Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 22 mars 2023 à 15h00
Dépôt du rapport public annuel de la cour des comptes suivi d'un débat

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, comme chaque année, j’ai pris connaissance avec grand intérêt du rapport annuel que la Cour a publié le 10 mars dernier.

Comme de coutume, ce rapport fait tout d’abord un point sur la situation d’ensemble des finances publiques, point qui se révèle de nouveau assez alarmiste.

La Cour souligne ainsi le caractère dégradé de nos finances publiques, aussi bien dans l’absolu que par rapport à la situation antérieure à la crise et par rapport à nos voisins européens. Elle pointe un risque de divergence entre plusieurs groupes de pays, la France appartenant à celui des pays les plus endettés et aux déficits les plus élevés.

À partir de ce constat, elle appelle à un plus grand effort de maîtrise des dépenses publiques. Comme vous l’observez, monsieur le Premier président, la sphère sociale a déjà agi en la matière, au travers de la réforme de l’assurance chômage et, plus récemment, de la réforme des retraites. Nous pourrons à l’avenir avoir des échanges, afin de déterminer si c’est toujours dans le domaine des finances sociales que vous distinguez des axes prioritaires de maîtrise de la dépense publique.

En dehors de ce chapitre traditionnel, le rapport annuel prend la forme d’un bilan thématique consacré à la décentralisation, quarante ans après les lois Defferre.

Il s’agit évidemment d’un sujet auquel le Sénat, représentant des collectivités territoriales, ne peut qu’être sensible.

Je me suis tout particulièrement intéressée au chapitre relatif aux politiques sociales décentralisées.

Les politiques de solidarité, dont le département est chef de file, représentent un volet important de la décentralisation, avec pour philosophie de mettre en œuvre les dispositifs destinés aux publics vulnérables au plus près de leurs bénéficiaires. Les attributions des départements s’adressent principalement à quatre catégories de publics : l’enfance en danger ; les personnes en situation de pauvreté ou de précarité ; les personnes âgées dépendantes ; les personnes en situation de handicap.

Ces politiques s’organisent notamment autour de prestations monétaires dont les caractéristiques principales sont définies à l’échelle nationale : le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH). Les départements doivent consacrer une part croissante de leurs dépenses de fonctionnement à ces allocations individuelles de solidarité, et leur reste à charge s’est creusé du fait de l’inadaptation des mécanismes de financement au dynamisme de ces dépenses.

Dès l’origine, ces politiques ont souffert de la tension entre le caractère nécessairement national de la solidarité, corollaire du principe d’égalité, et la libre administration des collectivités territoriales dans l’exercice de leurs compétences. Cette tension reste à ce jour irrésolue, ce qui a des conséquences sur l’efficacité des politiques et la qualité du service rendu aux usagers, et explique que la décentralisation n’ait pas tenu toutes ses promesses.

La Cour met en évidence les enjeux de coordination qui résultent de la pluralité des intervenants : les départements, l’État, mais aussi le bloc communal, avec les centres communaux et intercommunaux d’action sociale, la sécurité sociale, notamment ses branches famille et autonomie, et le service public de l’emploi. Ces acteurs interviennent indépendamment les uns des autres et le rôle de chef de file du département est, en réalité, peu opérant.

La Cour des comptes formule ainsi des recommandations visant à rationaliser le déploiement des politiques sociales dans les départements, à en améliorer les outils de gestion et à en réformer le financement.

En matière d’insertion et de lutte contre la pauvreté, le projet France Travail du Gouvernement vise à répondre à une partie des préoccupations de la Cour, en associant les régions et les départements autour du service public de l’emploi. Ce sera l’un des enjeux du projet de loi pour le plein emploi que le Gouvernement a annoncé pour l’été prochain. La commission des affaires sociales sera particulièrement attentive aux ambitions exprimées dans cette réforme en matière d’accompagnement des bénéficiaires du RSA.

Ces dernières années, l’État a fait preuve d’une volonté de s’engager davantage dans l’animation de ces politiques, voire d’en recentraliser certains pans, à l’image de l’expérimentation du transfert à l’État, dans quelques départements volontaires – soumis, il est vrai, à de fortes contraintes financières –, du financement et de la gestion du RSA.

Une démarche de contractualisation entre l’État et les départements a été mise en œuvre dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance.

Par ailleurs, après avoir renoncé à son projet de revenu universel d’activité, le Gouvernement a récemment lancé plusieurs chantiers concomitants dont la cohérence ne se dégage pas encore avec clarté, comme le « RSA sous conditions » et le projet de « solidarité à la source », qui doivent donner lieu cette année à des expérimentations dans plusieurs territoires. J’indique que la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) conduira en parallèle une étude des conditions préalables à la mise en place de la solidarité à la source et de ses implications.

Il apparaît donc que nous n’avons pas fini de tâtonner à la recherche de la bonne formule en matière de décentralisation des politiques de solidarité. En tout état de cause, il est indispensable que les collectivités intéressées soient associées à la conception de l’architecture de ces politiques.

Je conclurai mon propos en remerciant la Cour des comptes de la qualité de ses travaux et des éclairages qu’ils nous apportent.

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