Intervention de Yannick Cambray

Mission d'information Commune et maire — Réunion du 29 mars 2023 à 17h00
Audition de représentants d'associations de maires ultramarins

Yannick Cambray, maire de Saint-Pierre (Saint-Pierre-et-Miquelon) :

L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est composé de deux communes et d'un conseil territorial. Il s'étend sur 242 km2, pour 6 100 habitants. La commune de Saint-Pierre est le chef-lieu et compte 5 500 habitants ; c'est la plus petite des îles, à 24 km2.

Le conseil municipal est composé de 29 membres, 24 de la majorité et 5 de l'opposition. Pour 5 500 habitants, c'est trop. La difficulté à trouver des candidats pour établir les listes est un frein à la démocratie. Difficile également de garder des élus motivés, ce qui a des conséquences sur le quorum. Le conseil territorial, qui a beaucoup plus de compétences, ne compte que 19 élus, ce qui est largement suffisant.

Le mandat de maire occupe 8 à 9 heures par jour, quasiment 7 jours sur 7. Je suis artisan, donc issu du privé, et je vous confirme que l'indemnité de maire de 3 100 euros par mois n'est pas assez importante au regard de l'engagement demandé, et n'aide pas à trouver une relève, tant chez des fonctionnaires que chez des salariés du privé. Je peux me permettre d'assumer ce mandat parce que j'ai 62 ans et que j'approche de la retraite. Les adjoints au maire ne touchent que 900 euros par mois, alors que je leur délègue beaucoup de tâches.

J'ai plaidé durant toute ma carrière pour le non-cumul des mandats, mais après trois ans comme maire, je le regrette, pour une raison de poids politique. J'ai la chance d'être maire et membre du Conseil économique, social et environnemental (Cese) : cette seconde casquette me permet d'ouvrir des portes de façon inespérée, et par exemple d'être reçu au ministère des outre-mer, de défendre ma commune, d'obtenir des financements. C'est une façon de mieux se faire entendre. Un parlementaire devrait pouvoir être maire d'une petite commune, et ainsi être ancré dans le territoire.

Mes concitoyens sont de plus en plus exigeants et demandent des réponses souvent immédiates. Je n'ai pas subi de violences, mais le poids des réseaux sociaux est parfois pesant, surtout dans un petit territoire comme le mien.

Vous parlez dans votre questionnaire de la crise des vocations. Ce mandat me prend toute ma vie, il exige de s'y consacrer exclusivement et je n'envisage pas de me représenter.

Le taux de participation aux élections territoriales dans les outre-mer reste plus élevé qu'en métropole, car ce sont un peu nos élections présidentielles. Les élections municipales sont aussi très suivies : en mars 2020, à Saint-Pierre, la participation a été de 57 %, malgré la crise du covid-19 et l'annonce des confinements. La participation est habituellement de 70 %, comme en 2014 ; elle était de 73 % en 2008.

La principale difficulté est l'ingénierie. Nous avons la chance de disposer d'un bureau d'étude dont nous avons doublé l'effectif, passant de deux à quatre agents. Se reposer sur un bureau d'étude solide est nécessaire pour être indépendant et gage d'efficacité pour monter des projets, présenter des dossiers et trouver des financements. Nous obtenons ainsi un taux d'autorisations d'engagement exemplaire, de 94 %.

L'accroissement des lourdeurs administratives et les transferts de compétences chargent notre barque. La gestion des établissements recevant du public (ERP) a été dévolue par la collectivité territoriale aux deux communes, tout comme la gestion des taxis. Les services incendie relèvent aussi de la compétence des communes. Cela fait beaucoup. Il n'y a pas d'intercommunalité, mais nous coopérons dans plusieurs domaines, sur la formation des pompiers, les démarches auprès de la collectivité ou de l'État, ou la question épineuse de la gestion des déchets. Cette gestion ne repose actuellement que sur les deux mairies, ce qui est scandaleux, comme le rappelle un rapport sénatorial de décembre dernier. Je tiens à souligner la bonne entente entre les maires. Nous coopérons par exemple avec notre école de voile.

L'accompagnement de l'État est réel et les relations avec la préfecture sont bonnes. J'ai instauré une réunion mensuelle entre la directrice générale des services (DGS) de la mairie et la secrétaire générale de la préfecture, qui permet de lever les blocages.

Le soutien aux investissements de la commune bénéficie du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) du ministère des outre-mer, pour 2,5 millions d'euros par an, ce qui représente une somme très importante pour une commune de 5 500 habitants. Ces crédits sont dépensés, avec - je le rappelle - un taux d'autorisations d'engagement de 94 %.

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