Je suis heureux de m'exprimer aujourd'hui devant votre commission. Vous vous en souvenez peut-être, nous avons déjà eu l'occasion d'échanger lors de débats législatifs antérieurs. Il est très gratifiant de pouvoir donner suite à mon rapport, dont les préconisations ont été mises en oeuvre assez rapidement, et de manière efficace.
Que font la CDC et la Banque des territoires pour la rénovation thermique ? Même si la mission portait sur les logements privés, ce secteur ne fait pas partie des mandats confiés à la CDC - comme vous le savez du reste, puisque deux sénateurs siègent à la commission de surveillance. Pour autant, la CDC a depuis des années en charge la rénovation, notamment thermique, du logement social. Notre activité en la matière est un succès, à en juger par l'état du parc du logement social par rapport à celui du parc privé : le premier est très en avance. Il est vrai que les bailleurs sociaux sont des professionnels de l'immobilier : leurs équipes savent prendre en charge un parc immobilier, un patrimoine, et l'entretenir.
Depuis 2009, la CDC a réalisé 500 000 réhabilitations de logements sociaux en mobilisant 20 milliards d'euros, essentiellement par le fonds d'épargne, c'est-à-dire le livret A. Je parle ici des opérations qui ont réalisé un gain énergétique d'au moins 40 %, ou permis d'obtenir au moins un classement en étiquette D.
La CDC, qui s'est engagée très résolument vers la transition écologique depuis le nouveau mandat du directeur général Éric Lombard, agit pour la rénovation thermique des logements sociaux, mais aussi des bâtiments publics que sont les écoles, les bâtiments communaux, les collèges et les lycées. En cinq ans, nous avons rénové un million de mètres carrés de bâtiments publics.
Pour atteindre ces objectifs, nous essayons d'être aussi innovants que possible. Ayant auparavant travaillé dans le secteur du digital, j'avais plaidé pour la mise en place d'une plateforme. Nous nous efforçons de mobiliser l'innovation numérique pour favoriser la rénovation thermique. Par exemple, nous avons mis gratuitement Prioréno à la disposition des collectivités locales. Cet outil collecte en temps réel toutes les consommations d'électricité et de gaz, chez Enedis et GRDF, pour aider les élus à prioriser les rénovations. Il a remporté un grand succès, puisque plus d'un millier de collectivités locales l'utilisent.
Comme vous l'avez rappelé, madame la présidente, la première des recommandations du rapport était de mettre en place un accompagnement des ménages. Nous avions constaté combien ceux-ci étaient démunis, en effet, ce qui est la porte ouverte à tous les abus et à l'écodélinquance. J'ai considéré que, pour des politiques de rénovation relativement coûteuses - 3 milliards d'euros environ -, l'accompagnement financier devait être pris en charge par la puissance publique, à hauteur de 10 %. Comme il doit respecter un standard national, quel que soit le point du territoire - outre-mer, en milieu rural, métropolitain, en quartier ou en milieu montagnard -, cet accompagnement doit être pris en charge par l'État.
Sur le fond de l'aide, c'est-à-dire la rénovation elle-même, les collectivités territoriales pouvaient avoir toute liberté. Très légitimement en effet, selon leur mandat, leur politique et leur programme, les élus ont des objectifs différents. Je me souviens d'une discussion avec Pia Imbs, présidente de l'Eurométropole de Strasbourg, qui souhaitait favoriser les matériaux biosourcés, par exemple, ou d'un échange avec Patrick Vergriete, maire de Dunkerque, qui souhaitait faire surtout des rénovations de quartier. Chacun avait son programme. Si l'État prenait en charge 10 % du financement, je pensais que les 90 % restants devraient être laissés à la libre disposition de chaque collectivité locale pour orienter les politiques, non pas sur le conseil, mais sur le fond de la rénovation et l'essentiel de l'aide.
Mon rapport évaluait ce marché à 300 millions d'euros environ. J'ai pensé qu'il fallait l'ouvrir autant que possible à des prestataires, mais agréés et contrôlés par l'État. J'ai donc été étonné de voir émerger la problématique du conflit d'intérêts : il est assez facile de faire contrôler les prestations a posteriori par les services de l'État, qui donnent leur agrément et, de plus, rémunèrent. On a dit que, si EDF entrait sur ce marché, seule l'électricité serait priorisée - ou seul le gaz si c'était Engie. Il me semble pourtant que ce serait assez facile à contrôler : si 99 % des rénovations étaient faites en utilisant du gaz, il serait facile de le détecter et de corriger le problème. Plutôt que de faire un procès d'intention, donc, il m'a semblé plus intéressant d'ouvrir le plus largement possible le métier d'accompagnateur de rénovation, car les besoins sont considérables.
Ma première proposition était donc de généraliser Mon Accompagnateur Rénov' et de le rendre obligatoire, ce qui a été fait depuis le 1er janvier.
Cette mesure a pour but d'accompagner les ménages dans trois domaines critiques.
La phase du diagnostic, d'abord, pour comprendre ce qu'il faut faire pour rénover et trancher entre les avis divergents. Les ménages sont souvent perdus, en effet : par exemple, faut-il changer le système de chauffage, comme proposé par un chauffagiste, ou refaire d'abord l'isolation ? Ils ont besoin de pouvoir s'appuyer sur un conseiller fiable et indépendant.
Le plan de financement, ensuite. Beaucoup d'aides existent. Nous aurions pu préconiser de simplifier tout le dispositif de financement. Mais chacun veut aider, et l'existence d'une multitude d'aides est une bonne chose. Il faut simplement que cette complexité soit prise en charge par une instance capable de faire un plan de financement après recensement des aides.
Les modèles de tiers financement, recommandés notamment par France Stratégie, reposaient sur l'idée qu'il existerait une espèce de martingale : que les économies d'énergie obtenues financent les travaux. Nous n'avons pas trouvé cette martingale. Certes, les rénovations permettent de faire baisser la facture en diminuant la consommation. Mais la crise actuelle a bien montré que le prix du kilowattheure n'est pas fixe. Vous pouvez réaliser 20 % d'économies, si le prix de l'énergie augmente de 20 %, cela ne suffira pas à compenser le coût des travaux. De plus, les comportements changent : il suffit de s'équiper d'une voiture électrique, ce qui n'a rien à voir avec la rénovation thermique, pour que la facture d'électricité augmente. Ces modèles de tiers financement ne m'ont donc pas convaincu. Ils sont adaptés à certains cas, comme des copropriétés, ou à des systèmes où les performances peuvent être encadrées par des contrats de performance énergétique, mais ils ne peuvent pas répondre à la problématique majoritaire, qui est la rénovation de la maison individuelle.
Troisième mission : accompagner durant la phase des travaux, souvent angoissante. Où en est le prêt avance rénovation ? Seuls la Banque postale et le Crédit Mutuel le distribuent. Et seuls quelques dizaines de prêts ont été signés. J'ai interrogé les réseaux bancaires, qui m'ont signalé un blocage que je n'avais pas vu : il est conçu pour des ménages âgés, qui n'ont plus accès au crédit, mais pour une rénovation globale, qui implique de déménager pendant la période de travaux. Or, même si la solution de financement existe, il peut être angoissant de déménager pendant les travaux. Bien souvent, les ménages, passé un certain âge, se résignent à ne pas faire la rénovation. Nous devrions donc prévoir aussi un accompagnement à l'hébergement temporaire durant la durée des travaux.
Il faut envisager deux éléments de structuration de la filière. D'abord, la formation à Mon Accompagnateur Rénov' et à ces métiers. La Banque des territoires y participe et finance quelques écoles de rénovation, notamment l'École de la rénovation énergétique à Bordeaux, initiée par Thomas Cazenave, dont on connaît l'engagement sur ces sujets. Je pense que c'est extrêmement important, car ce sont des métiers techniques, dans lesquels il y aura beaucoup de besoins. Puis, le développement de la filière industrielle. Paradoxalement, nous avons de grands acteurs dans les matériaux de rénovation, comme Saint-Gobain, mais pas dans les métiers en proximité de l'usager, où nous sommes plutôt dans le monde de l'artisanat.
Enfin, je termine par votre question sur la seconde vie. Nous soutenons cette initiative et le Gouvernement a autorisé une expérimentation sur 900 logements, en donnant une aide de 16 000 euros par logement, qui transitera par le Fonds national des aides à la pierre (Fnap). Notre pays connaît actuellement une vraie carence dans la construction de logements. Tous les indicateurs sont au rouge. Donner une seconde vie au bâtiment permet de construire des logements sans artificialiser. C'est une idée très prometteuse.