Intervention de Boris Ravignon

Commission d'enquête Rénovation énergétique — Réunion du 27 mars 2023 à 15h00
Audition de M. Boris Ravignon président et de M. José Caire directeur villes et territoires durables de l'agence de la transition écologique ademe

Boris Ravignon, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie :

La mise en place de ce service public de l'accompagnement à la rénovation énergétique a été une vraie avancée. Le financement ne suffit pas, il faut aussi aider les ménages. Nous reparlerons peut-être du bon quantum entre aide publique et financement privé, qui est encore en débat. Il faut un accompagnement pour faire passer le message qu'un geste unique ne suffit pas et qu'il faut les cumuler pour obtenir une vraie performance énergétique.

Les aides financières sont utiles, mais elles ne sont pas le seul outil. MaPrimRenov', les certificats d'économies d'énergie (CEE) devraient être plus tournés vers la performance. Mais n'oublions pas l'outil réglementaire : interdire à la location les logements classés F ou G est utile pour provoquer la rénovation des logements les plus énergivores.

Près de 20 milliards d'euros sont dépensés chaque année pour des travaux de rénovation, souvent pour plus de confort ou pour une mise au goût du jour : il faudrait doubler ce montant et l'orienter vers la rénovation thermique BBC.

Nous devons penser collectivement cette politique pour ce qu'elle est : le chantier du siècle. L'expression ne me semble pas galvaudée. Les conséquences économiques sont très importantes. En amont, il faut de nouvelles entreprises, l'apparition de nouveaux métiers... Je pense à des ensembliers capables de faire réaliser les travaux avec le niveau de performance attendu, de les financer et de s'engager sur l'atteinte de la performance. Cela existe très peu dans le secteur de la rénovation des logements pour les particuliers.

Nous avons besoin de former plus d'artisans et de compagnons du bâtiment à ces gestes. Des filières doivent émerger dans les savoir-faire et dans les matériaux, qu'il s'agisse de nouveaux matériaux ou de plus anciens qui sont redécouverts - ceux que la bioéconomie peut fournir. La politique de rénovation énergétique doit être soutenue par une filière qui reste encore à structurer.

Quel doit être le rôle de l'Ademe ? Éclairer l'avenir pour que la représentation nationale puisse faire ses choix de planification écologique. Nous considérons, par exemple, que nous n'avons pas encore trouvé les bons produits financiers.

Plus concrètement, l'Ademe doit concevoir le service d'aide à la rénovation énergétique. Une transition a lieu avec l'Anah sur ce sujet, sans oublier les collectivités. L'Ademe tient la compatibilité des rénovations des bâtiments tertiaires avec l'observatoire de la performance énergétique de la rénovation et des actions du tertiaire (Operat) et apporte une expertise auprès des collectivités locales.

L'Ademe est-elle suffisamment associée ? Nous sommes au coeur des réflexions ; sur l'aide à la rénovation énergétique, nous sommes en liaison constante avec l'Anah ; nous sommes consultés sur le diagnostic de performance énergétique (DPE) et la labellisation des travaux, par exemple. Nos travaux sur le financement sont lus avec intérêt par l'administration centrale. Notre expertise est au service de l'État, qui s'en saisit.

Nous avons beaucoup insisté en 2021 sur le fait qu'une rénovation performante résultait de la combinaison de plusieurs gestes. Rénover n'est pas sans inconvénient pour les occupants ; c'est ce qui explique qu'il y ait peu d'occasions de faire des rénovations complètes. Les mutations sont sans doute le moment propice autour duquel il faudrait concentrer notre approche. Faut-il passer par l'incitation ou l'obligation ? Peut-être faut-il privilégier l'incitation, puis après un certain temps, l'obligation... Mais il est difficile de demander aux occupants d'un logement d'effectuer une rénovation complète qui touche les murs, le toit, les huisseries... Il faut donc cibler le peu d'occasions dont nous disposons.

Comment se présente notre trajectoire ? Les choses avancent, mais il y a encore des marges de progrès pour atteindre les 700 000 rénovations BBC dont nous avons besoin. Qui peut faire ce type de rénovations performantes ? Comment accompagner ? Comment donner des garanties de performance ? Car ce sont bien ces garanties qui peuvent débloquer le financement. À quel moment doit-on placer l'incitation ? De nombreux sujets restent à trancher.

Faut-il un guichet unique ? MaPrimRénov' semble aller dans ce sens. Mais si le guichet unique se traduit par une réduction de l'accompagnement, ce n'est pas une bonne idée. Nous avons mis en place un service, mais d'autres, créés par des associations ou des collectivités, continuent d'exister... Cela ne favorise certes pas la lisibilité du système, mais l'accompagnement des ménages est plus complet.

La politique de rénovation énergétique procède d'engagements internationaux et nationaux de notre pays. Cela empêche à mon sens une décentralisation, c'est-à-dire le transfert en un bloc de la responsabilité et des moyens de cette politique. Il faut garder une forte implication de l'État, tout en offrant aux collectivités qui ont des compétences voisines, comme le logement, la possibilité de s'articuler avec cette grande politique d'État.

Comme maire, je considère que la politique du logement, qui consiste à s'assurer que chacun puisse se loger dans un bassin de vie, y compris par l'urbanisme, pourrait faire l'objet d'une décentralisation globale. Mais pas la politique de rénovation thermique.

Je laisserai José Caire vous répondre sur l'étude de 2022 portant sur le financement de la rénovation des logements individuels et des copropriétés. Nous ne sommes pas au bout du chemin : il nous reste des concepts à forger. Ces investissements sont rentables, certes à long terme, entre vingt et trente ans, mais ils ont du mal à se réaliser. Nous devons nous interroger collectivement et continuer notre travail avec la place bancaire - je sais que la fédération bancaire française (FBF) se penche sur cette question. Nous ne sommes pas loin de la faille de marché : en économie de marché, en principe, il ne peut exister d'investissements rentables qui ne soient pas financés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion