Intervention de Olivier Sichel

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 27 mars 2023 à 15h00
Audition de M. Olivier Sichel directeur général délégué de la caisse des dépôts et consignations cdc

Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) :

De nouveau, je pense qu'il ne faut pas appréhender ce sujet uniquement via le prisme financier.

Je prendrai l'exemple de la rénovation des bâtiments publics, qui sont à la charge des collectivités locales - les lycées pour les régions, les collèges pour les départements, les écoles pour les communes. L'argent ne manque pas, puisque c'est le livret A qui finance ; la durée ne manque pas, puisque nous pouvons prêter sur vingt, trente ou quarante, voire cinquante ans. Nous avons des dispositifs dits d'intracting qui nous permettent d'identifier les économies d'énergie dans le budget. Pour autant, le parc public est très en retard. Pourquoi ? Quand je discute avec les élus, je m'aperçois que le problème n'est pas tellement d'ordre financier : c'est la conduite de projets qui est assez lourde. En effet, il faut avoir une connaissance du patrimoine, passer des appels d'offres avec parfois des contraintes sur l'emploi - on sait bien que l'offre des entreprises n'est pas suffisante. Les interlocuteurs sont assez « purs », dans la mesure où ils savent très bien faire : ils connaissent le budget pour la rénovation thermique et le montant de la dépense d'énergie.

Quand il s'agit des logements, on est dans le diffus. Un fonds est un dispositif où l'on imagine se retrouver grâce aux économies d'énergie sur une longue durée - on sait bien que les amortissements dureront quinze ou vingt ans. Pour autant, il faut aller au bout de la démarche et je l'ai fait avec les équipes de France Stratégie : cela suppose de s'assurer de l'engagement du ménage à avoir le même comportement pendant toute la durée du prêt. Ainsi, il faut que M. et Mme Sichel, dont les travaux de rénovation s'élèvent à 80 000 euros, s'engagent à avoir la même facture énergétique chez Engie, c'est-à-dire le même type de consommation pendant les vingt prochaines années. On dit que ce sera garanti par Engie et EDF, mais cela dépend du prix du kilowattheure ! Pensez-vous qu'Engie et EDF ont été en mesure de contrôler le prix du kilowattheure ces deux dernières années ?

Si la construction intellectuelle de ce dispositif est attractive et intéressante, sa mise en oeuvre opérationnelle me paraît difficile et je n'imagine pas non plus de fonds capable d'encaisser les variations du prix de l'énergie. Dans le rapport que nous avons rédigé, nous avions déjà écarté ces scénarios-là avant de connaître l'explosion des tarifs de l'énergie. Cela ne me semble donc pas répondre à la problématique.

J'en viens à la filière. Chaque fois qu'on le peut, on est dans l'encadrement des filières. Maisons & Cités assure la gestion de 65 000 logements du bassin minier du Nord. Ce patrimoine ayant été classé par l'Unesco, les rénovations ne peuvent se faire que par l'intérieur, elles sont donc coûteuses : alors qu'une rénovation thermique coûte 40 000 euros, elle est ici estimée entre 80 000 et 120 000 euros. Vous imaginez le montant du fonds qu'il faut créer pour amortir une telle somme par l'économie d'énergie.

L'une des démarches de structuration de la filière - par exemple, le chanvre -, qui n'a pas donné tous ses succès parce qu'elle est tombée en plein dans la crise inflationniste et de l'énergie, est celle d'EnergieSprong, qui vient des Pays-Bas. C'est une approche de massification de la commande pour atteindre l'objectif d'un bâtiment à un niveau zéro énergie, en baissant les coûts de la rénovation et en étant systématiquement en recherche d'une consommation nulle.

Avec l'Union sociale pour l'habitat des Pays de la Loire, on a regroupé une dizaine de bailleurs sociaux en leur demandant de classer les différents logements par type - logements éclatés, logements des années 70, passoires thermiques -, de façon à passer des appels d'offres massifiés et ne pas faire de la rénovation immeuble par immeuble en recourant à un artisan. Il s'agit au contraire de passer des marchés de 500 logements à rénover qui ont tous les mêmes caractéristiques, pour essayer de structurer une filière qui fera de la fabrication hors site, après avoir pris les métrés et qui les posera ensuite de façon industrielle. Ainsi, au lieu de commander 20 pompes à chaleur, on en commande 400 du même type, ce qui a des effets de structuration et de massification de la filière. La démarche a bien fonctionné : on a eu des appels d'offres et plusieurs logements y ont participé - malheureusement pas à la hauteur de ce que l'on attendait, parce que la filière a été très touchée par l'augmentation des coûts de construction et par l'inflation.

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