Intervention de Georges Patient

Réunion du 22 mars 2023 à 15h00
Dépôt du rapport public annuel de la cour des comptes suivi d'un débat

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Monsieur le premier président de la Cour des comptes, le rapport public annuel de la Cour, que vous avez remis au Président de la République le 9 mars dernier et que vous nous présentez aujourd’hui, s’attache, au-delà du traditionnel chapitre sur la situation et les perspectives des finances publiques, à dresser un bilan de la décentralisation.

Quarante ans après le début du mouvement décentralisateur amorcé par la promulgation des lois Defferre, la Cour fait état d’un « élan à retrouver ». Monsieur le Premier président, ce n’est pas là une surprise, mais un constat que nous faisons avec vous, car nous croyons qu’une vraie décentralisation est nécessaire et que l’engagement des élus locaux doit être au cœur de l’action publique.

En 2009, la Cour avait déjà réalisé un premier bilan de la décentralisation. Son Premier président d’alors, Philippe Séguin, résumait ainsi, dans sa présentation du rapport, les failles de ce mouvement décentralisateur : « La République, c’est la solidarité nationale. Et il ne faudrait pas que la décentralisation devienne l’alibi de son affaiblissement. »

Monsieur le Premier président, le bilan que vous dressez de ces quarante années aboutit au constat d’une absence de cap clair et lisible et d’un éparpillement des compétences, avec parfois un risque de chevauchement entre les différents niveaux de collectivités. Ce constat est resté le même depuis le rapport de 2009, car l’organisation des services déconcentrés de l’État a failli à s’ajuster aux évolutions – parfois erratiques, il faut le reconnaître – de la carte et des compétences des collectivités.

L’architecture de financement est le reflet de cet éparpillement organisationnel. La Cour nous l’a montré à la fin de l’année dernière, à l’occasion d’un rapport qui mettait en lumière un système de financement à bout de souffle, souffrant d’un manque de lisibilité et de prévisibilité.

Il faut donc aligner résolument le financement, les compétences et les responsabilités, locales et nationales. Il faut clairement identifier des chefs de file pour la conduite des grandes politiques publiques, puis en faire découler une organisation territoriale et une organisation des services déconcentrés de l’État qui épouse cette nouvelle architecture.

De ce point de vue, la position de l’exécutif est claire et va dans le bon sens. Elle s’articule autour des quatre principes suivants : transférer des compétences ; accorder des ressources dynamiques et adaptées ; donner des capacités de différenciation, et j’insiste sur ce terme ; assumer les responsabilités qui vont avec.

Néanmoins, monsieur le Premier président, que dire des collectivités d’outre-mer et en particulier des départements et régions d’outre-mer (Drom), que vous ne mentionnez aucunement dans votre rapport ? Leur réservez-vous un rapport spécifique ?

Si les grands principes que je viens d’énumérer leur sont applicables, ces collectivités ne devraient-elles pas bénéficier d’une différenciation qui leur permettrait de bénéficier de normes spécifiques que les autres collectivités du même échelon ne se voient pas appliquer, ou encore d’exercer des compétences que les autres collectivités de la même catégorie n’ont pas ?

C’est tout le sens de l’appel de Fort-de-France, lancé au mois de mai 2022 par les présidents des Drom pour dénoncer une situation de mal développement structurel. C’était un appel à la coconstruction, avec l’État, d’une décentralisation mieux adaptée à la réalité de ces territoires, une décentralisation qui conjugue la pleine égalité des droits avec la reconnaissance des spécificités et qui refonde la relation entre les territoires d’outre-mer et la République par la définition d’un nouveau cadre. Les signataires ont été reçus le 7 septembre 2022 par le Président de la République. Des travaux se déroulent actuellement au sein de chaque territoire autour de cette question, et un comité interministériel de l’outre-mer devrait se tenir à la fin de ce semestre, afin d’avaliser une première série de décisions.

Monsieur le Premier président, je compte sur votre expertise, qui sera – j’en suis sûr – sollicitée pour que les collectivités d’outre-mer bénéficient d’une juste compensation du transfert de compétences et que le caractère péréquateur de la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer (Dacom) et du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) soit renforcé. La Cour a déjà travaillé sur ces deux sujets, qui constituent de graves injustices.

Monsieur le Premier président, je remercie la Cour de la qualité de son travail, que je salue.

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