Par cet amendement, nous souhaitons supprimer l’article 23, qui illustre parfaitement la transposition ultra petita de la directive Retour que veut effectuer le Gouvernement.
Cet article institue deux dispositifs : l’ordre de quitter le territoire sans délai et l’interdiction de retour sur le territoire français, l’IRTF.
Il convient d’abord de rappeler qu’en fixant aux services de police des objectifs chiffrés d’expulsions on n’a fait qu’accroître de façon considérable le nombre de mesures d’éloignement ainsi que le volume du contentieux qui y est lié. En réalité, 80 000 mesures d’éloignement sont prononcées par voie administrative chaque année. Ce chiffre engendre un contentieux énorme et, de ce fait, les juridictions sont aujourd’hui complètement débordées.
L’obligation de quitter le territoire français sera décidée et mise à exécution par l’autorité administrative, sans délai pour procéder à un départ volontaire, et ce dans huit cas qui couvrent pratiquement toutes les situations d’entrée ou de maintien irrégulier sur le territoire.
En fait, l’obligation de quitter le territoire français, l’OQTF, continuera d’engendrer un contentieux très abondant, et la situation actuelle se maintiendra. La commission Mazeaud recommandait au contraire de réserver les mesures d’éloignement aux étrangers en situation d’être vraiment éloignés. Aujourd’hui, c’est l’inverse, puisqu’on essaie d’englober un maximum d’étrangers pour, ensuite, les éloigner en utilisant les OQTF.
La commission Mazeaud proposait également de développer les retours volontaires. La directive Retour est très incitative sur ce point. Mais, avec la solution de l’obligation de quitter le territoire français, les délais ne seront pas respectés, et l’on sait que les retours forcés ont un coût nettement supérieur à celui des retours volontaires.
La lettre et l’esprit de la directive Retour privilégient le départ volontaire et font de l’éloignement forcé un dernier recours. Or l’article 23 tend à faire du départ forcé le principe.
De même, alors que la directive prévoit seulement la possibilité de l’interdiction de retour sur le territoire, le texte qui nous est proposé rend cette interdiction bien plus facile à délivrer, même si, je le souligne, la commission a assoupli le régime voté par les députés.
La directive est claire en ce qu’elle donne la capacité aux États de proposer des délais de retour inférieurs au droit commun dans un certain nombre de cas limitatifs et motivés. Or, dans le texte, cette capacité se transforme en possibilité d’appliquer ce traitement à toutes les personnes présentes sur le territoire de façon irrégulière, sans exception.
Tout cela aboutit à un renversement de la charge de la preuve : l’administration pourra se contenter de motiver la procédure qu’elle engage par le seul constat de la présence irrégulière, tandis que c’est à l’étranger qu’il appartiendra de démontrer l’existence de circonstances particulières pour prouver qu’il n’était pas sur le point de fuir.
Par ailleurs, certaines hypothèses prévues par le projet de loi justifiant d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire sont contraires à la directive Retour.
Cet article risque ensuite de rendre impossible l’effectivité de la demande d’asile. Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés a d’ailleurs formulé de fortes réserves, en particulier à l’égard de cet article 23, ce qui justifie d’autant plus notre demande de suppression.