Intervention de Paul Charon

Commission d'enquête Tiktok — Réunion du 20 mars 2023 à 17h00
Audition de M. Paul Charon directeur du domaine « renseignement anticipation et stratégies d'influence » à l'institut de recherche stratégique de l'école militaire irsem

Paul Charon, directeur du domaine « Renseignement, anticipation et stratégies d'influence » à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire :

Nous n'avons pas formulé de recommandations dans notre rapport, car nous sommes des chercheurs, et tel n'est pas notre métier. Mais je peux vous indiquer quelques pistes, d'abord liées à la question de l'asymétrie, de l'absence de réciprocité. Il ne tient qu'à nous d'exiger cette dernière à chaque fois que cela nous semble nécessaire, sans porter atteinte à nos institutions ou à nos valeurs.

De plus, cette asymétrie est aussi celle de la connaissance de l'autre : on connaît bien moins la Chine que la Chine ne nous connaît, pour de nombreuses raisons. Il y a beaucoup plus d'étudiants chinois venant en France que d'étudiants français ou européens se rendant en Chine, beaucoup plus de Chinois parlant français ou anglais que de Français ou d'Anglais parlant le chinois. Cette asymétrie de connaissance touche les institutions, mais aussi et surtout la pensée stratégique chinoise. Cette méconnaissance ne concerne pas que la France, mais aussi les États-Unis, où ce constat est largement partagé. Un exemple souvent mentionné : la bible de la pensée stratégique chinoise date de quinze ans, mais cet ouvrage majeur n'a été traduit en anglais, pour la première fois dans une langue occidentale, que l'année dernière. Auparavant, on continuait de mentionner Sun Tzu ou La Guerre hors limites quand on tentait de comprendre la pensée stratégique chinoise. Or cette dernière est pourtant très riche : les militaires, les diplomates ou les think tanks ont une production colossale, très vive et dynamique, mais nous ne la connaissons pas. Nous ne savons pas comment les Chinois se représentent les questions informationnelles, stratégiques ou la guerre. Tout cela est très mal connu.

Cela me conduit à formuler une recommandation évidente : il faut plus de chercheurs spécialistes de la Chine, plus de bourses, plus de postes dans les universités, plus de sinologues spécialistes de ces questions au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), plus de postes dans les think tanks et les administrations. C'est un levier d'action très concret qui nous permettrait d'être mieux armés.

Nous pourrions être tentés d'utiliser les mêmes méthodes que les Chinois et les Russes. Je pense qu'il faut s'en préserver : si nous créions de faux comptes sur les réseaux sociaux pour diffuser de fausses informations dirigées contre nos adversaires, nous nous ferions prendre, comme eux...

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