Intervention de Stanislas Guerini

Réunion du 5 avril 2023 à 15h00
Parité dans la haute fonction publique — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Stanislas Guerini :

Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je le dis sans détour : nous nous apprêtons aujourd’hui, si votre vote le confirme, à franchir une marche importante pour l’égalité professionnelle dans la fonction publique.

Le débat parlementaire que nous entamons en examinant cette proposition de loi est un moment décisif pour la fonction publique et pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Grâce à l’engagement de la délégation aux droits des femmes du Sénat, au travail, que je veux saluer, de sa présidente et des auteurs du texte, ainsi que de la rapporteure de la commission des lois, nous examinons un texte d’utilité publique, qui, j’en suis convaincu, a vocation à rassembler au-delà des clivages partisans et, je l’espère, dans les deux chambres.

Je veux dire l’honneur qui est le mien, en tant que ministre de la fonction publique, de travailler avec la chambre haute à cette noble cause. Il est bon, dans les temps que nous vivons, où la démocratie est parfois bousculée à l’occasion de débats agités, de mener ensemble un travail sérieux dans la sérénité.

La marche que nous franchissons nous permet d’avancer de façon décisive sur un chemin qui a été engagé, toutes majorités confondues, vous le rappeliez, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, depuis de nombreuses années.

C’est par la loi Sauvadet de mars 2012 que nous avons créé le dispositif des nominations équilibrées dans la fonction publique.

C’est par l’accord de novembre 2018 que nous avons rendu obligatoire la nomination de référents pour l’égalité professionnelle dans chaque versant de la fonction publique.

C’est par la loi de transformation de la fonction publique d’août 2019 que nous avons rendu obligatoire, pour les employeurs publics, de négocier et publier des plans d’action sur l’égalité professionnelle.

Ces dispositions ont déjà porté leurs fruits : en dix ans, nous avons réduit de 10 % les écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. En dix ans, nous avons réussi à atteindre 40 % de primo-nominations féminines dans les emplois supérieurs, dans les trois versants de la fonction publique.

Pourtant, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, regardons la réalité en face : le salaire moyen des femmes fonctionnaires reste encore inférieur de 12 % à celui des hommes. Ce n’est pas acceptable !

Ce n’est pas acceptable quand on est le principal employeur du pays, avec 62 % de femmes dans la fonction publique. Nous avons un devoir d’exemplarité.

Toutefois, je veux le dire clairement, c’est aujourd’hui, surtout, un enjeu d’attractivité et, tout simplement, d’efficacité pour la fonction publique.

C’est sur cette conviction partagée, mesdames les sénatrices, que nous avons commencé nos échanges quelques semaines après ma prise de fonctions. Nous avons travaillé ensemble, récemment encore, avec la présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale. C’est ce qui nous permet aujourd’hui d’examiner cette proposition de loi ambitieuse et réaliste.

Les échanges que j’ai eus avec vous, avec les réseaux féminins, avec les associations, avec les employeurs, ont renforcé ma conviction qu’il nous fallait atteindre deux objectifs.

Il convient, tout d’abord, de briser définitivement le plafond de verre. Il faut aussi réduire les inégalités de rémunération dans l’ensemble de la fonction publique.

Tel est le sens des annonces que j’ai faites à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Je me réjouis que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui incarne ces deux priorités.

D’abord, je le disais, il est nécessaire de fracturer, une bonne fois pour toutes, le plafond de verre. Je veux garantir que chaque femme puisse accéder aux plus hauts postes des trois versants de la fonction publique.

Je ne cesserai de le dire, ce sont les compétences et les talents qui fondent les promotions. Toutefois, pour mettre fin aux pesanteurs, y compris culturelles ou sociologiques, nous avons la responsabilité de fixer un cap, y compris par la norme et, quand c’est nécessaire, par la sanction.

C’est pour cette raison que nous voulons rendre plus ambitieux le dispositif des nominations équilibrées, d’une part, en élargissant le champ des employeurs publics concernés, d’autre part, en nous fixant une nouvelle ambition, qui vise à porter à 45 % les primo-nominations au cours de ce quinquennat.

Mais nous ne devons pas nous arrêter là ! Car il convient de ne pas considérer uniquement les flux de nominations. La réalité, c’est que le turn-over concerne plus les femmes que les hommes aux postes d’encadrement supérieur et dirigeant.

C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé la volonté du Gouvernement d’intégrer également une ambition en termes de stock d’emplois. Nous avons le film, il nous faut aussi la photographie, c’est une obligation de résultat. Vous avez intégré ce dispositif dans le cadre de l’examen du texte en commission, ce dont je tenais à vous remercier.

Je le disais, briser le plafond de verre ne suffit pas. Être plus ambitieux, c’est porter une vision de l’égalité salariale pour l’ensemble de la fonction publique. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’un index d’égalité professionnelle dans la fonction publique. Il n’existait que pour le privé, vous le savez. J’ai considéré que ce n’était pas normal et que cet outil nous serait tout aussi utile en tant qu’employeur public. Je le dis régulièrement, cet index est fait pour pointer les inégalités et les efforts qu’il nous reste à déployer.

Demain, grâce à cette proposition de loi, les employeurs publics auront l’obligation de publier leurs résultats concernant les indicateurs de l’index.

Nous les définirons précisément, pour les trois versants, par décret. Bien évidemment, nous devrons mener un travail d’adaptation par rapport à l’index Pénicaud, qui existe dans le privé. Je souhaite qu’il nous permette de mesurer les écarts de rémunération, pour les fonctionnaires comme pour les agents contractuels – c’est un point important –, l’égalité en matière de promotion et l’égalité concernant les postes les plus influents et les mieux rémunérés de la fonction publique.

Si ces informations ne sont pas publiées, il y aura des sanctions. Si les résultats ne progressent pas, il y aura également des sanctions.

La publication annuelle de cet index ne remplace naturellement pas les plans d’action que les administrations, les collectivités et les hôpitaux doivent mettre en œuvre. Je souhaite que nous puissions, avec les organisations syndicales, négocier un nouvel accord ambitieux pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour les prochaines années.

Vous le voyez, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ce texte nous rassemble autant qu’il nous engage à l’égard du pays.

Je souhaite que nous puissions le promulguer dès l’été. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a choisi d’engager la procédure accélérée.

Je termine en vous indiquant que je proposerai à votre vote quatre évolutions au travers de cinq amendements du Gouvernement.

La première évolution, c’est la nécessité d’accompagner les administrations, parfois les collectivités, qui partent de plus loin, pour leur permettre d’atteindre réellement les cibles exigées, en introduisant une première obligation de progression par rapport à leur situation de départ.

La deuxième évolution concernera les sanctions sur le « stock ». Je vous proposerai de les harmoniser avec le mécanisme de sanction forfaitaire existant pour les primo-nominations.

La troisième évolution, c’est une exigence accrue pour ce qui concerne les emplois relevant de la décision du Gouvernement ou les emplois dans les cabinets ministériels. Je vous proposerai de viser une proportion de 50 % sur le quinquennat. Je m’y étais engagé le 8 mars dernier devant vous, et je vous propose aujourd’hui d’inscrire cette disposition dans la loi.

Enfin, je défendrai un amendement sur la rédaction de l’index, notamment pour qu’il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, franchissons ensemble cette nouvelle étape attendue par de nombreux agents et, je le crois, par nombre de nos concitoyens.

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