Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 23 porte sur l’unification de la procédure administrative d’éloignement des étrangers en situation irrégulière et la création d’une interdiction de retour sur le territoire français.
Voici un article très important, mais qui témoigne du fait que l’insuffisance des effectifs – par exemple de la police aux frontières – et les entraves mises au fonctionnement du travail du juge judiciaire ont pour conséquence un durcissement des textes – ce n’est qu’un paradoxe apparent – et la voie ouverte à l’arbitraire.
Dans la mesure où les fonctionnaires de police ne peuvent pas être en nombre suffisant pour faire le travail nécessaire, avec tout le soin que cela nécessite, c’est effectivement la voie ouverte à l’arbitraire. Précisément, ce texte légalise des comportements arbitraires qui se sont installés au cours des temps et dont ont été les témoins tous ceux qui ont pu se rendre dans une zone d’attente comme Roissy.
Avec ce texte, le Gouvernement introduit en droit français l’une des dispositions les plus graves de la directive Retour. Là aussi, la façon dont procède le Gouvernement français est assez étonnante.
Souvent il se cache derrière l’Europe : il faut transposer la directive ! Mais, en l'occurrence, c’est oublier que le Gouvernement au Conseil de l’Europe et les parlementaires de droite au Parlement européen ont poussé dans le sens de plus de répression et de plus de dureté. Le fait de nous dire que nous devons forcément transposer une directive alors que nous en portons une très large responsabilité au niveau de l’Europe est donc d’une grande hypocrisie.
Tout étranger qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement est susceptible, sur décision de l’administration, d’être frappé par une interdiction de retour, disons un bannissement, sur l’ensemble du territoire européen – excusez du peu ! – allant de deux ans à cinq ans, et fera l’objet d’un signalement dans le système d’information Schengen dont le législateur ne sait pas comment il pourra éventuellement sortir.
L’article 23 réforme les mesures d’éloignement que sont l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, que nous connaissions, et l’obligation de quitter le territoire pour se mettre en conformité avec cette directive Retour.
Désormais, l’autorité administrative prononcera dans tous les cas une obligation de quitter le territoire et pourra choisir ou non d’assortir cette obligation d’un délai de départ volontaire de trente jours et d’une interdiction de retour sur le territoire.
Faisons bien attention à ceci : cette interdiction de retour pourra être prononcée à l’encontre d’un étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire, que le préfet lui ait ou non accordé un délai de départ volontaire. C’est dire que, en la personne du préfet, l’administration pourra décider ce qu’elle veut faire !
Cet article restreint les droits des étrangers en introduisant en droit français l’une des dispositions les plus redoutables de la directive Retour.
Selon le rapport de la commission des lois, « la décision de prononcer une interdiction de retour sera ainsi dans tous les cas une simple faculté pour l’administration ». Cette faculté s’appuiera sur des motifs qui sont de plus en plus nombreux et, nous le verrons tout à l’heure, qui sont particulièrement vagues : la sécurité publique – on a l’habitude ! –, le risque de fuite, le fait qu’on ne présentera pas des garanties suffisantes, etc. Il s’agit, en bref, de motivations excessivement floues.
C’est la tendance que suivent aujourd'hui les lois que nous votons, puisqu’elles sont recouvertes d’un flou de plus en plus important, d’où l’absence de sécurité juridique dans notre pays.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons l’idée bien simple de supprimer purement et simplement cet article 23.