Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’aube du lancement d’un grand programme nucléaire dans notre pays, le Gouvernement a proposé, par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, la fusion de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), ou plutôt l’absorption de l’IRSN par l’ASN.
Ce projet de loi, qui prévoit tout un panel de mécanismes dits d’accélération, avait déjà été examiné au Sénat, mais sans cet amendement.
Quelle drôle d’idée, quand on a un parc vieillissant qui nécessite toute notre attention et quand on lance un programme très ambitieux de huit ou quatorze nouveaux réacteurs, voire plus encore !
Fort heureusement, les députés, plus raisonnables, ont rejeté cette fusion.
Dois-je rappeler que nous ne sommes à l’abri de rien ? Dans le pays le plus nucléarisé au monde, nous pouvons remercier tous les jours notre sûreté pour n’avoir connu, jusqu’ici, aucun accident nucléaire.
L’IRSN est indépendant. Il exerce des fonctions d’expertise et de recherche, qu’il fournit à l’ASN. C’est l’ASN, en tant qu’autorité, qui prend les décisions. C’est basique, c’est efficace et c’est une nécessité absolue.
Pourquoi casser ce qui fonctionne ? Pourquoi créer de la confusion, voire du désordre ? Les salariés de l’IRSN sont d’ailleurs sous le choc, KO debout. Sur quelle étude d’impact repose ce choix ?
L’arrêt de quatre réacteurs à l’automne, à la suite de la détection de problèmes de corrosion sous contrainte, qui ont conduit à agiter le spectre du blackout, a-t-il agacé ? A-t-il provoqué l’ire de certains, pour qui « la sûreté, ça suffit comme ça ! » ?
Nous sommes au printemps et il n’y a pas eu de blackout, mais de nouvelles corrosions ont depuis été découvertes. La réalité est que nous avons plus que jamais besoin d’organismes robustes, qui ont largement fait leurs preuves et qui sont même reconnus internationalement.
En matière de nucléaire, notre boussole doit être cette aiguë conscience des périls dont parle Edgar Morin.
Votre volonté d’effacement de l’IRSN a été sèchement rejetée par l’Assemblée nationale. Non seulement elle est malvenue, mais elle est dangereuse.
On se doute – ce n’est pas dans l’ADN de ce gouvernement – que vous n’allez pas lâcher prise, madame la ministre. Or, sur ce sujet comme sur les autres, gouverner, est-ce s’entêter ?