La Fédération syndicale des familles monoparentales (FSFM) a été créée en 1967. Elle s'appelait à l'origine Fédération des femmes cheffes de famille, car à l'époque celles-ci n'étaient pas reconnues comme telles. Tout était à conquérir. Ensuite, nous nous sommes renommés en 1975 pour répondre aux réalités sociétales et pour accueillir les hommes. Les familles monoparentales étaient au départ surtout des veuves, avant de correspondre à des ruptures de mariage, puis à des situations de concubinage. Notre fédération est implantée en Guadeloupe et en Guyane, où elle est plutôt en sommeil. Nous avons également pour projet de nous installer à Mayotte.
Notre fédération est une composante de la Confédération syndicale des familles (CSF), mouvement beaucoup plus généraliste regroupant près de 350 associations sur tout le territoire. Là où nous ne sommes pas implantés, nous aidons les familles à travers ses antennes pour répondre à leurs préoccupations.
Nous partageons beaucoup de préoccupations avec la FNEPE. Notre public est spécifiquement composé de familles monoparentales. Je ne vous apprendrai rien en disant que ces populations rencontrent essentiellement des difficultés économiques. Elles cumulent les difficultés d'accès au logement et aux structures d'accueil, ainsi qu'à l'emploi. En effet, il est beaucoup plus compliqué pour ces familles de trouver un poste car elles manquent de formations qualifiantes. Ce public est peu qualifié, notamment du fait de grossesses précoces ayant occasionné un départ prématuré de l'école. Elles ne peuvent donc pas accéder à des emplois leur permettant de toucher des salaires décents. On retrouve ces mêmes familles, et particulièrement les mères, sur des postes à horaires atypiques, ou qui cumulent plusieurs petits emplois, parce qu'elles n'ont pas le choix. Ces familles sont confrontées à des problématiques de conciliation des temps de vie, le temps professionnel, social, familial. La fonction parentale devient alors plus compliquée. Lorsque ces parents n'ont pas de formation, il ne leur est pas simple d'aider leurs propres enfants. Ils n'ont pas nécessairement les moyens de payer l'aide d'une tierce personne pour les accompagner. Ainsi, les enfants sont soumis à des problématiques d'enseignement similaires à celles de leur père ou de leur mère, bien que ces parents aient souvent pour leitmotiv que leurs enfants réussissent à l'école. Ils n'en ont parfois pas les moyens.
Évidemment, des pères sont parfois à la tête de familles monoparentales, mais ils sont bien moins nombreux que les mères et se retrouvent dans une structure familiale recomposée beaucoup plus rapidement que les femmes. Ils ne font souvent que traverser les associations, sans y rester longtemps. Ils ne sont pas confrontés aux mêmes problématiques, notamment en matière financière. Le salaire d'un homme est plus élevé que celui d'une femme. Une famille monoparentale dont le chef de famille est un père n'aura pas la même difficulté financière qu'une famille dont une femme est à la tête.
Pour ce qui est de nos actions sur le terrain, nous avons identifié un problème lors de la pandémie : la nécessité d'accorder un répit aux mères seules. C'est en tout cas vrai en Guadeloupe, là où nous sommes implantés. Étant salariée de la CSF, j'étais en charge des associations dans les départements d'outre-mer. Mon bénévolat m'a conduite à m'impliquer un peu plus au sein des familles monoparentales. Nous avons observé qu'une surcharge mentale avait conduit à beaucoup de problèmes psychologiques. Cette particularité n'est pas vraiment prise en compte dans les DOM. Le recours à un psychologue est associé à une connotation assez négative et les personnes ne prennent donc pas en charge leurs difficultés psychologiques. Nous mettons alors en place des universités de familles, dont le concept permet aux familles, qui peuvent être accompagnées de leurs enfants, d'être en immersion pendant une semaine dans un centre de vacances. La journée se compose d'un temps de formation sur un thème particulier et d'un temps de loisir ou de vacances, avec ou sans les enfants. Ceux-ci peuvent en effet être pris en charge par le centre lui-même ou par des animateurs employés à cet effet. Cela permet aux familles de partager un temps privilégié ensemble ou, au contraire, de profiter d'un temps de répit sans avoir à gérer les soucis du quotidien. En pension complète, les familles changent d'environnement - car elles ne sont pas toujours logées dans des conditions favorables en dehors de ce dispositif - pour être détendues et partager avec des pairs et des intervenants qualifiés. Nous avons travaillé sur des thématiques telles que la naturalité ou l'art d'être parents. Ces actions de répit répondent à une demande très prononcée de la part des familles.
Nous proposons aussi de la médiation familiale, et des groupes de parole. En Guadeloupe, nous avons également mis en place l'année dernière un programme de formation pour les familles en général, pas uniquement celles qui sont monoparentales. Nos permanences aident aussi à accéder aux informations juridiques et administratives. Si des prestations sont fournies par les Caf, nous avons observé une réelle méconnaissance des dispositifs existants. J'ai dû participer le mois dernier à une conférence sur les violences intrafamiliales, avec Saint-Martin. Au travers des questions qui m'étaient posées, j'ai réalisé que les familles ne connaissaient même pas l'existence de la réforme des pensions alimentaires. Pourtant, la presse en a suffisamment parlé. J'ai eu à expliquer ce nouveau dispositif pour que les familles puissent adresser leurs demandes et percevoir ces pensions alimentaires, lorsqu'elles ne leur étaient pas versées.
En plus d'un problème d'accès aux droits, nous avons constaté un réel souci d'accès aux Caf et à l'informatique. Tout le monde a un téléphone mais on ne peut pas nécessairement télécharger ou imprimer les formulaires pour émettre des demandes. Maintenant que tout se passe via Internet, certaines familles sont confrontées à une rupture et ne peuvent pas se rendre dans les Caf pour remplir leurs dossiers de prestations. Souvent, elles abandonnent les démarches, qui sont trop difficiles. Il en découle un fort taux d'inaccessibilité au droit de ces familles. Ainsi, nous demandons qu'une personne dédiée soit attachée aux associations représentatives des familles sur les territoires, qu'un contact au sein des Caf puisse être le relais avec les associations en cas de problématique importante avec les familles.
Nous avons observé l'exemple dramatique d'une famille restée quatre mois sans percevoir ses droits, en raison d'un retard très important à la Caf. Pendant ces quatre mois, elle n'a pas perçu de salaire, malgré un soutien familial durant quelque temps. Il est à noter que ces familles, ces mères, sont parfois soutien de leurs propres parents, en plus d'être cheffes de famille. Rester quatre mois sans revenu a été dramatique et a conduit à des impayés de loyer. Le premier retard de loyer est difficilement rattrapable lorsque vous percevez de tout petits revenus.