Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Article 23

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

Monsieur le ministre, vous justifiez le présent projet de loi, notamment son article 23, par la nécessité de transposer plusieurs directives européennes, principalement la directive 2008/115/CE. Vous prenez donc l’Europe comme bouc émissaire pour ne pas avoir à justifier vos choix. Cela vient d’être parfaitement illustré par les propos de mon collègue Louis Mermaz.

Cependant, quand on regarde dans le détail, le compte n’y est pas. Prenons les alinéas 14 à 20 de cet article qui détaillent les hypothèses pouvant autoriser l’administration à s’abstenir d’accorder un délai au départ volontaire.

Dans le texte de la directive, seules trois hypothèses sont envisagées : le risque de fuite, une demande de séjour régulier rejetée comme manifestement infondée, le cas de la personne qui présente un danger pour l’ordre public. Cette notion de danger fait l’objet d’une jurisprudence précise de la Cour de justice des Communautés européennes, qui en restreint l’application pour les citoyens communautaires. Si vous souhaitez faire un nivellement, au nom de l’égalité républicaine, nous supposons qu’il se fera par le haut.

Il existe trois possibilités dans la directive, mais huit dans votre texte. Cherchez l’erreur ! Où est la transposition ici ? Il nous semble que, sous couvert de transposition, vous avez surtout essayé de faire dans l’idéologie.

Je rappelle que, pour le législateur communautaire, le délai de départ est la règle et son absence l’exception. Dans votre texte, c’est le contraire...

Je poursuis : l’interdiction de retour constitue un recul très fort de nos valeurs. Il est vrai que cette possibilité est ouverte par le texte de la directive. Cependant, elle ne reste qu’une possibilité et c’est bien ainsi qu’elle doit être comprise par le juge. Nous espérons que vous serez clair sur ce sujet, monsieur le ministre.

Par ailleurs, cette disposition ne doit en aucune manière concerner les demandes d’asile. Votre texte est muet sur cette question pourtant essentielle. Les personnes qui demandent asile ne doivent pas voir leurs droits être rognés d’une quelconque manière. Non seulement c’est contraire à l’esprit et au texte de la convention de Genève, mais cela constitue un réel recul par rapport à nos valeurs.

En deux ans, beaucoup de choses peuvent évoluer dans de nombreux pays instables ; nous ne pouvons pas nous permettre de condamner à l’attente des personnes qui pourraient avoir recours à l’asile du fait d’une détérioration de la situation de leur pays.

Ce texte n’est pas à la hauteur des enjeux, et il se pare d’une valeur qu’il n’a pas. Il ne transpose pas la directive ; il en trahit parfois le sens ou en accentue la portée. C’est donc bien un texte idéologique plus que technique que vous nous présentez. En conséquence, vous comprendrez pourquoi nous avons déposé nos amendements.

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