Miquelon-Langlade, du fait de la double insularité, est une commune très isolée ; elle s'étend sur 200 km2, pour 600 habitants. Le mandat de maire a de moins en moins de succès : il n'y avait pas de liste en 2020 et la commune risquait de disparaître. Nous comptons 11 conseillers au lieu de 15, car nous n'avons pas réussi à obtenir une liste complète.
Depuis le début de mon mandat, je suis surpris par l'étendue du chantier : les sujets sont nombreux or nous avons très peu de moyens. L'indemnité est de 900 euros pour les adjoints et de 1900 euros pour le maire, ce qui m'oblige à travailler à côté de mon mandat. Il faudrait donner les moyens aux employeurs de libérer du temps pour les élus. Bien que salarié d'une grande entreprise, EDF, j'ai du mal à me libérer, alors que ma petite commune est directement en lien avec les ministères, la préfecture et la collectivité territoire et que nous présentons un projet phare de déplacement de village, unique en France.
Le nombre d'élus est trop important : pour 600 âmes, dix élus suffiraient.
Il faudrait permettre le cumul les mandats dans les petites communes. J'assume aussi un mandat de conseiller territorial, qui ne m'apporte quasiment rien de plus que mon indemnité de maire.
Le soutien de l'État est important, nous obtenons régulièrement des subventions, mais faute d'ingénierie, il est difficile de monter des dossiers. J'ai cependant obtenu une petite aide du ministère des outre-mer pour des prestations d'assistances à maître d'ouvrage - cela reste insuffisant - et nous avons fait appel à un juriste, notamment au regard de la responsabilité pénale du maire. Pour attirer les jeunes, il faudrait leur assurer une défense pénale et une rétribution à la mesure des risques encourus.
Nous sommes en position de vassal face à l'intercommunalité, il est très difficile de se faire entendre. Ma commune n'est pas compétente en matière de foncier et d'urbanisme ; je subis l'urbanisation de certaines zones, avec obligation d'y assurer les services de secours. Nous sommes aussi seuls à gérer les déchets. Tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés s'affichent sur les réseaux sociaux ou les médias - difficile d'attirer les jeunes dans ces conditions. Il nous faut respecter de plus en plus de normes avec de moins en moins de moyens. La responsabilité pénale est très lourde à porter. Mon collègue de Saint-Pierre a passé six heures en gendarmerie pour une question de gestion des déchets, ce que je ne souhaite à personne.
Le taux de participation aux élections est de 70 %, signe de l'attachement de la population à sa mairie, comme à la collectivité. Mais les populations identifient mal le partage des compétences et s'adressent systématiquement au maire, hélas souvent démuni pour répondre aux demandes. En l'absence d'intercommunalité, qui est le niveau compétent en métropole, la compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) est revenue à la mairie de Miquelon, mais il nous est impossible de gérer les dizaines de kilomètres de dunes et de faire face à l'érosion marine, malgré notre responsabilité juridique.
Il faut que l'État nous entende. Appliquer sans discernement un schéma métropolitain à des situations ultramarines spécifiques ne marche pas.
À court terme, notre commune risque de disparaître. Je ne me représenterai pas : le mandat est trop lourd et empiète sur ma vie privée. Les réseaux sociaux sont omniprésents. La période « covid » a été très difficile, à cause des confinements et des vaccinations obligatoires. J'en vis les conséquences aujourd'hui : certains administrés ne m'adressent plus la parole. Les mesures imposées par l'État ont disparu, mais pas la rancune, ce qui ne me donne pas envie de continuer la politique. Face à la lourdeur des normes et l'absence de moyens, par manque de maires, les mairies ultramarines et métropolitaines, malheureusement, n'ont pas fini de disparaître.