Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise un objectif louable, celui de répondre à la précarité étudiante et de favoriser l’accès à une offre de restauration à tarif modéré.
Depuis le mois de mars 2021, au moment où notre collègue Pierre-Antoine Levi a rédigé ce texte, la situation n’a malheureusement pas évolué. Permettez-moi de remercier notre collègue, ainsi que les membres du groupe Union Centriste d’avoir demandé l’inscription de la présente proposition de loi à leur ordre du jour réservé, même si je regrette la première version du dispositif, qui avait le mérite d’être plus précis.
Aujourd’hui encore, 48 % des étudiants sont contraints de travailler pour financer leurs études. L’inflation les oblige à recourir aux banques alimentaires pour se nourrir – un quart de leurs bénéficiaires ont moins de 25 ans.
Sur le campus de l’université Bordeaux Montaigne, 91 % des étudiants vivent avec un budget inférieur au seuil de pauvreté, qui s’élève à 940 euros par mois.
Face à cette situation, madame la ministre, la réponse du Gouvernement ne nous semble pas à la hauteur. La revalorisation de 4 % du montant des bourses à la rentrée 2022, soit 10, 5 points en dessous de la hausse des prix des produits alimentaires, s’est révélée insuffisante.
Très rapidement, le Gouvernement a dû se rendre à l’évidence, en prévoyant d’abord une aide exceptionnelle de 10 millions d’euros au mois de novembre dernier pour les colis alimentaires, puis en élargissant l’accès aux repas à 1 euro aux étudiants non boursiers les plus précaires qui en feraient la demande.
Le 23 mars dernier, après la forte mobilisation des jeunes contre la réforme des retraites, vous avez débloqué une nouvelle enveloppe de 10 millions d’euros au titre de l’aide alimentaire. Ce n’est pas grand-chose, quand on sait que 250 millions d’euros au minimum seraient nécessaires pour financer cette proposition de loi !
De la même manière, l’annonce d’une enveloppe de 500 millions d’euros supplémentaires dévolus aux bourses pour la rentrée 2023 n’offre aucune garantie aux étudiants de sortir à long terme des considérations financières qui les éloignent de leurs études.
Il n’est pas acceptable que la précarité étudiante s’aggrave dans des territoires dépourvus de restaurants et de cafétérias universitaires à proximité des lieux d’études.
Je souhaiterais insister plus particulièrement sur la situation des étudiants ultramarins. Une récente note de l’Union nationale des étudiants de France (Unef) a montré que, pour eux, le coût de la vie est supérieur de 26 % à celui de la métropole.
Il est également incompréhensible que, en outre-mer, les étudiants se voient appliquer des frais additionnels de 70 centimes au titre de l’emballage et du transport. Cela double pratiquement leur reste à charge dans le cadre du dispositif à 1 euro. Comment justifier cette rupture d’égalité institutionnalisée ?
En première lecture, nous avions souligné les limites du ticket-restaurant étudiant : réduction des temps de sociabilité, coût trop élevé d’un carnet de tickets pour les étudiants les plus précaires.
Nous ne pouvons cependant pas nous réjouir de la réécriture intégrale du texte par l’Assemblée nationale. L’instauration d’une aide financière non chiffrée, adossée à un réseau d’organismes conventionnés, est extrêmement vague.
Nos amendements de précision, qui visaient simplement à prévoir un reste à charge identique sur tout le territoire, en resto U comme en organisme conventionné, et à garantir une offre dans la même commune que le lieu d’étude, ont été rejetés en raison de l’irrecevabilité financière découlant de l’article 40 de la Constitution. Cela révèle la faible ambition budgétaire derrière les belles intentions affichées !
Il n’est pas trop tard, madame la ministre, monsieur le rapporteur, pour vous approprier nos propositions et répondre enfin réellement aux difficultés des étudiants. Je me tiens à votre disposition au cours de cette séance.
Sans cela, nous considérerons qu’il s’agit d’un rendez-vous manqué avec la jeunesse.