Intervention de Pierre Cuypers

Commission des affaires économiques — Réunion du 29 mars 2023 à 9h30
Pétitions relatives à l'interdiction du déterrage du blaireau et à l'abolition de la vènerie — Examen du rapport d'information et vote sur les propositions du rapporteur

Photo de Pierre CuypersPierre Cuypers, rapporteur :

La conférence des présidents a décidé de renvoyer à notre commission deux pétitions : la pétition n° 1012 relative à l'interdiction du déterrage - à savoir la chasse sous terre - des blaireaux et la pétition n° 1227 visant à l'abolition de la chasse à courre. Si la première a dépassé 100 000 signatures, la Conférence des présidents s'est saisie de la seconde avant l'expiration du délai de recueil des signatures, estimant qu'elle devait être examinée avec la première, puisqu'elle demande l'interdiction d'un mode de chasse en soulevant la question de la souffrance de l'animal sauvage.

Si des points communs existent - que ce soit la chasse avec les chiens ou le motif de leur contestation -, ces modes de chasse sont très différents. J'aborderai donc séparément ces pétitions, la chasse sous terre du blaireau d'abord et la vènerie ensuite.

La vènerie sous terre du blaireau - ou déterrage - est très peu connue et je suppose que certains d'entre nous n'en ont jamais entendu parler ou n'ont jamais assisté à une telle chasse. C'était mon cas avant que, pour ce rapport, je n'assiste à une chasse auprès d'un équipage de mon département, aux côtés du président de l'Association française des équipages de vènerie sous terre (AFEVST) et du président départemental.

Concrètement, cette chasse, qui s'applique également au renard et, pour la destruction, au ragondin et au rat musqué, consiste à introduire un chien dans un terrier. Celui-ci accule le blaireau en aboyant, mais sans l'attaquer, car le blaireau est plus fort que lui. Une fois le blaireau acculé, les hommes localisent le chien à l'oreille, creusent une fosse derrière lui - exercice particulièrement physique -, sortent le chien, puis capturent le blaireau vivant grâce à une pince spéciale qui ne le blesse pas. À ce stade, il existe deux possibilités : si on se trouve au sein ou à proximité d'une zone agricole dans laquelle il engendre des dégâts, le blaireau est alors tué à l'aide d'une arme ; sinon, celui-ci peut être gracié. Il est interdit de laisser les chiens mordre le blaireau ou de le tuer d'une autre manière. À l'issue de cette chasse, le terrier doit être remis en état dans les vingt-quatre heures ; mais souvent plus rapidement, car ils sont habités par des clans de blaireaux sur plusieurs générations.

La vènerie sous terre est le principal mode de chasse du blaireau, car il s'agit d'un animal crépusculaire ou nocturne et il est très rare d'en voir à la chasse. Selon les chiffres du ministère de la transition écologique, en 2019, dans 53 départements - le blaireau est chassable partout sauf dans le Bas-Rhin -, 10 000 blaireaux ont été tués par la vènerie sous terre, auxquels s'ajoutent environ 5 000 tués à la chasse à tir et 5 000 qui ont été détruits, soit environ 20 000 blaireaux sur une population supérieure à 200 000 individus.

La vènerie sous terre est pratiquée par 1 500 équipages, soit 10 000 passionnés répartis dans la plupart des départements. Environ la moitié des équipages chasse le blaireau, l'autre le renard.

Le blaireau est le plus grand mustélidé d'Europe. Il pèse une quinzaine de kilos et vit en groupes sociaux. Il se reproduit toute l'année, mais les mises-bas ont lieu à partir de janvier, ce qui explique l'arrêt de la chasse sous terre à compter du 15 janvier. Selon la majorité des scientifiques, les blaireautins sont sevrés le 15 mai, ce qui permet la reprise de la chasse dans le cadre de ce que l'on appelle une période complémentaire que peut accorder le préfet de chaque département.

Depuis 1988, à la demande des veneurs, le blaireau n'est plus classé comme nuisible, mais comme gibier, ce qui a permis d'interdire sa destruction ainsi que l'usage de gaz et de poison, et a assuré l'expansion des populations.

Il est chassable à tir en principe de septembre à fin février, sous terre du 15 septembre au 15 janvier, puis éventuellement à partir du 15 mai. Le blaireau ne figurant pas sur le plan de chasse et ses dégâts n'étant pas indemnisés, il peut être détruit par les agriculteurs comme « bête fauve » afin de lutter contre les dégâts engendrés.

Des mouvements animalistes anglo-saxons ont obtenu la protection du blaireau en Grande-Bretagne et en Irlande dès les années 1970, malgré de très importants foyers de tuberculose bovine ; dans ce contexte, la chasse du blaireau, et plus particulièrement sa chasse sous terre, ainsi que la période complémentaire de chasse font l'objet d'une contestation croissante dans notre pays.

Selon ses opposants et l'Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), qui a déposé la pétition, la vènerie sous terre, au-delà de sa cruauté, ne serait pas conforme à la convention de Berne, qui protège le blaireau, porterait atteinte à des espèces protégées, conduirait à chasser des jeunes non sevrés et serait contraire à la pratique d'une majorité de pays européens, alors qu'il serait possible de recourir à d'autres moyens pour gérer ces populations.

J'ai examiné l'ensemble de ces arguments.

Au sujet de la conformité de la chasse au blaireau à nos engagements internationaux, la réponse est sans conteste positive. Pour l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l'état des populations de blaireau est une « préoccupation mineure », située au plus bas niveau d'attention dans son classement, car les populations sont en bonne santé. La mention de cette espèce à l'annexe III de la convention de Berne signifie simplement que la réglementation doit assurer que l'espèce reste hors de danger, ce qui est le cas. En 2013 et en 2020, deux plaintes contre la France ont été rejetées par le Comité permanent de la convention, qui a jugé la réglementation satisfaisante s'agissant de populations en expansion, ce que nous ont confirmé l'Office français de la biodiversité (OFB) et le ministère de la transition écologique.

Si la chasse du blaireau est interdite dans quelques pays européens, notamment ceux du pourtour méditerranéen, où il est très peu présent, elle est largement pratiquée ailleurs, au total dans vingt pays en Europe. Le blaireau est même un gibier apprécié pour sa viande dans l'est de l'Europe.

Concernant les dégâts et l'autorégulation possible des populations, j'ai été surpris par l'importance des dégâts attribués aux blaireaux, qui justifient pleinement une régulation par la chasse, voire la destruction.

Tout d'abord, le blaireau est à l'origine d'un plus grand nombre de collisions routières que le sanglier, juste après le renard et le chevreuil.

Ensuite, les terriers causent d'importants dégâts sur les voies de circulation et, sans doute aussi, sur les digues. Il m'a été difficile d'obtenir des chiffres, aussi je me concentrerai sur les voies de chemin de fer, pour lesquelles un suivi précis est assuré. Pour faire face aux dégâts des blaireaux et éviter des déraillements dus aux affaissements de voies provoqués par les terriers - encore ce matin, la presse s'est fait l'écho de dégâts aux Pays-Bas sur des lignes de voies ferrées -, la SNCF assure le suivi de 460 ouvrages et 173 incidents sont répertoriés sur une période de vingt-cinq ans. Ils sont en augmentation et peuvent provoquer l'arrêt de la circulation dans 12 % des cas ou des ralentissements importants dans 35 % des cas. Les travaux d'injection de béton et de renforcement des remblais coûtent entre 80 000 et 400 000 euros pour chaque cas à traiter. Dans le Bas-Rhin, où la chasse du blaireau est interdite, la SNCF a expérimenté le déplacement de blaireaux dans un terrier artificiel spécialement créé à cet effet, ce qui a coûté 47 000 euros sans avoir un résultat certain. La SNCF n'estime pas l'expérience reconductible.

Quant aux dégâts agricoles, Chambres d'agriculture France estime que leur nombre va croissant dans 35 départements et qu'environ un tiers des dégâts attribués au sanglier pourrait être dû au blaireau, pour un coût de 14 millions d'euros. Ce chiffre doit être pris avec précaution, car les dégâts de blaireau ne sont pas indemnisés et donc pas réellement évalués. Une application a été mise en place en début d'année pour faciliter les déclarations. Il est trop tôt pour en avoir une idée plus précise.

Le principal sujet reste le rôle du blaireau dans l'épidémie de tuberculose bovine. La France a le statut de pays indemne depuis 2001, à la différence de l'Irlande et du Royaume-Uni. C'est très précieux pour l'exportation des produits laitiers et la commercialisation de la viande, car la maladie est transmissible à l'homme, même si le risque est actuellement minime.

Toutefois, la maladie a tendance à ressurgir dans certaines régions ou à s'y maintenir. L'an passé, 104 cas ont été répertoriés conduisant dans 70 % des cas à l'abattage, non seulement de l'intégralité du troupeau, mais aussi des autres animaux présents sur l'exploitation agricole, comme les chiens ou les chevaux, ce qui est traumatisant pour les éleveurs. Les chambres d'agriculture estiment le coût du dépistage et des abattages à plus de 30 millions d'euros.

Or, dans cette maladie complexe, la faune sauvage joue un rôle de relais ou de réservoir. Le cerf ou le sanglier peuvent être impliqués, mais il semble que le blaireau ait un rôle particulier, ce qu'a montré un rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) de 2019. En outre, récemment, une thèse s'appuyant sur une analyse génétique des souches de tuberculose bovine a clairement identifié le blaireau comme vecteur actif de la maladie.

Logiquement, autour des foyers, la destruction des blaireaux est organisée par piégeage ou tir de nuit. La vènerie sous terre y est interdite pour éviter la contamination des chiens.

Ces dégâts et la nécessité de réguler les populations de blaireaux ne justifieraient pas pour autant la chasse sous terre, si ce mode de chasse devait être considéré comme inacceptable, car on peut recourir à des moyens non létaux, au piégeage ou à des tirs de nuit. En outre, la vènerie sous terre est très peu utilisée dans les remblais de lignes SNCF et interdite dans les zones infestées par la tuberculose bovine.

Il faut donc répondre à trois reproches supplémentaires, relatifs à la chasse des juvéniles, au dérangement des animaux protégés et, in fine, à la question du stress imposé à l'animal.

En ce qui concerne la chasse des juvéniles, la question est de savoir à quel moment les blaireautins sont sevrés afin de déterminer la date de début de la période complémentaire, actuellement fixée au 15 mai. Si l'opinion majoritaire considère que c'est le cas, un débat scientifique existe néanmoins et les veneurs sont favorables à la conduite d'études sur le sujet. Au-delà de cet aspect, les associations environnementales souhaitent en réalité l'interdiction de la chasse des juvéniles avant la première reproduction. Une telle mesure, au-delà du cas du blaireau, rendrait très difficile la régulation du grand gibier, les juvéniles faisant partie du plan de chasse pour garantir l'équilibre du prélèvement, en sexe et en âge, et la maîtrise des populations. Il n'est donc pas possible d'aller aussi loin.

Quant au dérangement d'espèces protégées comme le chat forestier, c'est peu fréquent, et, pour ce qui concerne la loutre, réellement exceptionnel. Selon l'OFB et le ministère de la transition écologique, l'obligation d'arrêter la chasse dès lors qu'on a connaissance d'un animal protégé est une mesure suffisante.

Enfin, concernant le stress et la cruauté de la chasse, la plupart des actes dénoncés, notamment via des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, sont d'ores et déjà interdits par la réglementation. C'est donc une question non pas de réglementation mais de police. On le sait, les contrôles de l'OFB sont très insuffisants. Par ailleurs, l'Association française des équipages de vènerie sous terre dénonce l'ensemble des comportements répréhensibles portés à sa connaissance. Sur le stress en lui-même de l'animal, peu de travaux scientifiques existent et ceux-ci ne vont pas tous dans le même sens. Les opposants estiment que, pour le blaireau, qui n'a pas de prédateur sous terre, le déterrage inflige un stress violent pendant plusieurs heures. Les veneurs répondent que le blaireau étant plus fort que le chien et s'estimant à l'abri de toute atteinte, surtout après un contre-terrage, c'est-à-dire l'obstruction de la galerie entre lui et le chien, il ne subit pas de stress exagéré... Je ne trancherai pas le débat, mais je relève que pour les opposants ce qui est en réalité inacceptable, c'est de chasser par loisir sans nécessité absolue. C'est bien là que se situe le débat de fond. D'un côté figurent ceux qui estiment que le propre de l'homme et le sens du progrès justifieraient d'abandonner son rôle de prédateur, seule la régulation des dégâts restant acceptable en compensation de la protection de la nature. De l'autre côté se trouvent ceux qui estiment qu'il est dans la nature de l'homme et qu'il relève de sa place dans le vivant de chasser des animaux sauvages, et qu'il s'agit d'une activité légitime et faisant partie de la culture de l'homme. Je me situe personnellement dans la seconde catégorie.

Cela me conduit à la seconde pétition, qui vise à demander l'abolition de la vènerie et qui porte principalement sur ce débat.

Dans une mesure moindre que pour la vènerie sous terre, je pense que la plupart d'entre nous n'avons pas eu l'occasion de suivre une chasse à courre. Tout au plus avons-nous, dans nos fonctions d'élus, assisté à une messe de la Saint-Hubert.

La vènerie consiste à chasser un animal seulement avec l'aide d'une meute de chiens, ceux-ci étant entraînés pour cela et spécialisés sur un seul animal. Elle se pratique sans arme, sauf à la fin de la chasse au cerf et au sanglier, où l'animal se défend contre les chiens et doit être achevé. On distingue habituellement la grande vènerie, qui se pratique à cheval et qui consiste à chasser le cerf, le chevreuil ou le sanglier, et la petite vènerie, qui se pratique à pied et qui a pour objet le renard, le lièvre et le lapin.

La vènerie est actuellement l'un des modes de chasse les plus dynamiques : les équipages sont plus nombreux aujourd'hui qu'au XIXe siècle, les femmes sont proportionnellement dix fois plus nombreuses qu'à la chasse à tir - 25 % - et on compte aussi beaucoup plus de jeunes - 25 % de moins de 30 ans -, car l'absence d'arme à feu, la dimension sportive et proche de la nature séduisent. On dénombre environ 400 équipages et 10 000 veneurs. Si l'image de la vènerie du cerf est bien présente, elle représente moins de 10 % du total. La majorité des équipages sont à pied, courant derrière le lapin, le lièvre et le renard. En moyenne, les équipages ne prennent pas plus d'une fois sur quatre, car l'animal chassé se révèle plus endurant et plus rusé. La vènerie ne prélève pas plus de 5 000 animaux sur un total de 18 000 journées de chasse.

La pétition déposée par le parti animaliste reproche à la chasse à courre d'être un héritage de l'Ancien Régime, un loisir cruel remontant à l'époque féodale, d'imposer un stress inacceptable aux animaux, de chasser le cerf pendant le brame, c'est-à-dire sa période de reproduction, de maltraiter chiens et chevaux et, enfin, elle souligne le fait que la vènerie est interdite dans plusieurs pays européens. Là aussi, j'ai voulu examiner au fond chaque argument.

Commençons par l'accusation de chasse pendant la période de brame. En fait, la Société de Vènerie demande de ne pas chasser ou de gracier les cerfs participant à la reproduction, c'est-à-dire ceux portant plus de dix cors. J'ajoute que la chasse à tir est autorisée pendant cette même période et qu'il en est de même pour le chevreuil avec les tirs d'été. Quant au sanglier, il se reproduit de plus en plus toute l'année...

Ensuite, affirmer que la chasse à courre est interdite partout sauf en France est inexact. Certes, en Allemagne, Goering l'a faite interdire, car il avait un intérêt personnel pour la chasse à l'approche, mais est-ce un modèle ? Elle est aussi interdite en Belgique, depuis le milieu des années 1990, faute de grandes forêts dans un pays très urbanisé. Enfin, en Grande-Bretagne, l'interdiction de principe, édictée en 2005 et regrettée par Tony Blair dans ses mémoires, n'empêche en réalité aucun équipage de chasser le renard... Notons par ailleurs que la chasse à courre, principalement celle qui est relative au renard et au coyote, est autorisée et pratiquée en Irlande, en Irlande du Nord, au Canada, aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Une forme proche de la chasse au sanglier existe aussi au Portugal.

La vènerie est, il est vrai, très ancienne. Ses origines remontent à cinq cents voire à six cents ans, et elle était pratiquée par les rois et la noblesse. Toutefois, en dehors peut-être de la vènerie du cerf, qui reste coûteuse - plusieurs milliers d'euros de cotisation hors frais liés aux chevaux -, les autres formes de vènerie sont plus accessibles. La cotisation est de l'ordre 1 500 euros pour le chevreuil ou le sanglier, moins de 500 euros pour la vènerie à pied du renard, du lièvre et du lapin. La quasi-totalité des équipages sont des associations dans lesquelles le bénévolat joue un rôle central. Tous ont introduit des cotisations bien moins élevées pour associer aux frais les suiveurs et amis qui le souhaitent. Au-delà des adhérents, environ 100 000 personnes suivent gratuitement les chasses. Des chercheurs du CNRS, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, ont montré voilà quelques années que cela donnait lieu à un brassage social inédit et connu nulle part ailleurs.

Cet héritage vivant est aussi une richesse. Pensons à la peinture, à la sculpture, aux monuments, à la trompe de chasse classée au patrimoine immatériel de l'Unesco, aux races de chiens spécifiques ou encore à la langue française : « être d'attaque », « marcher sur les brisées » ou « courir deux lièvres à la fois » sont des expressions tirées de la vènerie. Toutefois, on doit souligner un point moins connu, relevé par l'anthropologue Charles Stépanoff, à savoir que la vènerie est un lieu de transmission d'un savoir écologique et éthologique populaire des communautés rurales, particulièrement précieux dans la crise écologique que nous traversons.

La vènerie, en elle-même, porte la tradition d'une chasse respectueuse des écosystèmes, aux prélèvements très mesurés. La légende de Saint Hubert, qui de chasseur excessif devint religieux, ou le mythe de la « chasse sauvage », regroupant les chasseurs insatiables condamnés à errer éternellement la nuit dans les campagnes, en sont des témoignages étudiés par l'ethnologue Bertrand Hell, dans son livre Le sang noir, qui est resté une référence.

Concernant le bien-être animal, je vous propose d'examiner successivement la situation des chiens, celle des chevaux et celle des animaux chassés.

Pour ce qui concerne les chiens, je veux en premier lieu indiquer qu'aucune des administrations interrogées n'a signalé d'irrégularité sur la tenue des chenils ou de plainte relative à de mauvais traitements infligés aux chiens, qui sont plus de 30 000 actuellement. Selon sa définition juridique même, un équipage de vènerie est constitué d'une meute de chiens servis par des hommes et non l'inverse. C'est dire combien le soin, voire l'amour, des chiens est central. Conservant son instinct grégaire et de prédation, le chien de meute est sélectionné, nourri et entraîné pour de longues courses. Les chiens sont nourris avant la chasse contrairement à ce qui se dit. Par ailleurs, Charles Stépanoff comme Bertrand Hell ont pu relever différents indices montrant que la vènerie dépasse la barrière cartésienne entre l'homme et l'animal, mettant en lumière une véritable commensalité entre l'homme et le chien. Le veneur parle aux chiens par des huchements, comme il les écoute d'ailleurs. Le chien de vènerie est admis à la messe de la Saint Hubert. Chaque chien est un individu. Un maître d'équipage a non pas cent chiens mais « cent fois un chien », comme cela m'a été rappelé maintes fois. Depuis l'origine, les veneurs conservent la mémoire de leur chien : par exemple, le nom de l'équipage du président de la Société de Vènerie est celui de l'un de ses anciens chiens, « le rallye Tempête ». Ils sont, à certains égards, les ancêtres de nos chiens de compagnie.

Pour ce qui se rapporte à la relation aux chevaux, pour un peu moins de la moitié des équipages, les accusations de mauvais traitements ne sont pas corroborées par les faits. Les quelque 7 000 chevaux de chasse sont issus des réformes des courses et auraient été condamnés à la boucherie s'ils n'avaient pas été rachetés par les veneurs. Ces veneurs cavaliers ont été formés dans des clubs d'équitation. Leur équipement est conforme à ce qui se pratique pour l'équitation d'extérieur. Beaucoup sont licenciés de la Fédération française d'équitation, qui organise un championnat de France du cheval de chasse depuis plus de vingt ans. Comme elle le fait pour les soins aux chiens, la Société de Vènerie organise des formations pour inciter les cavaliers à progresser en matière de soin aux chevaux.

Reste la question de l'animal chassé. Les opposants à la vènerie s'appuient sur une étude datant de 1997, réalisée en Angleterre, montrant l'épuisement physiologique de cerfs tués à l'issue d'une chasse à courre. Les veneurs estiment, pour leur part, que ce mode de chasse reproduit la prédation naturelle exercée par les loups et qu'il n'est pas cruel, c'est-à-dire qu'il n'existe aucune intention de faire souffrir dans la situation naturelle de confrontation d'une proie et d'un prédateur. L'animal l'emporte le plus souvent du fait de ses ruses instinctives et de son endurance. Un animal chassé, mais manqué, récupère rapidement et pourra être chassé de nouveau créant parfois de véritables légendes autour de cerfs identifiés, mais imprenables comme Le Rouge dans La dernière harde de Maurice Genevoix. Le veneur admire l'animal qu'il chasse. À cet égard, la coupe des jarrets présentée par la pétition comme courante est non seulement un acte qui n'est plus pratiqué depuis au moins un siècle, mais elle serait considérée comme contraire au respect dû à l'animal chassé.

Enfin, en m'appuyant sur les travaux d'anthropologie, je relève que la chasse à courre reconnaît à l'animal sauvage son individualité et même son caractère spirituel, au travers de la cérémonie de la curée qui a une dimension chamanique, en complète opposition avec l'animal-matière, objet anonyme de l'industrie agroalimentaire. De fait, la chasse, et plus particulièrement la vènerie, fait perdurer, par le partage de la venaison entre hommes et chiens ou par la conservation de certaines parties de l'animal, des pratiques d'incorporation ainsi que d'appropriation physique et symbolique de la force animale ou d'un culte aux puissances naturelles.

En conclusion, ma première proposition sera de rejeter les demandes des pétitions, parce que j'estime leurs arguments infondés en partie et que je crois que la chasse est une activité légitime faisant pleinement partie tant de notre nature que de notre culture.

Nonobstant ce point fondamental, je formule douze recommandations.

La première serait la création d'une journée de formation obligatoire des maîtres d'équipage et des piqueux, c'est-à-dire de ceux qui s'occupent des meutes, pour s'assurer qu'ils connaissent la réglementation et les enjeux.

Les propositions suivantes sont : l'accroissement des contrôles de l'OFB et de la rapidité des sanctions pour éliminer les comportements répréhensibles ; le maintien d'une gestion active des populations de blaireau, afin de limiter les dégâts engendrés, soit par la chasse, soit par des mesures de substitution non létales ; la saisine de l'Anses pour qu'elle actualise son analyse sur la tuberculose bovine au regard des dernières recherches ; le développement des études scientifiques sur la biologie du blaireau, grâce par exemple au fonds biodiversité financé par l'éco-contribution ; l'obligation de déclarer les prises de blaireau sur un carnet numérique de prélèvement, comme ChassAdapt ; le passage d'un an à trois ans des arrêtés préfectoraux sur la période complémentaire de chasse au blaireau par souci de simplification et de sécurité juridique ; la poursuite de l'adaptation de la vènerie du cerf au contexte périurbain, en Île-de-France et dans l'Oise notamment ; le développement de l'usage de l'arme à feu pour abréger les fins de chasse au cerf et au sanglier ; la nécessité de s'assurer que les équipages de grande vènerie ont accès à des territoires ouverts ; l'encouragement des efforts en faveur de la bonne cohabitation avec les autres usagers des forêts domaniales et les riverains ; enfin, l'amplification des formations en faveur du bien-être animal à l'intention des chiens et des chevaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion