrats nationaux détachés par les États membres. Elle apporte une aide concrète aux services d'enquête : elle permet l'échange d'informations, elle facilite la coopération entre les services, et sa mission concerne les dossiers impliquant au moins deux pays. Ce sont des dossiers qui traitent d'infractions particulièrement graves : terrorisme, traite des êtres humains, trafics de stupéfiants, cybercriminalité. Ces affaires ne connaissent pas les frontières.

En cinq ans, l'activité d'Eurojust s'est développée : 300 affaires lui ont été soumises en 2003, 381 en 2004, 588 en 2005 et 771 en 2006.

La France, comme l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne, fait partie des États qui recourent le plus à Eurojust.

L'équipe française d'Eurojust est importante. Elle est composée de cinq membres. Son responsable, François Falletti, s'est entouré de magistrats ayant un passé opérationnel. Son adjoint, Alain Grellet, a été nommé en juin dernier. Il était en fonction dans une juridiction interrégionale spécialisée.

Eurojust a une vocation opérationnelle. La dernière opération, baptisée « Koala », a permis d'identifier 2 500 individus de dix-neuf pays différents comme clients de sites Internet comportant des images d'enfants mineurs soumis à divers abus. Quatre-vingt-douze arrestations ont été effectuées dans ce cadre.

Pour faire face à une activité croissante, Eurojust a su progressivement s'adapter. L'unité a renforcé ses capacités d'exploitation des informations qu'elle reçoit. Elle a développé ses actions de coordination. Elle est devenue un partenaire reconnu de la coopération judiciaire.

Vous l'avez très bien rappelé, monsieur Zocchetto, le fonctionnement d'Eurojust n'est pas pleinement satisfaisant. Il connaît des limites, qui sont liées à un déficit d'information, à la participation et aux pouvoirs inégaux de ses membres.

La coopération européenne s'exerce aussi par le réseau judiciaire européen. À la différence d'Eurojust, ce réseau n'est pas un organisme. C'est un ensemble de points de contact dans toute l'Europe. En France, il existe un point de contact par cour d'appel.

Le réseau se charge, avant tout, des dossiers bilatéraux où le besoin de coordination est moins important. Il facilite l'élaboration et l'exécution des demandes de coopération. C'est un réseau d'entraide de proximité.

Vous l'avez souligné, monsieur Haenel, la Commission européenne, dans sa communication du 26 octobre 2007, a formulé un certain nombre de propositions.

La Commission européenne envisage plusieurs orientations, en distinguant l'avant et l'après 2009 : la définition de pouvoirs minimaux pour les membres nationaux, l'accroissement des pouvoirs du collège, le renforcement de l'obligation d'information.

La Commission européenne propose aussi le regroupement d'Eurojust et du réseau judiciaire européen. Vous le savez, ce n'est pas la position du gouvernement français. Ce n'est pas non plus la position des autres États membres.

Nous sommes convaincus de la nécessité de renforcer les prérogatives d'Eurojust et de consolider le réseau judiciaire européen. Nous sommes également convaincus de la nécessité de clarifier l'articulation entre ces deux institutions complémentaires. Ces souhaits ont clairement été exprimés lors du Conseil « Justice et Affaires intérieures, le Conseil JAI, du 7 décembre dernier. C'est la raison pour laquelle, monsieur Bret, tous les États de l'Union européenne veulent lutter ensemble contre la criminalité organisée. Ces souhaits seront d'ailleurs repris par la présidence française.

Le renforcement d'Eurojust et la consolidation du réseau judiciaire européen seront l'une des priorités de la présidence française.

J'ai l'intention de faire adopter deux textes : l'un concernera Eurojust et l'autre traitera du réseau judiciaire européen. Ces textes répondent exactement aux attentes que vous venez d'exprimer.

Le projet de texte sur Eurojust aura quatre objectifs.

Le premier objectif est le renforcement de la fonction de coordination des enquêtes.

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