Oui, il y a un échec stratégique, parce que, même si la Chine est capable de remporter un certain nombre de succès tactiques ici ou là, avec plusieurs opérations qui ont très bien fonctionné et qui ont apporté des gains à court terme, on assiste, sur le moyen terme, à un effondrement de l'image de la Chine dans le monde. L'exemple le plus flagrant est celui de la Corée du Sud : il y a vingt ans, 69 % des Coréens du Sud avaient une image positive de la Chine, contre 19 % aujourd'hui. Cela s'explique tout simplement par le fait que le parti communiste a une posture beaucoup plus agressive à l'égard de la Corée, comme de l'Europe ou de l'Amérique du Nord.
Il faut malgré tout apporter une nuance à cette évaluation, compte tenu des succès que la Chine remporte dans le Sud global. Là aussi, ce n'est pas par adhésion au régime chinois : cela peut être par anti-occidentalisme ou par anti-américanisme, de la même manière qu'un certain nombre de pays se laissent séduire par les Russes et Wagner plus par rejet de la France que par adhésion au modèle russe. C'est important, parce que cela veut dire que la réponse n'est pas forcément la même partout. Il y a une réponse qu'il faut apporter à la Chine : on doit mettre en place un certain nombre de dispositifs pour nous protéger contre ses opérations informationnelles. Mais il y a peut-être une réponse plus diplomatique à apporter aux pays qui se laissent séduire par la proposition de rééquilibre mondial que propose la Chine. Ce que la Chine propose n'est ni plus ni moins qu'un révisionnisme international. Le parti et Xi Jinping le disent très clairement : ce qu'ils veulent, c'est refonder le système international pour qu'il ressemble davantage au système chinois et qu'il défende mieux les intérêts de la Chine. L'offensive vers le Sud global relève de cette logique.
Veillons à ne pas trop nous isoler de ce Sud global, pour ne pas le voir prendre parti pour Pékin. Regardez ce qui se passe à l'ONU ! Ce sont les régimes autoritaires qui, aujourd'hui, y dominent les débats sur les droits de l'homme, parce qu'ils sont plus nombreux. Cette rhétorique, la Chine l'avance en permanence. Même dans le vote sur les sanctions de la Russie en raison de l'invasion de l'Ukraine a été mis en avant le fait que les quelque 45 ou 50 États qui ont voté contre ou se sont abstenus représentaient plus de la moitié de la population mondiale. C'est un argument auquel on ne sait pas répondre pour l'instant - ou alors on le fait très mal. C'est un enjeu colossal.
Y a-t-il un affaiblissement potentiel du régime ? C'est une question à laquelle il est extrêmement difficile de répondre. On ne peut absolument pas dire si le régime est sur le point de s'effondrer ou pas. Mais, s'il s'effondre, je ne serai pas surpris.