Intervention de Sabine Van Heghe

Réunion du 5 avril 2023 à 15h00
Ticket restaurant étudiant — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Sabine Van HegheSabine Van Heghe :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré. Je tiens à remercier notre rapporteur de la qualité de son travail.

L’idée initiale qui figurait dans cette proposition de loi lors de sa première lecture au Sénat, en juin 2021, était de créer un ticket-restaurant étudiant sur le modèle de ceux que les entreprises proposent aux salariés. Outre le questionnement sur son financement, sur le risque d’un repli sur soi et d’une alimentation déséquilibrée, nous avions insisté sur les dangers que ce texte faisait courir aux Crous, en les affaiblissant dans leur mission de restauration, qui représente 30 % de leur chiffre d’affaires, ainsi que dans leurs autres missions à caractère social.

L’Assemblée nationale dans sa réécriture a proposé un double système de conventionnement : l’un avec les seuls Crous pour les structures proposant directement une offre à tarif modéré similaire à celle des restos U, l’autre de conventionnement avec les Crous, les établissements ou les collectivités pour les structures dans lesquelles les étudiants pourront s’acheter un repas grâce à l’aide financière octroyée, lorsque l’offre de restauration à tarif modéré sera défaillante dans le territoire.

La réécriture par l’Assemblée nationale opère un changement total de raisonnement. Il n’est plus question de ticket-restaurant, mais la solution envisagée n’est, pour nous, pas encore tout à fait satisfaisante. En effet, cette réécriture complexifie le système en l’encadrant de façon insuffisante, selon qu’une offre de restauration à tarif dit « modéré » existe ou non localement.

Le dispositif du premier alinéa de l’article 1er pose comme postulat de départ que, dans chaque territoire, il existe une possibilité pour les étudiants de bénéficier d’une offre de restauration à tarif modéré et à proximité de leur lieu d’études : or il ne s’agit que d’une possibilité et il faudrait un meilleur encadrement des notions de « territoire », de « tarif modéré » et de « proximité du lieu d’études ».

Le dispositif du troisième alinéa de l’article 1er prévoit que, lorsque l’offre n’existe pas, une aide financière est proposée aux étudiants concernés pour permettre l’acquisition de tout ou partie du prix d’un repas consommé ou acheté auprès d’un organisme conventionné. Il n’est donc plus fait allusion au ticket-restaurant, mais on ne précise ni la forme ni le montant de l’aide accordée aux étudiants éloignés de ces territoires.

Avec sa réécriture, l’Assemblée nationale donne au service public de l’enseignement supérieur un rôle prépondérant dans le service d’aide. Mais un flou entoure encore la rédaction de ce dispositif, par ailleurs non contraignant, le texte se contentant de mentionner l’accès à une restauration « à tarif modéré » pour les étudiants sur des territoires non définis. Le double système de conventionnement selon que cette offre à tarif modéré existe ou non n’apporte donc aucune véritable garantie supplémentaire par rapport au texte adopté en première lecture par le Sénat.

Les modifications introduites à l’Assemblée nationale peuvent procurer un petit plus aux étudiants, même si le nouveau dispositif ne nous rassure pas tout à fait. Il est complexe et nous craignons qu’il ne reste inefficace pour apporter une aide concrète – dont la nécessité est pourtant impérative – à notre jeunesse étudiante, en proie à des difficultés pour satisfaire un besoin vital, celui de se nourrir. C’est pourquoi les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiennent le ticket de resto U à 1 euro pour tous les étudiants, dispositif simple et efficace.

Débattue à l’Assemblée nationale, le mois dernier, grâce à une proposition de loi des députés socialistes et apparentés, cette mesure de bon sens a, hélas ! été rejetée par les députés de la majorité et de droite sous prétexte que les fils de millionnaires pourraient profiter des repas à 1 euro. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de fils de millionnaires dans les files d’attente de distribution d’aide alimentaire.

Notre pays ne doit pas sacrifier sa jeunesse éprouvée par deux ans de covid-19. Attention à ne pas provoquer la colère ou le désespoir des jeunes qui se verraient privés d’études et d’avenir du fait de conditions d’existence trop précaires !

En tout état de cause, aucune avancée, même minime, ne pouvant être négligée, le groupe Socialistes, Écologiste et Républicain maintiendra son abstention bienveillante sur cette proposition de loi.

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