En effet, le rôle de l'armée est également de lutter contre les menaces intérieures : les trafics, la déforestation, l'orpaillage...
En ce qui concerne la crise vénézuélienne, elle a mis sur les routes 7 millions de Vénézuéliens, soit 20 % de la population - le chiffre a augmenté - pour se rendre au Brésil, mais aussi en Colombie ou au Chili. Cette crise multidimensionnelle dure depuis une dizaine d'années. Nous essayons d'y répondre et espérons que le Brésil de Lula incitera Nicolás Maduro à organiser des élections libres et démocratiques en 2024. Le processus de négociation est actuellement suspendu. La proximité des élections américaines n'y est pas étrangère, car le congrès suit de près tout ce qui concerne le Venezuela.
En attendant, le Brésil ou la Colombie ont donné un statut à ces migrants pour qu'ils ne soient privés ni d'accès à la santé ni de droit au travail. Tant que la crise vénézuélienne ne sera pas résolue, il est certain que ces migrations massives se poursuivront.
Pour ce qui est de la coopération transfrontalière, elle est ancienne et vise notamment à lutter contre la venue d'orpailleurs brésiliens en Guyane, qui utilisent du mercure pour trouver de l'or et qui polluent ainsi les eaux. Elle doit toutefois être renforcée, ce dont est conscient le nouveau gouvernement brésilien, qui a augmenté la dotation du comité de coopération policière à la frontière. Une opération conjointe a récemment été menée sur le fleuve Oyapock.
La question de la lutte contre l'orpaillage, le trafic et la pêche illégale est prise au sérieux par le Brésil. L'État de l'Amapá est d'ailleurs très concerné. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque vous vous y rendrez, vous pouvez insister sur la nécessité de renforcer la coopération entre nos deux États en vue de la commission mixte qui se tiendra à Cayenne au début du mois de juillet.
Sur les présences chinoise et russe, nous savons que la Chine a fortement investi le continent, au travers d'investissements nombreux, qui peuvent se faire à bas bruit. Celle-ci voit l'Amérique du Sud comme un réservoir de ressources naturelles et est destinataire d'une grande partie du commerce extérieur des pays du continent. Accentuer la présence européenne pourrait ralentir la montée en puissance de la Chine sur le continent, qui se traduit pour le moment par une forte présence économique.
Par ailleurs, la Chine cherche à légitimer sa politique à l'égard de Taïwan : sur les quatorze États qui reconnaissent encore Taïwan, huit se trouvent en Amérique latine et dans les Caraïbes. Lorsqu'un État bascule sur la question, à l'instar du Nicaragua l'année dernière et du Honduras il y a quelques jours, la Chine engrange une victoire diplomatique.
La Russie est peu présente sur le plan économique, mais compte des alliés fidèles en Amérique latine - Venezuela, Nicaragua, Cuba -, qui ont résisté aux sanctions américaines grâce au soutien russe. La pénétration d'acteurs étrangers peut ainsi contribuer à pérenniser les crises.
Une partie du secteur privé est en effet défavorable à Lula ; c'est la raison pour laquelle il a nommé un ancien ennemi politique, libéral, vice-président et ministre de l'industrie et du commerce : Geraldo Alckmin. En réalité, Lula ne va pas remettre en cause la primauté de l'agronégoce, qui est un volet très important de l'économie. En outre, le Brésil souhaitant se réindustrialiser, Lula ne souhaite pas se mettre à dos le secteur privé.
La question des autochtones est très importante et le Gouvernement compte désormais une ministre des peuples autochtones, ainsi qu'une ministre des droits des femmes. Le gouvernement de Lula a fait un geste important en organisant des rencontres avec les populations Yanomami, qui souffrent de l'orpaillage et de la déforestation. Il compte défendre leur mode de vie traditionnel, tout en les encourageant à se montrer respectueux de l'environnement.
Enfin, monsieur Vaugrenard, le Brésil ne s'est abstenu qu'une seule fois au conseil de sécurité des Nations unies sur les questions d'annexion de territoires ukrainiens. En général, il se prononce en faveur des résolutions de l'assemblée générale, comme celle du 23 février qui a marqué l'anniversaire de l'agression russe en Ukraine.
Sa position, qu'il souhaite équilibrée, est liée à des raisons politiques - apparaître comme une puissance libre de ses choix -, mais également économiques, liées à sa dépendance aux engrais. Ainsi, nous étudions la manière dont l'Union européenne pourrait constituer une source d'approvisionnement alternative, car il est compliqué pour les Brésiliens de produire eux-mêmes des engrais.