Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner la proposition de loi du sénateur Pierre-Antoine Levi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré.
Dans plus de la moitié des communes dites « en zone blanche », le nombre d’étudiants n’excède pas la centaine. Le modèle des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) est difficilement mobilisable dans ces conditions et il nous faut donc nous appuyer sur des acteurs déjà présents. C’est le sens de la restauration agréée par les Crous : plus de 170 acteurs publics comme privés ont signé une convention visant à étendre leurs services à un public étudiant.
Pour faciliter cette dynamique, j’ai souhaité renforcer les moyens qui y sont consacrés. Ainsi, dans la loi de finances initiale pour 2023, les crédits prévus pour le développement de ces conventions ont été relevés de 33 %.
C’est aussi pour cela que j’avais soutenu, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, votre proposition visant à permettre aux Crous d’ouvrir leur centrale d’achat à d’autres acteurs, mesure que le Sénat a adoptée.
La contrepartie de cette ouverture était bien évidemment la facilitation de l’accès des étudiants à une restauration à tarification sociale. Cela peut constituer un bon levier pour encourager les acteurs à renforcer leur activité tout en faisant des économies d’échelle, à la fois dans leur intérêt comme dans celui du réseau des œuvres universitaires, et cela toujours au bénéfice des étudiants.
Pour autant, dans certaines communes ciblées, il apparaît qu’aucun acteur ne souhaite s’engager dans une démarche de conventionnement de ce type. Il nous faut donc trouver d’autres leviers, et je mesure bien là tout l’intérêt de la proposition de loi du sénateur Levi, telle qu’elle nous parvient à l’issue des évolutions permises par le travail parlementaire en première lecture.
Vous proposez aux étudiants un dispositif spécifique leur permettant de régler l’achat d’un repas à tarification modérée auprès d’un acteur faisant l’objet d’une forme de convention de partenariat. C’est une autre logique, qui contribue à renforcer les outils à notre disposition.
Tout comme vous, je tiens à ce que nous trouvions des solutions collectives plutôt qu’individuelles pour répondre à une ambition que nous partageons, celle de permettre à chaque étudiant de déjeuner d’un repas complet à proximité de son lieu d’études et à tarification modérée.
Toutefois, votre proposition de loi soulève des questions concernant sa mise en œuvre. Mes services sont pleinement mobilisés pour y répondre, afin de rendre le texte opérant s’il devait être adopté aujourd’hui, de manière qu’il entre en vigueur le plus rapidement possible, idéalement à la rentrée prochaine.
Cela est absolument essentiel si l’on veut éviter, par exemple, une hausse des prix de la restauration étudiante à proximité des lieux d’études concernés, par un effet d’aubaine qui serait préjudiciable aux étudiants tout comme aux finances publiques.
Vous le savez, le Gouvernement est pleinement engagé aux côtés des étudiants. Cette mesure viendrait utilement compléter les nombreuses autres qui ont été mises en œuvre depuis ma prise de fonctions.
Permettez-moi de rappeler quelques éléments concourant à l’amélioration des conditions de vie étudiante, auxquelles nous sommes tous attentifs.
L’été dernier, j’ai annoncé des mesures d’urgence visant à préserver le pouvoir d’achat des étudiants.
Le 7 octobre dernier, je lançais à la demande de la Première ministre une large concertation sur la vie étudiante dans toutes ses composantes : les bourses, bien entendu, mais aussi la restauration, sujet qui nous réunit aujourd’hui, ou encore le logement, l’accès au sport, à la santé et à la culture.
Sur le sujet spécifique des bourses, le constat était clair et partagé : notre système sur critères sociaux est efficace et redistributif, mais il présente certaines limites. Conformément aux orientations du Président de la République, qui avait inscrit ce chantier dans la feuille de route de son second quinquennat, une attention particulière devait lui être accordée, afin que le coût de la vie ne barre pas l’accès aux études.
J’ai donc fixé non seulement une méthode, mais aussi un calendrier clairs, que j’ai eu l’occasion de présenter devant votre commission de la culture : dans une première étape, il s’agissait de faire des annonces pour la rentrée prochaine, la seconde devant intervenir à l’été pour donner les contours d’un modèle cible.
La semaine dernière, j’ai donc annoncé cette première étape de la réforme du système des bourses, qui représente un engagement d’un demi-milliard d’euros. Il convenait en effet de répondre aux préoccupations liées au pouvoir d’achat des étudiants et à leur accès à la restauration.
Pour la rentrée prochaine, cette première étape de la réforme cible trois objectifs principaux : aider davantage d’étudiants, les aider mieux en revalorisant toutes les bourses et neutraliser les fameux effets de seuil.
Quelque 35 000 étudiants deviendront donc boursiers, alors qu’ils ne pourraient pas bénéficier de cet accompagnement si les paramètres demeuraient inchangés. Le montant des bourses augmentera de 37 euros par mois pour tous les échelons, ce qui correspond à une augmentation de 34 % pour le premier échelon ; l’augmentation sera à hauteur de l’inflation pour l’échelon le plus élevé. Il s’agit là de la plus forte revalorisation depuis dix ans et elle concerne tous les étudiants boursiers.
Nous permettons aussi à 140 000 boursiers actuels, soit 20 % du nombre total de boursiers, de basculer à un échelon de bourse supérieur, en tenant mieux compte de leur situation familiale. Cela représente une augmentation de 66 euros à 127 euros par mois et il y aura ainsi plus de boursiers reclassés que lors de toutes les précédentes réformes.
Enfin, nous neutralisons dès cette année les effets de seuil, en attendant de les supprimer de manière pérenne. Ainsi, à la rentrée 2023, aucun étudiant ne verra sa bourse diminuer d’un montant supérieur à l’augmentation des revenus de ses parents.
En complément, j’ai aussi annoncé la pérennisation d’une tarification très sociale des repas pour les boursiers et pour les étudiants précaires. En outre, les tarifs de la restauration seront gelés pour tous les étudiants, à la rentrée prochaine, à 3, 30 euros et à 1 euro pour le tarif très social ; il en ira de même pour les loyers dans les résidences des Crous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes tous mobilisés pour accompagner les étudiants et pour leur garantir de bonnes conditions de vie et d’études. Nous savons que les dernières années n’ont pas été faciles, en particulier pour les jeunes de notre pays.
Nous avons besoin de tous les outils et de toutes les bonnes volontés, ainsi que de toute la souplesse possible pour apporter des réponses à tous les étudiants, dans tous les territoires.
Pour toutes ces raisons et parce que nous visons le même objectif, j’émettrai un avis favorable sur votre proposition de loi, sous réserve que sa mesure principale ne soit pas dénaturée. Croyez bien que nous ferons tout notre possible pour qu’elle soit mise en œuvre au plus tôt.