Contrairement à ma collègue, je pense que la différence entre le mandat de maire et celui d'adjoint est colossale : le téléphone sonne beaucoup plus ! Même dans une commune de 2 400 habitants, les gens réclament l'intervention du maire.
Guillestre a la chance d'être une commune touristique et saisonnière. Elle est située entre deux stations de ski - Vars et Risoul - et son territoire est occupé à 64 % par le parc national du Queyras. Guillestre, relevant du programme Petites Villes de demain, a un centre historique médiéval, une centaine de commerces et d'industries, des services publics encore actifs grâce à France Services, un cinéma communal, une crèche, un centre de vacances, un camping, une auberge, une piscine. La ville soutient enfin une quarantaine d'associations et on y trouve deux écoles communales, un collège et cinq hameaux...
Il y a cependant plusieurs ombres au tableau. Le taux de résidences secondaires, vides la plupart du temps, s'élève à 40 % et dans le centre ancien, 14 % des logements, souvent insalubres, sont vacants. Le grand trou béant au milieu du village est la cicatrice de l'effondrement, en 2014, d'une maison trop vétuste. Le presbytère a été fermé après une étude de structure inquiétante. Des saisonniers en camion, qui n'ont pas de terrain pour vivre l'hiver, occupent un terrain communal. La trésorerie a déménagé à une vingtaine de kilomètres. Les logements sont trop chers pour que les jeunes s'y installent. Une classe a fermé voilà quatre ans et une autre il y a deux ans.
Si le paysage est joli, le portrait que je viens de dresser illustre toutes les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Symbole de la République française, l'écharpe du maire est lourde à porter quand les budgets sont toujours plus contraints et les normes toujours plus incompréhensibles et déconnectées de la réalité. Des classes ferment et des enfants de 3 ans font vingt kilomètres chaque matin pour se rendre à l'école !
Le maire est de surcroît confronté à des administrés de plus en plus centrés sur eux-mêmes, à une société qui conteste le bien commun et les règles du bien-vivre ensemble et, enfin, à une crise démocratique qui, personnellement, m'effraie. L'éloignement des services publics crée de la frustration. Les violences verbales sont quasi quotidiennes et les responsabilités toujours plus lourdes pour compenser, parfois, l'inaction de l'État.
Malgré ce tableau noir - j'hésite à me représenter en 2026 -, je crois tout de même dans le rôle du maire. Cette fonction s'exerce d'autant mieux que ce dernier parvient à trouver un équilibre familial et qu'il peut s'appuyer sur une équipe municipale investie sur le terrain. Avec soixante-cinq agents sous ma responsabilité, je suis, de fait et sans avoir appris ces métiers, un manager et un DRH. Pour bien fonctionner, les communes ont également besoin d'un financeur - le département - qui soit proche et à l'écoute.
Après trois années de mandat de maire et deux de conseillère municipale, je me rends compte que la charge qui repose sur le premier magistrat de la commune est énorme. Le maire doit être à l'écoute des citoyens, mais aussi entendre leurs demandes et leurs propositions. Il doit être dans le concret, mais avoir une vision à long terme. Il doit réaliser des projets, mais respecter un budget défini par d'autres, avec de faibles marges de manoeuvre. Il fait des choix pour l'avenir. Cela fait la force de son mandat, mais aussi sa fragilité, en raison de la grande responsabilité que cela suppose.
Enfin, l'éloignement des compétences au profit de l'intercommunalité explique en partie, selon moi, la crise démocratique actuelle. Lorsqu'un problème d'assainissement se pose, les gens se tournent vers la commune, même si la compétence est dévolue à la communauté de communes. C'est toujours le maire que l'on appelle. C'est un beau mandat, mais il faut être solide !