Intervention de Sébastien Pradier

Mission d'information Commune et maire — Réunion du 29 mars 2023 à 17h00
Audition de maires de la montagne

Sébastien Pradier, président des maires ruraux de l'Ardèche, maire du Cros-de-Géorand :

Je suis maire d'une commune de 165 habitants, située à plus de 1 000 mètres d'altitude et dont les 4 500 hectares sont couverts par 70 kilomètres de voirie communale.

La fonction de maire est respectée par tous nos administrés. Le maire est en effet un couteau suisse, tour à tour assistant social, chef d'entreprise, comptable ou urbaniste. Mais les gens ne le comprennent pas. Un refus de permis de construire, justifié par exemple par le fait que te terrain visé jouxte les réseaux publics ou la station d'épuration voisine, entraînera inévitablement une déception.

De fait, une distance se crée avec les administrés, qui perdent la volonté de s'intégrer dans les conseils municipaux. Ainsi, dans ma commune, il y a toujours eu deux listes depuis 1945. En 2020, nous étions onze pour onze places, les derniers de la liste ayant accepté uniquement pour me rendre service. Aujourd'hui, ces onze conseillers municipaux ne sont jamais tous présents au conseil, alors que, en 2008, le conseil municipal était toujours complet.

Depuis le transfert des impositions aux communautés de communes, notre commune a vu ses ressources diminuer. S'il fallait une preuve du désengagement de l'État, je dirais que ma commune touchait, en 2008, 61 000 euros de DGF, 55 000 euros en 2014, 14 000 euros en 2020 et 55 euros en 2022. L'année prochaine, je pense que je devrai payer la DGF ! Et, évidemment, entretemps, les charges de voirie ou d'entretien n'ont pas diminué. Il devient difficile d'équilibrer nos budgets de fonctionnement et les communes qui étaient plutôt riches deviennent pauvres.

Notre communauté de communes compte 28 communes et 5 000 habitants, et il faut deux heures et quart pour aller d'un bout à l'autre. Or les deux communes les plus importantes, qui représentent un quart des recettes de la communauté, ne disposent que de deux voix sur quarante. Dans ces conditions, il est difficile de se faire entendre. Notre communauté de communes compte quarante délégués, mais, quand un conseil communautaire réunit vingt-cinq délégués, nous sommes déjà contents...

Devenir maire est de plus en plus difficile. Personnellement, j'ai la chance d'être chef d'entreprise et de pouvoir me libérer, mais les réunions trop nombreuses me semblent être une explication au désengagement des jeunes.

Je suis peu confiant quant à l'avenir du maire à l'horizon de 2030. Les petites communes rurales ne trouveront plus de candidats. Ainsi, dans la commune voisine de la mienne, huit conseillers municipaux ont démissionné et personne ne souhaite les remplacer...

Il est regrettable qu'on nous enlève des compétences, en particulier celle de l'eau. La commune la plus proche de mon domicile est située à 12 kilomètres. Trois réseaux publics alimentent quatre-vingt-cinq compteurs d'eau : j'imagine mal une gestion de l'eau par la communauté de communes, cela ne peut pas fonctionner.

Les maires des petites communes rurales et de montagne - double peine ! - doivent absolument se faire entendre. Songez qu'un mètre carré de terrain constructible coûte 150 euros dans le sud de l'Ardèche et 6 euros seulement dans ma commune ! Pas facile, dans ces conditions, d'être compris d'un préfet ou d'un sous-préfet, lorsque l'on demande davantage de surfaces constructibles !

J'avoue être pessimiste quant à la situation des maires à l'horizon de 2030, mais peut-être aurons-nous eu d'ici là le temps de nous ressaisir et peut-être serons-nous aidés à l'échelon national ?

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