Nous souhaitons en premier lieu que vous abordiez les éléments qui constituent pour vous, en tant qu'élus de territoires de montagne, des freins à l'exercice de votre mandat, ainsi que ceux qui continuent, à l'opposé, de motiver votre engagement.
En deuxième lieu, nous aimerions, en nous appuyant sur vos retours d'expérience, préfigurer la place qui pourrait être celle de la commune à l'horizon de 2030 et traduire vos attentes en propositions.
Alice Morel, maire de Bellefosse (Bas-Rhin), présidente de l'Association du Massif vosgien, membre du comité directeur de l'Association nationale des élus de la montagne (Anem). - Poser la question de l'avenir de la commune et du maire sous-entend qu'il existe une menace sur l'une et sur l'autre. De fait, quatre grandes menaces peuvent être identifiées : les transferts successifs de compétences, notamment aux intercommunalités, la diminution de la population, les complexités administratives et les responsabilités juridiques, et, enfin, le manque de considération, qui est un ressenti sans doute plus récent, mais largement partagé.
Dans ce contexte, les communes de montagne occupent une place particulière. Grandes ou petites, agricoles ou touristiques, les 6 107 communes aujourd'hui classées communes de montagne représentent 10 % de la population de notre pays, mais 25 % de sa superficie. Nous rappelons sans cesse que nous avons la chance de bénéficier, depuis près de quarante ans, de la première loi française s'appliquant à un territoire spécifique : la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne (loi Montagne).
Cette loi reconnaît que nos communes ont en commun des spécificités - la pente, le relief, l'altitude, le climat -, des handicaps - en matière d'accessibilité, de développement ou d'aménagement -, mais aussi un grand nombre d'atouts, qu'il convient de protéger : paysages, agriculture de montagne, forêts, ressources en eau. Or, dans les services des ministères, de nos régions ou de nos départements, rares sont les interlocuteurs qui font référence à cette loi pour appuyer les communes de montagne, alors même que la loi Montagne a été complétée en décembre 2016 par une seconde loi, qui réaffirme et renforce ces spécificités.
Aussi me permettrai-je quelques suggestions.
En matière de finances communales, d'abord, nous pourrions envisager, par exemple, de tripler le poids du critère voirie, dont nous avons obtenu l'intégration dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Par ailleurs, l'amélioration de la dotation dite « élu local », réservée aux plus petites communes, permettrait d'atténuer la diminution de la DGF. Sans mettre en péril les finances de l'État, ces deux mesures contribueraient à une plus juste reconnaissance de l'action quotidienne des maires et des communes au service de leurs habitants.
En outre, l'accès aux aides de l'État pourrait être facilité. Si l'abondement de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) est en principe une bonne nouvelle, il est difficile pour un maire de monter un dossier quand le taux d'aide oscille entre 20 % et 80 % ! Un signal fort pourrait être de privilégier les dossiers communaux et de leur attribuer 10 % supplémentaires, dès lors qu'un dossier émane d'une commune de montagne. Cela pourrait encourager nos élus départementaux et régionaux à faire de même et à mieux prendre en considération les petites communes et les communes de montagne.
L'autre volet consisterait à réaffirmer la commune comme premier échelon de proximité et le maire comme premier interlocuteur. Nous l'avons tous vu ces dernières années, notamment à l'occasion des crises climatiques, ce sont le maire, ses adjoints et les conseillers municipaux qui ont la meilleure connaissance du territoire et des moyens humains susceptibles de venir en aide aux habitants. De même, lors de la crise sanitaire, les solidarités villageoises, de proximité, ont été très fortes, en particulier dans les secteurs isolés, par exemple pour l'organisation des courses pendant le confinement ou pour la prise de rendez-vous de vaccination des publics les plus fragiles.
Dans les villes, on développe des politiques de quartier, on crée des journées citoyennes ou des fêtes des voisins, on flèche des budgets - les budgets participatifs - pour rapprocher l'action publique des citoyens. Dans nos communes, nous avons la chance d'avoir la proximité et la connaissance de nos territoires. En outre, bien qu'éloignés des grands centres urbains, nous bénéficions aussi des services numériques et savons les utiliser.
Il nous faut donc appuyer sur le bouton « Pause » des réformes et des transferts obligatoires de compétences, afin de conserver notre spécificité française : une organisation communale proche des habitants, pilier de la démocratie. En élargissant les périmètres des intercommunalités ou en fusionnant des cantons, les récentes réformes ont eu pour effet d'éloigner les élus intercommunaux et départementaux des habitants. Si l'on songe que les élus régionaux sont à 80 % des maires de grandes villes ou des présidents de grandes intercommunalités, l'élu le plus proche des citoyens reste le maire. Pour toutes ces raisons, j'ai confiance en l'avenir de la commune.