Intervention de Annick Billon

Réunion du 5 avril 2023 à 15h00
Parité dans la haute fonction publique — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Annick BillonAnnick Billon :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je me réjouis que nous examinions aujourd’hui une proposition de loi que j’ai rédigée avec mes homologues de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Dominique Vérien et Martine Filleul.

Cette proposition de loi est issue des travaux de notre délégation consacrés à la parité dans la haute fonction publique et au bilan d’application des dix ans de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite loi Sauvadet. Elle fait suite au rapport d’information que mes collègues ont publié en juin 2022, intitulé Parité dans la haute fonction publique : changer de braquet dix ans après la loi Sauvadet.

La loi Sauvadet impose aux employeurs publics de respecter une proportion minimale de chaque sexe pour les primo-nominations dans près de 6 000 emplois d’encadrement supérieur et de direction. Depuis 2017, ce quota est de 40 %, assorti de pénalités financières s’élevant à 90 000 euros par unité manquante.

Progressivement, ces obligations paritaires ont été atteintes dans les trois fonctions publiques. Ainsi, le taux de primo-nominations féminines dans les emplois d’encadrement supérieur et de direction a progressé de dix points entre 2013 et 2020. En 2020, le quota a même été atteint pour la première fois simultanément dans les trois versants de la fonction publique.

Nous avons toutefois identifié trois principaux points de vigilance.

Premièrement, déclinés par fonction publique et par ministère, les résultats sont instables d’une année sur l’autre, avec une progression en dents de scie.

Deuxièmement, les quotas Sauvadet, qui sont des quotas de flux, n’ont pas conduit à une augmentation notable du stock, c’est-à-dire de la proportion de femmes dans les emplois de direction et d’encadrement. Les femmes n’occupent encore qu’un tiers des emplois d’encadrement supérieur et de direction de la fonction publique. Pourtant, l’objectif final des quotas Sauvadet est précisément d’agir sur le stock au-delà du flux.

Troisièmement, la proportion de femmes reste plus faible dans les ministères historiquement masculins et dans les emplois considérés comme plus prestigieux ou plus techniques.

Au sein de la fonction publique de l’État, la proportion de femmes occupant un emploi supérieur était de 33 % en 2020 au niveau global, avec des variations notables entre ministères : environ 46 % pour le ministère des affaires sociales, 32 % pour le ministère de l’intérieur, 31 % pour celui de la culture et 27 % pour celui de l’économie et des finances. Cependant, dans la fonction publique de l’État, la proportion de femmes augmente au sein de tous les postes, y compris aux plus hauts niveaux de responsabilité.

Au sein de la fonction publique territoriale, la proportion de femmes nommées à des postes à responsabilité a nettement augmenté, mais les nominations ont concerné essentiellement des postes de directeur général adjoint des services (DGA), occupés à 41 % par des femmes en 2020, tandis que seuls 20 % des postes de directeur général des services (DGS) et 15 % des postes de directeur général des services techniques (DGST) sont occupés par des femmes.

Au sein de la fonction publique hospitalière, une féminisation historiquement élevée cache une situation contrastée. En 2020, quelque 42 % des emplois d’encadrement supérieur et dirigeant y sont occupés par des femmes ; pour autant, ces dernières sont davantage à la tête d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, à 53 %, et de directions des soins, à 74 %. Dans les hôpitaux et centres hospitaliers universitaires (CHU), postes considérés comme plus prestigieux, la proportion de femmes à la tête d’établissements est respectivement de 27 % et 39 %. Par effet de miroir, les disparités dans les postes se retrouvent également au niveau des salaires.

Forte de ces constats, notre délégation avait formulé douze recommandations visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la haute fonction publique. Elle recommandait notamment d’« élargir les obligations paritaires » et de « renforcer la mobilisation [des employeurs publics] autour d’une politique d’égalité professionnelle et salariale ambitieuse ». Ces recommandations ont abouti à la rédaction de cette proposition de loi.

Je tiens à remercier la rapporteure, Françoise Dumont, qui a été à l’écoute des préoccupations de notre délégation ; nous avons pu collaborer afin d’améliorer ce texte. Je remercie également le ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, qui s’est montré très attentif et s’est engagé à faire avancer certaines de nos recommandations d’ordre réglementaire. Je pense notamment à des sujets techniques, mais essentiels, tels que la transparence des données ; ces dernières sont actuellement publiées avec un décalage de deux ans, ce qui n’est pas satisfaisant. C’est un véritable travail de coconstruction législative auquel nous nous sommes attelés.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui présente trois grandes avancées par rapport à la législation actuelle.

D’abord, elle renforce l’exigence des quotas de flux en les rehaussant de 40 % à 45 %.

Ensuite, elle introduit un quota de stock : à compter de 2029, un taux minimal de 40 % de personnes de chaque sexe s’appliquera dans les emplois supérieurs et de direction de la fonction publique.

Enfin, elle instaure la publication d’indicateurs relatifs aux écarts de rémunération et de représentation dans les emplois supérieurs et de direction entre femmes et hommes. L’index de l’égalité professionnelle a prouvé son intérêt dans le secteur privé et je me félicite que les employeurs publics puissent être également astreints à la publication de telles statistiques genrées.

Nous ne pouvons convaincre de la nécessité de faire progresser la parité que si nous disposons de statistiques objectivant les inégalités qui persistent entre femmes et hommes. Comme nous le répétons souvent au sein de la délégation, il faut compter les femmes pour que les femmes comptent !

Si les quotas font souvent débat lors de leur instauration, ils font toujours preuve de leur efficacité. Nous en sommes convaincus au sein de la délégation, tout comme nous sommes persuadés de la nécessaire exemplarité des employeurs publics en matière de parité.

Les employeurs publics emploient près de 6 millions d’agents, soit 20 % de l’emploi en France ; 62 % de ces agents sont des femmes, toutes catégories confondues. Ces employeurs peuvent donc et doivent jouer un rôle moteur dans la progression de l’égalité et de la parité dans notre pays.

L’égalité ne progresse que sous la contrainte, hélas ! Depuis la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes, différentes lois se sont succédé pour favoriser l’accès des femmes aux responsabilités politiques, professionnelles et sociales. Ce texte envoie un signal fort d’exemplarité à l’ensemble de notre société. Il est une nouvelle étape vers plus de mixité dans la haute fonction publique, une étape qui en appellera d’autres sur la longue route escarpée vers l’égalité. Une société plus égalitaire est dans l’intérêt de tous, hommes comme femmes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion