Intervention de Françoise Verchère

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 20 mars 2023 à 15h00
Audition de M. Maxime Combes M. Daniel Ibanez et Mme Françoise Verchère auteurs d'une proposition de loi visant à diminuer la consommation d'énergie pour le bâti

Françoise Verchère, coauteure d'une proposition de loi sur la rénovation du bâti :

Vous avez rappelé le contenu de notre proposition de loi. Nous avons écrit à de nombreux parlementaires de sensibilités politiques différentes, ainsi qu'à la Première ministre qui a transmis notre texte au ministre chargé de la ville et du logement, M. Olivier Klein. Notre proposition s'adresse donc à tous les décideurs, car ce sujet dépasse les clivages partisans.

Avec Maxime Combes et Daniel Ibanez, nous avons des parcours différents, mais nous constatons que nous peinons collectivement à avancer sur ces sujets, en dépit des multiples dispositifs de soutien qui existent. Si nous voulons être à la hauteur des enjeux, il convient de repenser notre angle d'approche de la question de la rénovation énergétique. C'est pourquoi notre proposition de loi adopte un autre point de vue.

Les dispositifs de financement existants sont très compliqués, encadrés par de multiples clauses et conditions d'accès, et leur efficacité est limitée.

La mauvaise isolation des bâtiments a des conséquences directes : augmentation de la consommation d'énergie en hiver comme en été ; émissions accrues de CO2 ; dégradation de la santé en raison de la pollution liée aux particules fines ; hausse de la facture énergétique et baisse du pouvoir d'achat des ménages ; augmentation des charges pesant sur les entreprises ; fragilisation de l'indépendance énergétique du pays, etc.

Le secteur du bâtiment représente 44 % de l'énergie consommée en France, loin devant le secteur des transports, dont la part s'élève à 31,3 %. Chaque année, ce secteur émet plus de 123 millions de tonnes de CO2. La rénovation des bâtiments est donc cruciale si l'on veut lutter contre le réchauffement climatique et réussir la transition énergétique. Pour rendre les bâtiments plus économes en énergie, il faut rénover massivement l'existant et instaurer des normes plus strictes en termes de consommation d'énergie pour les constructions neuves.

L'isolation est un impératif. Selon un rapport de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) de 2021, « l'ordonnancement des travaux est crucial pour le bon fonctionnement des systèmes de production de chauffage. La première étape doit préférentiellement viser les travaux d'isolation et de ventilation pour éviter des pathologies et un surdimensionnement des systèmes de production de chauffage ». En effet, changer de système de chauffage n'a de sens que si les bâtiments sont correctement isolés.

L'OCDE, dans son rapport The Future of cooling de 2018, expliquait aussi que la priorité devait aller à l'isolation des bâtiments.

De même, le comité d'évaluation du plan France Relance indique dans son rapport de 2022 qu'« un système de chauffage ne peut être performant sans isolation adéquate, l'isolation étant un prérequis dans un parcours de rénovation cohérent et optimisé ».

L'isolation est donc, selon nous, l'enjeu prioritaire, avant même la recherche de nouvelles sources d'énergie.

Nous avons étudié les systèmes de financement en vigueur. MaPrimeRénov' est un dispositif de subventions : le montant de l'aide à la rénovation énergétique est calculé en fonction des revenus du demandeur, les dossiers font l'objet d'un contrôle minutieux. Finalement, il s'avère que monter un dossier est une démarche complexe, à tel point que des cabinets de conseil prospèrent pour aider les particuliers à le faire !

La loi actuelle ne prévoit pas d'obligation d'isoler, mais une interdiction de louer les biens mal isolés. La contrainte ne porte donc pas sur l'isolation, mais sur l'interdiction de louer.

Quelles sont les conséquences du système actuel de subventions ? Les propriétaires qui bénéficient de MaPrimeRénov' ont un reste à charge important, ce qui exclut de fait ceux qui ne peuvent l'assumer. Ceux qui sont bailleurs sont conduits souvent à augmenter les loyers pour rentabiliser leur investissement. On estime qu'il faudrait mobiliser au moins 300 milliards d'euros de subventions publiques pour isoler les seuls logements. Les propriétaires doivent financer le solde, ce qui freine la décision d'investir. Les bâtiments à usage commercial ou tertiaire ne sont pas intégrés dans le dispositif, alors que ce sont également des gouffres énergétiques. Pour rénover et isoler les 25 millions de bâtiments existants, dont 30 millions de logements, le budget nécessaire est d'environ 1 000 milliards d'euros, soit 40 000 euros par bâtiment en moyenne - un bâtiment pouvant abriter plusieurs logements. Il convient donc de dépenser entre 300 et 500 milliards d'euros d'argent public, tandis que, parallèlement, les propriétaires doivent mobiliser entre 500 et 700 milliards d'euros de financement. Ces montants sont colossaux. Cela montre que le système de la subvention n'est pas adapté à l'enjeu de la rénovation massive.

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