J'ai envoyé une contribution écrite qui complétera mes propos.
Les questions majeures auxquelles les soignants sont confrontés sont, plus que l'euthanasie, celles de l'obstination déraisonnable, du soulagement de la souffrance et de l'absence totale de culture palliative dans les études médicales et paramédicales. C'est là qu'est l'urgence.
Paulette Guinchard n'a jamais varié dans ses positions : elle a toujours été en faveur du suicide assisté et hostile à l'euthanasie. Elle n'a donc pas changé d'avis en allant finir ses jours en Suisse.
Quant à l'inégalité, elle vaut dans tous les compartiments de l'existence. Faut-il prévoir des mécanismes compensatoires pour ceux qui ne peuvent pas aller en Suisse ou en Belgique ? Il conviendrait d'abord de résoudre la question de savoir si la société trouve normal que les gens se suicident. Quand quelqu'un est suicidaire, les soignants font tout leur possible pour l'aider à retrouver goût à la vie sans penser d'emblée à l'envoyer en Suisse.
En ce qui concerne Henri Caillavet, même si je suis très hostile à la dépénalisation du suicide assisté et à la légalisation de l'euthanasie, j'étais son ami. Toute sa vie, il est resté encombré par le fait d'avoir tué son père qui n'était ni en fin de vie ni malade, et cela alors que celui-ci s'était montré tyrannique toute sa vie. Il faut être attentif à l'arrière-fond des situations.
En ce qui concerne Vincent Humbert, le tableau clinique qu'a dressé M. Comte-Sponville ne correspond pas à la réalité médicale. Son kinésithérapeute, son ergothérapeute et son médecin n'ont jamais eu le même discours que celui qui a été médiatiquement imposé et selon lequel il voulait mourir. Les médecins disent exactement le contraire. Combien de fois les choses se produisent-elles ainsi ?
J'étais l'ami de Guy Goureaux, qui était le bras droit de Jean-Marc Ayrault quand celui-ci dirigeait sa première municipalité. Il était atteint d'une maladie incurable, de sorte que les médecins disaient qu'il mourrait enfant. Il a survécu et n'est mort qu'à 85 ans après une vie bien remplie. Son fils disait qu'il avait été « en soins palliatifs toute sa vie ». Autrement dit, on peut être atteint d'un mal incurable et être soigné, ce qui n'est pas la même chose que d'en guérir.
Je suis pour une société qui développe l'éthique de l'autonomie et je suis un fervent partisan de la liberté - il ne faut pas empêcher juridiquement les gens de se suicider -, mais je considère aussi qu'une société digne de ce nom est celle qui reconfigure l'éthique de l'autonomie par une éthique de la vulnérabilité : elle doit prendre en compte la fragilité et la faiblesse de l'être humain, et plus largement le tragique de la condition humaine, qui reste immuable, quelles que soient les lois que vous pourrez voter.