Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, le rapport de la Cour des comptes agit chaque année comme une piqûre de rappel : il nous renvoie à la situation très dégradée de nos finances publiques. Ce n’est pas seulement la photographie à la date d’aujourd’hui qui doit nous alerter ; c’est aussi le film de la dernière décennie.
La photographie, d’abord, c’est un déficit à 5 % du PIB et une dette de 3 000 milliards d’euros : la situation demeure très préoccupante. Certes, le Gouvernement était parvenu à sortir le pays de la procédure pour déficit excessif avant la crise sanitaire. Mais le retour dans les clous de Maastricht, conformément à nos engagements européens, n’est pas envisagé avant 2027.
Le film de la dernière décennie, ensuite. Depuis 2010, la dette publique de la France est passée de 85 % du PIB à plus de 110 % aujourd’hui, alors que l’Allemagne, qui en était au même point que nous, a su ramener sa dette à 70 % de son PIB dans le même intervalle. Le décrochage d’avec nos voisins allemands se creuse et nuit à notre crédibilité sur la scène européenne.
Au fond, il n’y a qu’une explication valable pour ce décrochage. La dépense publique n’a jamais cessé de croître, et elle a toujours crû plus vite que les recettes.
Je ne fais pas ici allusion à la période de crise sanitaire. Le « quoi qu’il en coûte » était nécessaire pour préserver nos entreprises et nos emplois. Mais cette parenthèse est close, et nous devons désormais remettre de l’ordre dans nos comptes.
C’est pourquoi je salue la décision du Gouvernement d’engager une vaste revue des politiques publiques, afin d’identifier les économies possibles dans chaque domaine de l’action publique. Cette analyse est nécessaire pour que nous tenions l’objectif d’un déficit à 3 % du PIB en 2027.
Il est bien logique que les collectivités territoriales soient intégrées à cette vaste revue globale. Il en faudrait plus pour effrayer les élus locaux, eux qui sont tenus de présenter, chaque année, des comptes à l’équilibre. Cependant, il me paraît important de rappeler quelques vérités, afin de ne pas se tromper de problème. À cet égard, le bilan dressé des quarante années de décentralisation dans le présent rapport annuel est éclairant.
D’abord, le rapport relève que la part qu’occupent les dépenses locales dans l’ensemble des dépenses publiques a augmenté au cours des quarante dernières années. Elles représentaient 8 % du PIB en 1980, contre 11 % aujourd’hui. Toutefois, cette augmentation apparaît bien limitée si on la met en regard de toutes les compétences qui ont été transférées de l’État aux collectivités.
Ensuite, il y est rappelé que la France reste un pays très centralisé. Globalement, la part des dépenses locales dans le PIB demeure en France inférieure à la moyenne européenne, qui se situe à 18 % du PIB.
De ces deux constats, on peut tirer plusieurs conclusions, dont certaines diffèrent de celles auxquelles la Cour des comptes a abouti.
Ainsi, il est clair que l’augmentation des dépenses publiques locales n’explique que très marginalement l’augmentation des dépenses publiques globales. Il faut se rendre à l’évidence : nous ne rétablirons pas les finances publiques en contraignant davantage les collectivités locales.
De même, ce n’est pas en recentralisant certaines compétences que nous améliorerons la qualité des services publics. Théoriquement, on peut imaginer que la centralisation permette de réaliser des économies d’échelle. Pourtant, si tel était le cas, la France ne serait pas un pays à la fois très centralisé et très dépensier.
Le groupe Les Indépendants a toujours promu la réduction des dépenses publiques. Nous sommes convaincus qu’une plus forte décentralisation doit contribuer à l’atteinte de cet objectif.
En effet, c’est en donnant plus de responsabilités aux acteurs locaux qu’on les rendra plus vigilants quant à l’utilisation des deniers publics. Il faut rapprocher l’endroit où la décision est prise de celui où elle est appliquée. Il faut rapprocher le décisionnaire du bénéficiaire pour améliorer la qualité des services publics.
Je l’ai dit : le rapport annuel de la Cour des comptes est éclairant à bien des égards. Mais la préservation des libertés locales ne doit pas être tranchée selon le seul angle budgétaire. Bien souvent, la respiration démocratique échappe aux chiffres.
C’est pourquoi nous considérons qu’il faut poursuivre la trajectoire de décentralisation, à la fois pour dynamiser les territoires et pour réduire les dépenses publiques.