S'agissant de nos activités, de notre déploiement ou de notre développement dans les télécommunications, comment utiliser le savoir-faire acquis en France dans d'autres pays, sur d'autres territoires, pour créer de la valeur et de la croissance ?
Aujourd'hui, nous sommes présents dans une vingtaine de pays. Nous sommes un actionnaire très minoritaire de la société Vodafone, et nous détenons 20 % d'un groupe sud-américain appelé Millicom, qui est présent dans sept pays d'Amérique du Sud. Nous continuons donc notre déploiement. Nous sommes historiquement actionnaire d'une société de fibre optique à Singapour. Nous avons toujours essayé d'utiliser notre savoir-faire pour aider les entreprises à se développer et à croître. Nous avons la volonté de continuer à le faire en ayant toujours des équipes en France.
Pour un certain nombre de ces pays, nous avons créé en France des sites de sous-traitance de gestion des réseaux, de développement des systèmes d'information. Environ un millier d'emplois sont créés en France pour aider nos activités extérieures. Nous pensons avoir un véritable savoir-faire, avec des personnes qui ont reçu, en France, une formation incroyablement performante pour nous aider à nous développer sur ces territoires.
Concernant la presse, L'illustration est l'un des plus anciens magazines ayant existé, créé en 1843, je crois. Toutes les archives étaient là. On les a reprises avec la volonté de les rendre plus accessibles, plus disponibles. Il s'agit des centaines de milliers de pièces. Notre volonté est de continuer le travail patrimonial qui est fait dessus. C'est une vocation non-commerciale destinée à mieux les faire connaître et peut-être les utiliser dans nos autres activités de presse.
S'agissant du projet Six, on ne nous a pas communiqué les raisons pour lesquelles nous n'avons pas été retenus. On l'a dit publiquement : on avait l'impression d'une procédure perdue d'avance. On ne nous l'a pas dit comme cela, mais on nous l'a fait comprendre. Nous espérons avoir réussi à aider les sociétés d'auteurs d'une manière générale à bénéficier de plus d'investissements de la part des chaînes existantes. Ces chaînes, je l'ai dit, utilisent du spectre, un bien commun, et génère à partir de là des revenus et des marges significatives.
Nous y sommes allés avec la volonté de gagner. Nous avons perdu mais, dans le même temps, nous souhaitions agir avec tout le monde de la création.
Je ne sais si nous reviendrons sur ces sujets. Nous pensons que l'on ne peut exister dans le monde de la télévision que si on a un des six premiers canaux. Ce sont ceux qui sont connus, les autres les accompagnent. Nous avions dit publiquement que si nous n'avions pas ce canal, nous n'étions pas vraiment intéressés par les autres canaux.
Concernant l'éducation, l'idée de l'École 42 partait d'un constat assez simple consistant à se dire que les formations au digital ou au numérique sont nombreuses en France, et de qualité, mais malheureusement souvent privées et chères. Il s'agit d'écoles plutôt bonnes qui apprennent le code informatique, mais dont la scolarité coûte une dizaine de milliers d'euros par an et n'est donc accessible qu'à peu de Français. L'idée était de créer la meilleure école gratuite et ouverte à tous pour apprendre le code informatique.
C'est ce qu'on a fait avec une première école à Paris, dans le 17e arrondissement, qui compte un peu moins de 4 000 élèves aujourd'hui. Ses méthodes d'enseignement sont différentes et permettent de s'adapter à des jeunes qui ont décroché scolairement. Il n'y a pas de cours formel. On apprend ensemble. C'est un lieu physique, ce n'est pas du téléapprentissage. Le succès est énorme, puisque les jeunes qui sortent de cette école ont tous des salaires significatifs, autour de 40 000 euros. 40 % d'entre eux n'ont pas le bac.
Nous avions un défaut : cette école manquait de diversité, notamment en termes de jeunes filles. L'école est maintenant dirigée par une femme. Cela a permis d'augmenter de 30 à 40 % le nombre de femmes présentes dans l'école.
Il s'agit d'une initiative qui a dix ans et qui fonctionne. Nous avons plusieurs de ces écoles en France aujourd'hui, et une petite cinquantaine dans le monde - 47 ou 48. Elles continuent à se développer. Cette année une vingtaine devrait ouvrir dans le monde, avec un peu moins de 20 000 élèves formés à partir de cette pédagogie différente.
Ce sont systématiquement des écoles gratuites. La scolarité dure trois ans. L'entrée est basée sur des critères permettant d'accepter tout le monde sur la base de deux éléments, la logique et l'envie d'apprendre. C'est tout ce que l'on demande à nos élèves.
Au début, on accueillait principalement des jeunes. Depuis que nous travaillons avec Pôle emploi, nous acceptons des personnes qui ont une soixantaine d'années, qui ont travaillé dans l'informatique, qui ont été formées de manière un peu ancienne et probablement obsolète. On pense généralement que leur retour au travail est impossible, mais on constate ici que cela fonctionne.
On continue donc à développer plein d'initiatives, en essayant de permettre à tout le monde d'avoir un métier. C'est une mono-formation et ce n'est pas parfait. On peut faire plein de reproches à cette école, mais on garantit un travail d'avenir bien payé.
On essaye toujours de l'améliorer. Le rêve des équipes, c'est d'avoir toujours plus d'élèves. Notre système fonctionne partout, en Corée, au Japon, au Brésil, au Maroc. Une école va ouvrir dans les jours qui viennent en Angola. La République démocratique du Congo veut en ouvrir une. Une école va ouvrir à Dakar. Cela fonctionne partout.
C'est un mode de fonctionnement qui recourt à l'ascenseur social. Je suis très déprimé de voir qu'on est en dernière position, au sein de l'OCDE, en termes d'ascenseur social. Si vos parents étaient ouvriers, vous n'avez aucune chance de ne pas être ouvrier. Pourtant, on a le sentiment du contraire.
J'ai eu la chance de naître dans une famille moyenne, à Créteil, et d'avoir grandi là-bas. L'informatique m'a permis de créer mes entreprises et de gagner très bien ma vie. C'est partant de mon exemple, et en ayant appris tout seul, que j'ai essayé d'aider d'autres personnes à suivre un parcours. Il ne s'agit pas de créer des entreprises - on peut travailler dans des entreprises, créer des associations ou faire autre chose - mais d'aider d'autres personnes à aller dans ce sens.
Autre chose me tient à coeur : le meilleur moyen de trouver un job si on n'en a pas, c'est de créer son entreprise, d'où l'idée de montrer que la France est un pays d'entrepreneurs. C'est la raison de la création d'un lieu comme la Station F, le plus grand incubateur de start-up au monde, qui héberge à Paris 1 000 start-up physiques. Comment donner envie à des jeunes de créer leur société et de leur garantir un emploi, en montrant au reste du monde que la France est un pays d'entrepreneurs ? Cela fonctionne, cela se développe. C'est même un lieu que visitent les chefs d'État étrangers.
L'idée était un peu la même avec Hectar : les agriculteurs sont souvent de petits entrepreneurs. Il y a chez ceux qui ont une vingtaine d'années une quête de sens qui peut passer par l'alimentation et la production. Comment former des jeunes, urbains ou non, à ces nouveaux métiers de l'agriculture, leur apprendre à faire les choses différemment ? L'idée était de créer un lieu significatif en région parisienne - parce que c'est ma région.
J'ai parfois investi dans des start-up particulières dans le domaine de la viande. On a supposé que j'avais une vision de l'agriculture différente. Je mange de la viande, même si j'essaie d'en manger moins. Je me suis battu pour la cause animale, en disant qu'on pouvait essayer de ne pas faire souffrir les animaux qu'on allait manger - cela me paraît quelque chose que l'on peut partager, mais on l'a parfois mal interprété.
Toutes les initiatives dont on vient de parler sont des initiatives non financières, menées par des associations, des fondations. J'ai la volonté d'aider mon pays, parce que je l'aime - trop peut-être parfois. J'ai envie qu'il soit parfait et de lui rendre ce qu'il m'a donné. Je ne sais s'il y a beaucoup de pays où ce qui m'est arrivé est possible. Si cela l'a été pour moi, ce n'est pas le cas de manière assez massive, et j'ai envie d'aider en ce sens.
Vous m'avez demandé mon avis sur l'action de l'État en matière d'enseignement. L'idée est que l'École 42 ne dépende aucunement de l'État ou de l'argent public. Rien n'est parfait, pas même en termes d'éducation, mais on forme des mathématiciens fantastiques, de très bons chercheurs en intelligence artificielle.
J'ai arrêté mes études à 17 ans, mais la formation que j'ai reçue à l'école publique et, à la fin de ma scolarité, dans une école privée, a permis de faire de moi ce que je suis aujourd'hui. Je n'ai pas envie de cracher dans la soupe !
Concernant la sécurité des réseaux, je trouve qu'un certain nombre de services en France travaillent très bien, comme l'Agence nationale de la sécurité informatique (Ansi) et d'autres. À chaque fois qu'on a des problèmes, ces services sont présents et trouvent les solutions. Les différents services qui travaillent sur ces sujets sont vraiment incroyables. Quand nous les comparons avec ceux des autres pays où nous faisons des télécommunications, la différence est en faveur de la France.
Quant aux réseaux sociaux, j'ai un avis pour mes propres enfants qui, je pense, est partagé par beaucoup d'entre vous. Si vous interdisez les réseaux sociaux aux jeunes, ils vont avoir l'impression d'être exclus du groupe. Je n'ai malheureusement pas de réponse sur ce sujet.
En tant qu'opérateur, nous mettons bien évidemment en place tout ce qui nous est demandé par l'ensemble des régulateurs et des organisations. Cela me paraît le strict minimum.
S'agissant du développement de la culture scientifique, je me suis beaucoup inquiété de l'arrêt des mathématiques, non que je les aime particulièrement, mais les choses me paraissent maintenant aller dans le bon sens.
Concernant l'itinérance sur le réseau d'Orange, nous utilisons de la 2G ou de la 3G. L'idée était de ne pas redéployer un nouveau réseau 2G en France. On avait commencé à le faire, un petit pourcentage de nos abonnés n'ayant que des terminaux 2G. Nous nous sommes mis d'accord avec Orange pour utiliser le réseau 2G a priori jusqu'en 2025, ce qui nous permet d'éviter de redéployer un réseau.
S'agissant de la garantie 100 % fibre, je crois que nous avons signé la totalité des réseaux d'initiative publique (RIP) qui peuvent exister dans ce pays, à l'exception de deux, dans le Tarn et l'Ariège. Nous espérons le faire à un moment ou un autre.
Nous souhaitons bien évidemment être présents dans toutes les initiatives. Je ne sais si on arrivera au 100 % fibre. On arrivera probablement à 99 % avec des formes de subventionnement d'argent public, de péréquation. Il faudra mettre en place quelque chose si on veut aller à ce niveau-là.
Concernant le déploiement des réseaux, 3 000 salariés déploient en interne les réseaux de fibre et la partie finale de nos installations. D'une manière générale, nous avons toujours cherché à internaliser les choses au maximum. C'est pourquoi nous sommes le deuxième employeur du secteur, alors qu'en termes de chiffre d'affaires, nous devons plutôt être le troisième ou le quatrième. On a toujours significativement cherché à internaliser ces déploiements.
Quand nous faisons appel à des sous-traitants, d'une manière générale, il s'agit de grandes entreprises, et nous nous interdisons d'avoir plus d'un niveau de sous-traitance. À côté, nous avons mis en pratique un certain nombre de choses, notamment des prises de photos avant/après, etc. On peut espérer que les choses vont s'améliorer à certains endroits.
Certains problèmes précis sont identifiés. Ce n'est pas parfait, je suis d'accord avec vous. Le réseau se déploie rapidement. C'est un réseau d'avenir. Tous les opérateurs n'ont pas une vision à long terme, malheureusement. Tout cela est mis en oeuvre avec l'Arcep.
S'agissant des télécommunications professionnelles, nous avons racheté la société Jaguar Network. Ce secteur d'activité est très peu concurrentiel, dominé par un acteur historique qui produit un service de qualité. La volonté est d'amener un peu de concurrence à cet endroit et, dans le même temps, d'ajouter des offres permettant de régler les problèmes de cybersécurité et de nombreux autres sujets. Tous les acteurs le font. Nous ne sommes pas spécifiquement en pointe en matière de cybersécurité, contrairement à l'intelligence artificielle, sur laquelle nous mettons plus de moyens.
Vous avez évoqué le sujet du renouvellement des terminaux. C'est important pour nous. Nous nous sommes toujours battus contre la subvention des terminaux. La Cour de cassation, sur ce sujet, nous a donné raison.
Nous pensons que la subvention des terminaux avec un abonnement téléphonique pousse à un renouvellement trop rapide. Un terminal mobile est destiné à vivre plus de 24 mois. Il est donc dommage que votre opérateur vous appelle au bout de 22 mois en proposant un nouveau terminal à un euro pour que le client s'engage pour 24 mois. Nous nous battons depuis longtemps sur ce sujet-là. Nous pensons que c'est un sujet de responsabilisation et nous commercialisons des terminaux au travers de crédits ou de location avec option d'achat pour que tout le monde puisse y accéder, sans mélanger le terminal avec l'abonnement.
Vous avez dit que nous étions motivés par le fait de remplir nos réseaux, car plus nous remplissons nos réseaux, plus nous gagnons d'argent. Nos réseaux ayant un coût fixe, au contraire, plus on remplit nos réseaux, plus on est obligé de rajouter des antennes et de se déployer. On n'a donc pas intérêt à une surconsommation des abonnés. Cela étant, ces derniers font ce qu'ils veulent, c'est leur liberté. On leur vend des forfaits, ils les utilisent.
Concernant l'impact du numérique sur la santé mentale, nous avons bien sûr des contrôles parentaux obligatoires, mais je ne suis pas sûr d'être capable de vous répondre précisément sur le sujet. Nous reviendrons vers vous pour vous dire ce que l'on met en oeuvre.
S'agissant de la FFT, vous avez rappelé notre rôle de trublion. « Je ne voudrais jamais faire partie d'un club qui voudrait de moi comme membre », disait Groucho Marx ! On travaille très bien avec eux, même si on n'en fait pas partie. Cela étant, on est toujours en parallèle. On a toujours un peu peur de ces syndicats regroupant des intérêts équivalents. On ne fait pas non plus partie d'un syndicat patronal. On adhère à un seul organisme, l'Association française des entreprises privées (Afep). On ne fait pas non plus partie du Medef. Nous faisons partie de très peu d'associations, ce qui ne nous empêche pas de travailler avec elles et avec les syndicats.
Pour ce qui est des réseaux de télécommunications et leur impact sur les effets de serre, il s'agit de sujets incroyablement importants, sur lesquels nous travaillons. On a créé des choses fantastiques qui ont un impact direct. On investit nous-mêmes dans de nouvelles sources d'énergie, notamment avec Engie, pour créer de nouvelles productions non polluantes.
Nous avons mis en place il y a quelques années une initiative, qui relève du bon sens. On rafraîchit d'énormes salles, alors que les machines n'ont besoin que de 10 % de la climatisation. On a donc décidé d'arrêter de climatiser les salles et de se focaliser sur les machines. Il fait donc 40 degrés partout, sauf à l'intérieur des machines, où l'on a créé des couloirs dans lesquels passe la climatisation. On économise ainsi 30 % d'énergie, et on parvient à s'améliorer.
On crée de nouvelles générations de boxes ou on invente des choses avec de l'intelligence artificielle pour réussir à faire baisser la consommation lorsqu'on n'a pas besoin de la box. Les petits ruisseaux finissent par former de grandes rivières. C'est long, complexe et potentiellement cher, mais on le fait.
Il faut comprendre que c'est une vraie passion pour nos équipes, qui se sentent incroyablement concernées. Je pense que c'est le cas chez tous les opérateurs. La pression est interne, mais d'une force incroyable. Notre chance est d'être une entreprise jeune. Je ne connais pas l'âge moyen des salariés de Free, mais je pense qu'il est inférieur à trente ans. Ce changement est intervenu au cours des cinq dernières années et est devenu central dans notre travail quotidien.